Pourquoi le Québec a-t-il moins d’entrepreneurs?
Plusieurs indicateurs confirment que les Québécois sont moins enclin à devenir des entrepreneurs comparativement aux autres Canadiens ou aux Américains. Peut-on expliquer cette différence autrement que par des facteurs culturels ?
Parce qu’il s’agit d’une activité qui implique fondamentalement la prise de risques, l’entrepreneuriat ne peut s’épanouir que dans un contexte où la prise de risque est valorisée, encouragée et récompensée. En augmentant le fardeau fiscal et réglementaire, les gouvernements créent toutefois un environnement où le risque devient plus grand, l’atteinte de résultats plus difficile, et la récompense moins certaine pour les entrepreneurs. Bref, l’activité entrepreneuriale est découragée.
Réglementation étouffante
Une réglementation complexe et volumineuse peut décourager certains entrepreneurs de se lancer en affaire et représente un coût important pour les entreprises déjà établies. Celles-ci sont obligées de consacrer du temps et des ressources pour s’y conformer au lieu d’investir pour mieux satisfaire leurs clients. Selon une étude canadienne plus de sept PME sur dix ont jugé en 2002 que la réglementation était trop complexe et qu’elle était un obstacle à leur croissance. Au Québec, les coûts directs que doivent supporter les entreprises pour se conformer à la réglementation – fédérale, provinciale et municipale – ont été estimés à 7,4 milliards de $ en 2003.
La réglementation excessive peut même pousser certaines entreprises à la faillite. Selon une étude de Statistique Canada réalisée en 1997, 22,2% des entreprises en faillite au Canada ont indiqué que la réglementation gouvernementale a joué un rôle important, très important ou crucial, dans leur échec. De même, 7,7% parmi elles attribuent leur faillite aux législations sur le travail ou l’industrie.
Fiscalité pénalisante
Des taxes et impôts élevés font aussi en sorte que certains projets entrepreneuriaux – qui auraient valu autrement le risque d’être entrepris – sont abandonnés. Or, les Québécois sont parmi les plus lourdement imposés en Amérique du Nord et font face à des taux fortement progressifs: non seulement les taux d’imposition sur le revenu des particuliers sont plus élevés qu’ailleurs au Canada, mais en plus le taux marginal supérieur est atteint plus vite au Québec que partout ailleurs dans les pays du G7. Le Québec a également les plus hauts taux d’imposition sur le revenu provenant des gains en capital. Un fardeau élevé sur les gains en capital a un effet particulièrement néfaste et décourage aussi bien l’effort entrepreneurial que le soutien aux nouvelles entreprises par les investisseurs offrant du capital de risque.
Même si son taux général d’imposition des revenus des sociétés se compare favorablement à celui des autres provinces, le Québec est la seule province qui n’a pas de taux réduit pour les PME. Un congé fiscal existait pourtant avant le 30 mars 2004 pour les nouvelles entreprises. Le 1er janvier 2006, un taux réduit de 8,5% pour la première tranche de 400 000 $ des revenus des entreprises sera cependant introduit, alors que le taux supérieur augmentera de 8,9% à 9,9% en 2006 et à 11,4% en 2008, puis à 11,9% en 2009. Il s’agit d’un pas pour alléger la fiscalité des PME, mais ce taux réduit reste tout de même bien plus élevé que dans les autres provinces. Et les grandes entreprises verront leur fardeau augmenter en ce qui a trait à l’impôt provincial sur le revenu des sociétés.
S’il est clair qu’il ne faut pas pénaliser les entrepreneurs par la fiscalité ou la réglementation, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille créer de nouveaux programmes de subventions ou les financer avec des fonds publics. L’entrepreneuriat reste une activité risquée par nature et il est impossible pour les gouvernements de savoir à l’avance quels projets seront effectivement créateurs de richesse. L’entrepreneuriat dépend en réalité du degré de liberté économique, qui permet aux entrepreneurs d’aller de l’avant avec leurs projets sans entrave inutile.
Valentin Petkantchin est directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal.