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Textes d'opinion

Moins de protectionnisme sous un président Biden?

Avec la récente élection de Joe Biden chez nos voisins du Sud, plusieurs commentateurs et groupes de pression se sont dits rassurés par l’arrivée de ce politicien de carrière au ton plus posé que son prédécesseur. Mais sur le plan économique, peut-on réellement s’attendre à un président moins protectionniste qui facilitera le commerce avec notre pays?

Comme plusieurs experts en commerce international et diplomates, nous croyons que cette victoire des démocrates ne rimera pas nécessairement avec davantage de libre-échange entre nos deux pays. Alors que les litiges dans les secteurs de l’aluminium et de l’acier pourraient effectivement s’adoucir, plusieurs observations nous mènent à croire que la fameuse mentalité Buy American, qui favorise au final des mesures protectionnistes dommageables pour l’économie américaine, est là pour de bon.

Le nouveau président en a même fait un de ses slogans de campagne électorale.

Au sein des démocrates, on y retrouve un mouvement anti-libre-échange — moussé par le politicien populiste Bernie Sanders — qui semble prendre de l’ampleur, malgré les évidences empiriques économiques qui discréditent cette vision mercantiliste datant du XVIe siècle. De plus, Biden a ouvertement admis être en faveur d’interdire des entreprises canadiennes de soumissionner sur des contrats publics d’infrastructures dans les États ou les municipalités.

Il ne faut pas non plus oublier que l’ouest du Canada sortira fort probablement perdant, au moins en partie, de cette élection.

Alors que Trump avait approuvé l’oléoduc Keystone XL qui crée 2000 emplois en construction en Alberta, Biden promet de mettre fin à ce projet énergétique. Bien que les Américains cracheraient aussi sur des emplois de qualité et des retombées économiques nécessaires en temps de pandémie, ce sera possiblement un autre coup dur pour les Canadiens.

Peu importe le président américain au pouvoir, on ne saurait exagérer l’importance pour le Canada des échanges commerciaux avec les États-Unis. Rappelons qu’en temps normal, ceux-ci représentent 72,8 % des exportations canadiennes et 51,5 % de nos importations.

Si le fait que nous partageons un même continent facilite naturellement les échanges et constitue un avantage comparatif mutuel, ce bénéfice peu rapidement disparaître à force de mesures coercitives protectionnistes et de relations commerciales tendues, comme nous l’avons vu avec la saga du bois d’œuvre. Le repli commercial sur soi n’a jamais favorisé l’amélioration du niveau de vie des citoyens.

Les consommateurs qui le subissent doivent se tourner vers des produits souvent plus chers ou de moins bonne qualité. Les producteurs qui subissent quant à eux les habituelles représailles doivent composer avec les contraintes protectionnistes et les coûts s’y rattachant. À part les entreprises ou les secteurs protégés par les quotas ou les tarifs douaniers, tout le monde y perd.

Il ne s’agit pas uniquement de relations bilatérales, puisque les États-Unis importent des matières premières et des biens intermédiaires qu’ils transforment pour ensuite nous les vendre. Ainsi, quand le commerce des États-Unis avec la Chine ou l’Europe se détériore pour des raisons politiques, les produits qu’ils nous proposent deviennent généralement de moins bon marché.

Par exemple, les objets électroniques que nous chérissons et sur lesquels vous lisez cette tribune sont constitués de dizaines d’éléments d’origine plurinationale, même s’ils sont assemblés à un endroit précis. Si les relations commerciales entre les pays qui participent à sa fabrication se détériorent, les consommateurs en sortiront perdants.

Le libre-échange est encore plus important aujourd’hui. Les deux tiers des touristes venant au Canada sont Américains. Or, la crise sanitaire et politique liée à la COVID-19 a déjà diminué les revenus du secteur touristique de près de 50 milliards $. Alors que l’incertitude persiste quant à l’arrivée prochaine d’un vaccin et à la réouverture complète des frontières, la libre circulation des biens est une bouée de sauvetage à laquelle nous devons nous accrocher.

Un retour au protectionnisme est la dernière chose dont nos deux pays ont besoin.

Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM, Gaël Campan est économiste senior à l’IEDM. Ils signent ce texte à titre personnel.

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