Société de transport de Montréal: faire le plein d’un réservoir troué
Depuis plusieurs mois, on entend régulièrement parler des difficultés financières de la Société de transport de Montréal (STM) ainsi que des autres sociétés de transport de la région métropolitaine de Montréal. Ces difficultés seraient largement un produit – allègue-t-on – du fait que l’achalandage n’est jamais revenu aux niveaux prépandémiques. Sans aide des différents gouvernements pour éponger les pertes, les coupures de service seraient inévitables.
Ce genre d’aide serait la mauvaise solution. Demander aux contribuables de régler les difficultés financières de la STM revient à leur demander de payer pour faire le plein d’un réservoir troué.
Le réservoir troué vient du fait que la STM n’est pas capable de contrôler ses frais d’exploitation. Depuis la nationalisation du transport en commun dans les années 1950, les coûts par kilomètre parcouru (ajustés pour l’inflation) ont augmenté de plus de 198 % et ils ont augmenté de 163% depuis l’ouverture du métro.
Société d’État sans incitation
Certains pourraient vouloir répondre que la qualité du service a augmenté, mais ce n’est pas le cas. En 1983 (première année où les données sont disponibles), le nombre de retards de service pour le métro était de 6,3 par million de kilomètres parcourus. Cette proportion a monté graduellement à 12,2 en 2012 et est restée plus ou moins stable depuis.
Certains prétendent que les frais d’exploitation augmentent naturellement. Le problème, c’est que la tendance à long terme du prix des intrants (par exemple, les nouveaux véhicules) est à la baisse ou demeure stable (par exemple, le prix de l’essence) en même temps que l’efficacité énergétique des équipements augmente si vite que le coût par unité de service semble baisser.
Somme toute, le problème n’est pas lié à des facteurs externes à la STM. La racine du problème est que la STM est une société d’État qui n’a aucune incitation – tant au sein de son administration qu’étant donné l’absence de concurrence – à améliorer son service et à contrôler ses coûts.
Quand une firme privée subit des pertes parce qu’elle perd ses clients au profit des concurrents, elle doit s’ajuster ou fermer ses portes. Une société publique a moins de contraintes puisqu’elle peut bien plus facilement se tourner vers les politiciens pour quémander de l’aide. En plus, elle est protégée de la concurrence. Il s’agit là d’un constat fait pour plusieurs sociétés de transport publiques partout dans le monde.
Impliquer le secteur privé
Les expériences internationales avec l’ouverture au privé sont assez probantes. Une étude de 328 villes américaines a conclu que l’implication du privé dans le transport en commun baissait les frais d’exploitation de 30 % sans affecter le niveau de service.
Il existe plusieurs manières différentes d’impliquer le secteur privé. Il peut s’agir, par exemple, d’un décideur public qui choisit le tracé du réseau, mais qui met aux enchères le droit d’exploiter certaines lignes. C’est d’ailleurs ce qui se fait de manière probante à Londres. Cela peut aussi inclure l’exploitation de certaines lignes essentielles par une agence publique tandis que le privé prend en charge certains autres secteurs. Cela peut même inclure – comme dans le cas de l’Angleterre en dehors de Londres – la déréglementation complète de l’offre de service, ce qui laisserait une grande liberté entrepreneuriale aux opérateurs.
Ainsi, avant de sauter dans le portefeuille des contribuables pour mutualiser les coûts de l’inefficacité de la STM, peut-être devrions-nous penser à des manières de revoir ses motivations.
Vincent Geloso est économiste senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.