Quatre défis pour le ministre des Finances du Québec
Ce ne sont pas les 12 travaux d'Hercule, mais les défis budgétaires du gouvernement du Québec sont néanmoins gigantesques. Pour qui a suivi les débats politiques et économiques ces dernières années, l'explosion des coûts en santé, le ralentissement de la croissance économique et le poids de la dette du secteur public étaient tous des phénomènes prévisibles, notamment en raison du vieillissement de la population. Cette fois, les difficultés font vraiment sentir tout leur poids.
C'est sur ce terrain miné que s'aventure Nicolas Marceau, le ministre des Finances, pour réaliser son numéro d'équilibriste. Bien des experts auront les yeux rivés sur quatre grands indicateurs pour juger de sa réussite ou de son échec.
1. Le déficit
Déjà avant les élections, le déficit de l'année en cours apparaissait hors de contrôle. En effet, s'en tenir à 1,6 milliard de dollars de déficit d'ici au 31 mars 2013 exige des choix rapides. Le budget qui sera déposé mardi prochain représente un jalon important pour la suite des choses. Il s'agit du budget censé ramener les finances publiques au déficit zéro d'ici 2014, comme le ministre s'est engagé à le faire en campagne électorale. M. Marceau n'aura probablement pas fait tous les choix dans le budget, mais on s'attend à ce qu'il indique sans équivoque qu'on ne peut pas demander davantage aux contribuables québécois. Le retour au déficit zéro doit se faire par des économies dans les dépenses publiques. Sur des dépenses annuelles d'environ 71 milliards de dollars, il suffit d'une réduction de 3 % pour enfin sortir le Québec du rouge.
2. La dette
Avec une dette de 255 milliards de dollars, le secteur public traîne un boulet très encombrant. Le poids de la dette se fait surtout sentir par les intérêts qui amputent chaque année le budget : près de 12 % des dépenses servent à payer les intérêts sur la dette du gouvernement du Québec. C'est sans compter la dette des municipalités, des organismes publics, des universités, etc. Le Parti québécois s'est engagé à utiliser le Fonds des générations pour rembourser une partie de la dette, mais ce fonds ne contient que 5 milliards de dollars environ. À la vitesse à laquelle on s'endette, dans cinq ou six mois, la dette du Québec sera revenue au même niveau qu'actuellement. Là encore, un plan à plus long terme devient incontournable.
3. Les tarifs
On le sait, les tarifs sont gelés au Québec. Du moins pour les frais de scolarité, les frais de garde et les tarifs d'électricité. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle en soi, me direz-vous. Sauf que ce qu'on ne paie pas en tarifs, on le paie en impôt. En gelant les frais de scolarité, le gouvernement pourra-t-il financer les universités québécoises pour qu'elles offrent des diplômes de qualité?
En gelant les frais de garde, est-ce qu'il ne devient pas utopique d'ajouter les 28 000 nouvelles places promises? En gelant les tarifs d'électricité, peut-on espérer réduire la dette du Québec? Cela signifiera-t-il qu'il faudra augmenter les impôts?
4. Le fardeau fiscal
C'est le dernier et le plus révélateur des indicateurs à surveiller dans le budget. Tant pour régler le déficit que pour payer les intérêts de la dette, le gouvernement a augmenté les impôts, les taxes et d'autres éléments du fardeau fiscal des Québécois ces dernières années. Du temps du ministre Raymond Bachand, on nous disait que l'effort supplémentaire du contribuable allait être moins important que la réduction des dépenses. Ce qui ne s'est pas réalisé. Avec Nicolas Marceau, à quoi peut-on s'attendre?
Le fardeau fiscal des moins nantis devrait diminuer un peu avec une réduction de la taxe santé de 200 $ par année. En échange, les hauts salariés vont voir leur taxe santé et leurs impôts sur le revenu augmenter. Pas autant que ce qui avait été prévu, heureusement, grâce à la concurrence fiscale.
Le fardeau fiscal des Québécois, c'est l'échappatoire commode. C'est l'alternative à toute coupure. C'est la panacée de tous ceux qui demandent au gouvernement de s'occuper de ceci ou de cela. Chaque hausse a l'air modeste. C'est simple, ça ne change pas grand-chose pour la majorité de la population, et les mieux nantis ne peuvent pas vraiment se plaindre, quand même! Sauf qu'un jour, on se retrouve avec un fardeau fiscal tellement lourd qu'il faut tracer une ligne dans le sable et déclarer que ça s'arrête ici. Qu'on ne franchira pas cette ligne. C'est ce que le nouveau ministre des Finances ne fera pas, au grand dam des Québécois, parce qu'il a promis le contraire et qu'on l'a élu. L'espoir, c'est le statut minoritaire du gouvernement. On peut encore souhaiter que l'opposition soit résolue à tracer cette ligne et à la faire respecter.
Youri Chassin est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.