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Textes d'opinion

Nul besoin de recourir à «l’austérité» pour retrouver l’équilibre budgétaire

Il y a un an à peine, le Québec a réalisé un surplus budgétaire dépassant quatre milliards de dollars, et profitait d’une forte croissance économique. Le portrait a changé du tout au tout: le déficit oscille autour de 15 milliards de dollars cette année, et le poids de la dette atteindra l’équivalent de 43 % du PIB de la province, selon la mise à jour économique présentée en novembre dernier par le ministre des Finances.

Depuis cette annonce, certains partis d’opposition craignent que le gouvernement Legault mette en place des politiques d’austérité afin de retrouver l’équilibre budgétaire. Bien qu’une revue de certains programmes gouvernementaux serait nécessaire, nul besoin de passer par la case «austérité», comme l’entendent certains politiciens, pour reprendre le contrôle de la situation.

Il suffit de sortir des sentiers battus et de faire preuve de courage pour donner au Québec les moyens de rétablir – et de maintenir – l’équilibre budgétaire, et ce, tout en favorisant la croissance de notre économie. Sans actions concrètes, le niveau d’endettement du Québec atteindra des sommets qui mineront l’équité intergénérationnelle et qui exigeront de la part des contribuables déjà fortement taxés des efforts additionnels.

Pour arriver à cette fin, le gouvernement devra graduellement «changer les façons de faire» en adoptant des mesures et réformes qui favoriseront un meilleur usage des fonds publics.

Tout d’abord, le gouvernement doit envisager une importante réforme du système de santé. Chaque année, 43 % du budget provincial est alloué au système de santé, mais ce dernier manque toujours de capacité. Cela ne doit pas nous surprendre: depuis près de vingt ans, la durée moyenne de séjour dans les urgences au Québec est d’au moins treize heures. Et même avant la pandémie, le taux d’occupation des salles d’urgence surpassait 100 %.

Le gouvernement doit s’inspirer des systèmes universels d’outre-mer qui opèrent à moindre coût tout en étant plus efficaces. Par exemple, le système de santé suédois permet au secteur privé de gérer les hôpitaux, mais ceux-ci sont tout de même financés par le gouvernement. Ainsi, les patients paient tout de même avec l’équivalent d’une carte soleil, mais n’attendent que 30 minutes pour voir un médecin. D’ailleurs, une telle réforme serait bien reçue par le public, puisque pas moins de 75 % des Québécois sont ouverts à recevoir des soins dispensés par des entrepreneurs.

Le gouvernement doit également envisager une réforme dans la sécurité publique. Plus précisément, il serait possible de déléguer graduellement quelques tâches policières auxiliaires à des entrepreneurs et sociétés privés. Selon les calculs effectués par l’IEDM, la sous-traitance de certaines tâches policières connexes, entre autres administratives, pourrait libérer de 20 à 30 % de la masse salariale de la Sûreté du Québec chaque année, soit plus de 300 millions de dollars annuellement.

Enfin, le Québec doit réévaluer la pertinence de certaines mesures environnementales existantes dont les bénéfices ne justifient pas les coûts. C’est le cas notamment du programme de subvention à l’achat d’une voiture électrique. Depuis sa création en 2012, plus de 741 millions de dollars y ont été consacrés. Or, le Québec ne compte aujourd’hui que 85 564 voitures électriques, soit 3 % du nombre total d’automobiles sur nos routes. Jusqu’à maintenant, le gouvernement a donc dépensé environ 362$ par tonne de GES non émise pour électrifier le transport personnel. Mais rappelons-le, il existe déjà une bourse du carbone qui, avec certaines améliorations, pourrait être plus efficace et moins coûteuse que ce programme de subvention.

Ces réformes sont d’autant plus souhaitables qu’elles ne nécessitent pas des millions de dollars en nouvelles dépenses publiques. Plutôt, ces propositions maintiendraient, voire amélioraient les services rendus au public, tout en dégageant des sommes qui pourraient être mises à contribution pour le rétablissement de l’équilibre budgétaire.

Le gouvernement provincial doit, plus que jamais, faire un grand pas en direction de l’assainissement des finances publiques. Mais détrompons-nous. L’«austérité», comme définie par certains partis politiques qui crient présentement au loup, n’est pas la seule voie vers le retour à l’équilibre budgétaire. Des réformes essentielles et peu coûteuses font partie des solutions, il ne manque qu’une dose de courage pour les entreprendre.

Maria Lily Shaw est économiste à l’IEDM. Elle signe ce texte à titre personnel.

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