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Textes d'opinion

Notre déficit de productivité

Pendant que le gouvernement Trudeau se plaisait à fanfaronner sur « la plus forte croissance économique parmi les pays du G7 », en sortant de la pandémie, il omettait de dire que cette croissance ne venait pas d’un enrichissement de la population, mais bien d’une simple croissance d’une population à la richesse stagnante.

Les données sur le PIB par habitant ne pourraient être plus claires : nous sommes actuellement au même niveau de richesse par habitant que nous l’étions en 2018, en tenant compte de l’inflation. Pourtant, nos voisins du Sud, quant à eux, ont continué de faire des gains sur ce plan dans les dernières années.

Cette stagnation découle d’un problème de longue date : le Canada accuse un retard de productivité par rapport aux autres économies avancées.

Ce qu’on veut dire par là est que la valeur créée par chaque heure travaillée traîne de la patte par rapport aux autres pays du G7.

Selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), chaque heure de travail effectuée par un Canadien crée une valeur de 53,30 $ US, en moyenne, à parité des pouvoirs d’achat.

Cela n’a pas l’air si mal, toutefois cela nous place avant-derniers parmi les pays du G7, tout juste devant le Japon. La productivité moyenne des pays du G7 était de 63,90 $ US par heure travaillée. Chez nos voisins du Sud, on parle plutôt d’une valeur de 72,10 $ US créée par heure travaillée.

On peut dire que ce n’est pas si grave, que ce ne sont que quelques dollars par heure de retard, mais il faut comprendre que cela a des répercussions directes sur nos finances personnelles. Moins une heure travaillée produit de valeur, moins le potentiel de rémunération de cette heure est élevé. Conséquemment, une moindre productivité horaire signifie moins de revenus pour les travailleurs et travailleuses.

Un écart important

De plus, cet écart de 10,60 $ US de valeur produite par heure travaillée, par rapport aux pays membres du G7, demeure assez important. À raison de 35 heures de travail par semaine, 48 semaines par année (il faut bien prendre des vacances tout de même), cela se traduit en un écart de 17 808 $ US par rapport à notre niveau de vie potentiel, si l’on atteignait la moyenne du G7.

Si l’écart est important, le résorber n’est pas impossible. La littérature économique est très claire quant à la façon d’augmenter la productivité : il faut de l’investissement.

Et cela se comprend. Lorsque les entreprises investissent dans de nouveaux procédés de production plus efficaces, un travailleur est en mesure de faire plus et de faire mieux pour chaque heure passée au travail, ce qui produit plus de valeur, augmentant ultimement le potentiel de rémunération.

Or, cela fait des années que le Canada tire de l’arrière en matière d’investissement, le nerf de la guerre dans l’accroissement de la productivité.

En 2018, par exemple, les investisseurs privés ont placé l’équivalent de 17 389 $ par emploi en investissements non résidentiels au Canada.

Aux États-Unis, en conservant la parité des pouvoirs d’achat, le niveau d’investissement privé non résidentiel atteignait plutôt 27 307 $ par emploi. En Suède, on parlait de 33 214 $ par emploi.

Néanmoins, bien que les gouvernements provinciaux et fédéral tentent de compenser le manque d’investissement privé à coups de subventions, les niveaux nécessaires pour rattraper notre écart avec les États-Unis en matière d’investissements privés ne sont tout simplement pas soutenables. On parlerait ici de 200 milliards de dollars par année de l’argent des contribuables qui seraient nécessaires pour rattraper cet écart. C’est en présumant que les subventions sont toutes aussi efficaces, ce qui reste encore à démontrer.

La bonne nouvelle pour les contribuables que nous sommes est qu’il n’est pas nécessaire de détourner l’argent de nos impôts vers le secteur privé pour rattraper notre retard de productivité. Si d’autres États réussissent à attirer davantage d’investissement, c’est que l’environnement d’affaires y est suffisamment attrayant pour que le secteur privé soit prêt à y risquer son argent.

Redevenir attrayant de la sorte implique donc de réduire le coût des affaires, principalement les coûts fiscaux et réglementaires. Cette approche ferait en sorte qu’un investissement au Canada soit vu comme étant plus payant qu’un investissement aux États-Unis, en France ou en Suède, par exemple.

Tant que nous ne nous attaquerons pas à ce problème de manque de compétitivité sur le plan réglementaire et fiscal, nous risquerons de voir notre niveau de vie stagner, voire baisser, alors que celui du reste du monde progresse.

Renaud Brossard est directeur principal, Communications à l’IEDM et l’auteur de « Productivité à la traîne: une menace pour le niveau de vie des Canadiens ». Il signe ce texte à titre personnel.

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