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Textes d'opinion

Projet de loi 11: le mauvais remède à prescrire

Présenté par le ministre Dubé, le projet de loi 11 visant à augmenter l’offre de services de première ligne a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours, et a généré de nombreuses réactions. Les médecins omnipraticiens ont exprimé qu’il s’agira d’un coup d’épée dans l’eau, et nous en sommes d’avis, puisque le projet de loi ne comporte aucune mesure qui pourrait faire croître le nombre de médecins ou optimiser leur temps. Pourtant, cet objectif devrait constituer la première étape d’un projet visant à améliorer l’accès aux soins de santé.

Répétons-le, il y a 1 million de Québécois sur une liste d’attente pour un médecin de famille, et ils y passent en moyenne 599 jours. Ce n’est pas étonnant que nos urgences et cliniques débordent. Un projet de loi qui se concentre sur toute tâche autre qu’accroître le nombre de médecins rate la cible complètement.

Abolir les quotas d’admissions

Si le gouvernement est à court d’idées pour des mesures qui pourraient élargir considérablement le bassin de médecins au Québec, il pourrait commencer par éliminer les quotas d’admissions en médecine. L’une des motivations derrière cette limite d’admissions dans le passé était de s’assurer qu’aucun médecin ne se retrouverait au chômage une fois diplômé. Étant donné la pénurie actuelle de médecins, cette excuse ne tient plus.

En 2020, le Québec a fait un pas dans la bonne direction lorsqu’il a décidé d’augmenter le quota d’admissions dans les facultés de médecine, mais ce ne sera pas suffisant. Laissons les universités décider elles-mêmes de leur capacité d’accueil en abolissant le quota.

Un autre moyen d’augmenter le nombre de médecins serait d’atténuer les obstacles réglementaires à l’entrée sur le marché du travail pour les professionnels de la santé formés à l’étranger. Nous l’oublions peut-être, mais le Québec a actuellement avec la France une entente de reconnaissance mutuelle des qualifications scolaires et professionnelles des infirmières et des médecins. Malgré cet accord, les démarches prennent souvent plus de deux ans, et nous refusons des centaines de demandes. Il est temps de libérer ces professionnels des obstacles bureaucratiques et de les accueillir à bras ouverts.

Tâches administratives

Mis à part les mesures qui pourraient augmenter l’effectif de médecins, il y a aussi place à l’amélioration dans les conditions de travail, qui jouent sur l’attractivité même du métier de médecin de famille. En effet, de précieuses heures de prise en charge sont remplacées par des tâches administratives qui occupent une part considérable des journées des médecins. Si davantage de tâches pouvaient être déléguées à du personnel administratif, plus de temps pourrait être accordé aux (nouveaux) patients.

Dans le même ordre d’idée, on pourrait libérer du temps précieux aux médecins de famille si le gouvernement continuait d’élargir le champ de pratique d’autres professionnels de la santé, comme les superinfirmières et les pharmaciens. Permettre aux pharmaciens d’administrer le vaccin contre la COVID est un exemple béton qui a mis en lumière les bénéfices d’un meilleur partage des compétences entre les professions. Non seulement la population s’est vue offrir un choix varié de fournisseurs, mais le vaccin a été facilement accessible pour tous.

S’il est vrai qu’il est grand temps pour une refonte du système de santé au Québec, une des premières étapes de cette transformation doit être l’augmentation de l’offre de services par des mesures qui élargissent le bassin de médecins et qui contribuent à optimiser leur temps, et non par l’imposition de techniques de microgestion, comme le veut le projet de loi 11 actuellement.

Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM et Maria Lily Shaw est économiste à l’IEDM. Ils signent ce texte à titre personnel.

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