Les mensonges de Greenpeace
En réponse à la campagne internationale lancée par Greenpeace dénonçant les coupes forestières au Québec, le ministre des Forêts, Laurent Lessard, a ni plus ni moins déclaré la guerre totale à l'organisation. Le ministre promet d'être « partout où ce genre d'information ne représentera pas la réalité » et accuse Greenpeace de produire des « reportages truffés d'erreurs » et de vouloir « avantager un autre État forestier que le Québec ».
Ce n'est pas la première fois que la crédibilité de Greenpeace est remise en question. Récemment, les journalistes de l'émission Enquête à Radio-Canada ont rencontré des scientifiques pour clarifier les accusations faites par Greenpeace à l'égard de certaines compagnies forestières, qu'ils accusent de « pillage » de la forêt boréale, voire même de « crime forestier ». Il s'est notamment avéré que l'ONG avait utilisé des photos apocalyptiques d'une forêt dévastée par un feu de forêt pour dénoncer l'impact des coupes forestières.
Le biologiste Claude Villeneuve, directeur de la Chaire en éco-conseil de l'Université du Québec à Chicoutimi, y déplore l'utilisation d'éléments « scientifiquement douteux pour établir des valeurs qui deviennent déterminantes dans une société ». Bien qu'il souligne que l'organisation soulève quelquefois des questions valables, elle est essentiellement selon lui une «boîte de communication» qui dépeint un portrait ne représentant pas la réalité sur le terrain.
Effectivement, les campagnes menées par Greenpeace et le film L'Erreur boréale réalisé par Richard Desjardins ont façonné l'opinion publique, de sorte que les Québécois en sont venus à craindre la « déforestation » du territoire. Ce concept, étranger à l'aménagement forestier au Québec, est incompris et instrumentalisé par les groupes écologistes. Une récolte forestière ne constitue pas en soi de la déforestation. Après la récolte, les forêts sont replantées et avec l'aide du processus de régénération naturelle, elles pourront être récoltées à nouveau lorsqu'arrivées à maturité.
Pour justifier davantage de restrictions sur l'activité forestière, les groupes écologistes utilisent le concept de « forêt intacte » développé par Greenpeace avec la collaboration d'autres groupes écologistes. Cependant, comme le mentionne l'ancien forestier en chef du Québec dans l'émission Enquête, le concept n'a pas de sens dans le contexte de la forêt boréale puisque celle-ci est constamment perturbée par des phénomènes naturels comme le feu. Pour le biologiste Claude Villeneuve, le concept a peu de valeur scientifique et relève davantage « du jugement de valeur ».
Bien que Greenpeace puisse légitimement préférer un équilibre naturel antérieur à l'activité humaine, cela ne signifie pas qu'un équilibre aménagé par l'homme devrait être dénoncé à tout prix. Au contraire, les nouvelles méthodes d'aménagement écosystémiques permettent de recréer les perturbations naturelles tout en maintenant une activité économique essentielle à la viabilité d'une centaine de municipalités québécoises.
Pour chaque campagne basée sur des informations douteuses ou à tout le moins partielles que lance Greenpeace, il est important de se rappeler que le Québec est une région où les méthodes d'aménagement forestières les plus sévères au monde sont respectées, que près de 90 % des forêts du domaine de l'État sont certifiées selon une des normes d'aménagement durable, que la récolte forestière annuelle représente seulement 1,5 % des volumes de bois sur pied, que chaque parcelle de forêt récoltée sera éventuellement une forêt verdoyante prête à être récoltée à nouveau et enfin, que le secteur forestier compte plus de 60 000 emplois et que sa production représente 2,1 % du PIB québécois.
Mon collègue Alexandre Moreau et moi-même nous intéressons de près aux enjeux forestiers du Québec et ce n'est pas la première fois que nous intervenons sur ce thème dans le Huffington Post . Les lecteurs peuvent lire nos publications à ce sujet et visionner nos courts documentaires sur notre site web et ainsi avoir un portrait juste de la forêt au Québec et de ce que cela représente pour nos régions. Il est dommage que les gens de Greenpeace n'en fassent pas autant.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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