Santé: le dogmatisme ne mène à rien
Il ne faut jamais attendre bien longtemps avant que les syndicats ressortent l’épouvantail de la privatisation et de l’austérité pour diaboliser les tentatives de réformes en santé.
La preuve, l’année 2023 vient à peine de commencer qu’une grappe de bonzes syndicaux signait un texte au nom de la Coalition main rouge dans Le Soleil, s’opposant fermement au projet pilote de mini-hôpitaux privés – couverts par la RAMQ – promis lors de la dernière campagne électorale.
Sans surprise, ce sont les mêmes arguments qui ressortent: si le système de santé va mal, c’est parce qu’il manque encore et toujours d’argent, et que seul le maintien du système actuel, avec son monopole gouvernemental, peut soigner les patients du Québec.
Pourtant, ce n’est pas l’argent qui manque. Le ministère de la Santé accapare à lui seul 41,3% des dépenses de mission du gouvernement, soit 55,9 milliards$ cette année.
Ce n’est pas comme si ce budget avait subi des coupes non plus. Il y a 10 ans, Québec y consacrait 34,2 milliards$. En une décennie, on l’a fait croître de 63,6%, alors que l’inflation et la croissance de la population n’ont été que de 16,5% et 8,6% respectivement. Pour faire simple: ça fait un bon bout de temps qu’on dépense un gros paquet d’argent de plus chaque année.
Pourtant, malgré les milliards et les milliards qui ont été injectés, notre système de santé étatique demeure toujours aussi dysfonctionnel. Les listes d’attente n’ont pas dérougi, les corridors de nos urgences sont encore encombrés de civières et les médecins de famille demeurent si rares que l’accès à un groupe de médecine familiale est devenu une occasion de célébrer.
Il n’est donc pas surprenant que bon nombre de Québécois et Québécoises fassent le même constat: notre système de santé est brisé. Et pendant que l’on continue à le faire tenir tant bien que mal avec le duct-tape le plus coûteux jamais imaginé, il faut songer aux façons de le réformer afin qu’il puisse mieux servir les patients du Québec.
Et c’est là qu’il faut sortir du dogmatisme du «tout-à-l’État» qui est si caractéristique de notre approche en santé. Sans tomber dans le modèle américain – les Québécois et Québécoises sont très clairs: ils n’en veulent pas – il est possible de baser nos réformes sur d’autres systèmes où les résultats sont plus probants, et où l’entrepreneuriat en santé aide à garantir l’accès aux soins dans les systèmes universels.
C’est d’ailleurs l’approche que la France et la Suède ont privilégiée.
Les deux États offrent une couverture universelle à leurs citoyens et citoyennes, à l’aide d’un régime d’assurance obligatoire similaire à la carte soleil. Si l’assurance est publique, bon nombre de cliniques et d’hôpitaux sont propriété d’OBNL ou d’entreprises privées.
La Suède, par exemple, compte six hôpitaux privés. En France, le privé représente 40% des établissements de soin. Si ces établissements ne sont pas administrés par le gouvernement, ils demeurent accessibles à toutes et à tous, peu importe leurs moyens financiers, puisque les besoins sont couverts par le régime d’assurance gouvernemental.
Le résultat pour les patients français et suédois semble être probant, car les listes d’attente longues de plusieurs mois – voire des années – n’y sont pas monnaie courante comme ici.
Cela serait possible en sortant du dogmatisme de «tout-à-l’État» et en laissant nos entrepreneurs indépendants innover. Et ce n’est pas tant à cause de son caractère privé que cette amélioration est possible, mais plutôt parce qu’elle permet, en mettant plusieurs opérateurs différents à contribution, d’essayer de nouveaux systèmes, de nouvelles façons de faire, afin de mieux répondre aux attentes des patients et patientes du Québec.
Et, quoiqu’en disent les ténors syndicaux, le Québec se dit prêt à en faire l’expérience – 73% de nos concitoyens et concitoyennes disent vouloir essayer les modèles français et suédois. En allant de l’avant avec son projet pilote de mini-hôpitaux privés, c’est donc la volonté des Québécois et Québécoises que le gouvernement écoute.
Renaud Brossard est directeur principal, Communications à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.