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L’énergie au Québec – Quel rôle pour le gaz naturel dans un contexte d’électrification?

Cahier de recherche qui cherche à quantifier la production et la consommation d’énergie au Québec actuellement et à montrer le défi considérable que constitue l’électrification de l’économie québécoise

Depuis plusieurs années, le Québec parle d’électrifier l’ensemble de son économie. Cette publication de l’IEDM dresse un bilan énergétique de la province, quantifie le potentiel de l’hydro-électricité et identifie le gaz naturel comme une solution réaliste afin de remplir nos besoins en énergie.

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Ce Cahier de recherche a été préparé par Jean Michaud, ingénieur, en collaboration avec Germain Belzile, chercheur senior associé à l’IEDM.

Points saillants

Le discours public laisse entendre que le Québec pourrait à brève échéance électrifier l’ensemble de son économie. Le présent rapport cherchera à quantifier la production et la consommation d’énergie au Québec actuellement et à montrer le défi considérable que constitue l’électrification de l’économie québécoise, en particulier celle du secteur des transports. La capacité de production d’Hydro-Québec n’est pas infinie, surtout en période de pointe hivernale. Par contre, des solutions de rechange à l’hydroélectricité existent et pourraient augmenter la capacité de production énergétique dans la province. Le gaz naturel, en particulier, présente plusieurs avantages du point de vue québécois.

Chapitre 1 – Le bilan énergétique du Québec

  • Plus de la moitié (56 %) de l’énergie consommée au Québec provient de combustibles fossiles, tandis que l’électricité forme 36 % du bilan énergétique de la province.
  • Les surplus énergétiques d’Hydro-Québec (18 TWh en 2019) représentent environ 10,3 % de la consommation annuelle d’électricité du Québec. Cela pourrait permettre d’augmenter la part de l’électricité dans le bilan énergétique de la province à un peu moins de 40 %.
  • Cependant, Hydro-Québec est aussi en négociation avec la Ville de New York dans le but de lui vendre une grande partie de ses surplus, soit 8 TWh, sans compter le fait que le gouvernement tente d’attirer des entreprises dont les opérations sont très énergivores.
  • Quelque 30 % de la consommation d’énergie au Québec est attribuable au secteur des transports. La moitié de cette énergie est consommée par les véhicules personnels, et un peu plus du tiers par le transport de marchandises. Le solde est attribuable au transport commercial de voyageurs (principalement aérien).
  • Environ 5,4 millions de véhicules personnels (voitures et camions légers) circulaient au Québec en 2017, parcourant un total de 72 milliards km chaque année, en plus des quelque 823 000 camions en service dans la province.
  • Le Québec aurait besoin de près de 14 TWh supplémentaires annuellement pour recharger les véhicules personnels s’ils étaient tous électriques, et presque la même quantité pour électrifier tous les camions – en supposant que cela soit techniquement possible –, pour un total de 28 TWh supplémentaires.

Chapitre 2 – La capacité de production d’Hydro-Québec

  • La capacité de génération totale théorique d’Hydro-Québec, provenant principalement de ses centrales hydrauliques, et à laquelle s’ajoutent la centrale de Churchill Falls, des parc éoliens et d’autres sources, est de 47 926 MW.
  • Cependant, en raison de l’intermittence du vent, la capacité de production d’électricité « fiable » d’Hydro-Québec ne peut inclure l’éolien, et totalise donc en réalité de 44 050 MW.
  • Les besoins d’Hydro-Québec en période de pointe devaient s’élever à 38 387 MW en 2018-2019, en plus d’une réserve de 3650 MW afin de garantir la fiabilité de cet approvisionnement en tout temps, pour un total de 42 038 MW (et de 44 380 MW en 2025-2026).
  • En période de grand froid, le chauffage représente une portion très importante de la demande d’électricité, ce qui fait du Québec une exception.
  • À peu près partout en Amérique du Nord, c’est surtout le gaz naturel qu’on utilise pour le chauffage. Par conséquent, la pointe de demande d’électricité se produit généralement en été, en raison de la climatisation.

Chapitre 3 – L’impact de l’électrification des transports sur la demande d’électricité

  • En supposant que le nombre de véhicules en circulation reste le même qu’aujourd’hui au terme d’une transition énergétique complétée, les quelque 5,4 millions de véhicules personnels électriques que compterait alors le Québec auraient besoin de 37 350 MW pour se recharger chaque jour, soit presque autant que toute la pointe de demande de la province en hiver.
  • Même si, en utilisant des compteurs électriques intelligents, la recharge pouvait être étalée sur douze heures, cela générera quand même une demande additionnelle de plus de 3000 MW pendant chacune de ces douze heures.
  • Les quelque 823 000 camions en service au Québec, s’ils étaient aussi convertis à l’électrique, auraient besoin de 3100 MW supplémentaires pour la recharge si celle-ci était étendue sur douze heures, pour une augmentation totale de la demande en électricité de 6100 MW pendant la recharge des véhicules.
  • En hiver, lorsque la demande d’électricité est la plus forte, l’utilisation du chauffage dans les voitures et camions électriques (qui augmenterait leur consommation), conjuguée à la décharge plus rapide de la batterie en raison du froid, allongerait le temps de recharge nécessaire.
  • Électrifier l’ensemble de l’économie québécoise, à l’exception des transports, exigerait qu’Hydro-Québec augmente sa production d’environ 10 000 MW par décennie pour la faire passer à environ 70 000 MW en 2050, soit presque le double de la production actuelle.
  • Puisque le potentiel électrique du Québec est estimé à un peu plus de 80 000 MW en théorie, on pourrait alimenter l’ensemble de l’économie québécoise en harnachant toutes les rivières, rapides et chutes du Québec, mais les pressions sociales et politiques, de même que le statut de réserve aquatique des grandes rivières, sont susceptibles d’être des barrières à la réalisation d’un tel objectif.
  • De plus, l’énergie électrique présente des faiblesses : contrairement aux énergies fossiles qui peuvent être entreposées, l’électricité doit être utilisée au moment où elle est produite, et produite au moment même où elle est requise.
  • Présentement, l’approvisionnement énergétique du Québec n’est pas trop concentré : aucune source d’énergie ne représente plus de 40 % des besoins de la province, et quelque 64 % de ces besoins sont couverts par des sources d’énergie autres que l’électricité, qui peuvent être entreposées.

Chapitre 4 – Quelles autres solutions s’offrent au Québec?

  • Nous entendons constamment parler du développement de l’énergie solaire dans le Sud-Ouest des États-Unis. Cependant, dans le sud du Québec, en décembre, un panneau solaire qui suivrait le mouvement du soleil ne pourrait fournir de l’énergie plus que 10,8 % du temps.
  • La géothermie fonctionne 24 heures par jour, douze mois par année, et elle n’est pas affectée par la température extérieure. Son désavantage est son coût initial très élevé, mais certains édifices publics devraient pouvoir bénéficier d’un financement plus élevé, qui tienne compte de la valeur des économies futures.
  • Mieux isoler les bâtiments, installer des fenêtres plus performantes et d’autres initiatives écoénergétiques du genre sont les moyens les moins coûteux de réduire la demande d’énergie des secteurs résidentiel, commercial et industriel, mais le faible prix de l’hydroélectricité au Québec réduit les bénéfices qui découlent de telles mesures.
  • Même si l’utilisation des déchets domestiques, agricoles et autres pour la production de biocarburants est logique lorsqu’économiquement justifiée, son potentiel de commercialisation est pour l’instant très limité.
  • Les réacteurs nucléaires de nouvelle génération permettent de minimiser grandement les risques liés à des vices de conception ou aux erreurs humaines. De plus, certaines technologies modernes utilisent des déchets nucléaires comme combustible, ce qui réduit le problème de l’entreposage de ces matières. Il n’y a cependant pas d’appétit présentement pour l’énergie nucléaire dans la population ou dans la classe politique au Québec.
  • La majeure partie de l’hydrogène utilisé provient du gaz naturel, et il vaudrait mieux utiliser le gaz naturel lui-même. Une autre façon d’obtenir de l’hydrogène est par l’électrolyse de l’eau. Cette méthode de production est relativement dispendieuse, ce qui la rend non concurrentielle pour le moment.
  • Le gaz naturel est plus propre que le charbon et le pétrole, sa combustion n’émettant pratiquement pas de particules fines. C’est pour cette raison qu’il est généralement perçu comme une solution de transition vers la décarbonisation de l’économie mondiale.

Chapitre 5 – Le gaz naturel au Québec

  • Si le Québec se chauffait au gaz naturel plutôt qu’à l’électricité, cela libérerait une grande quantité d’électricité et faciliterait l’électrification d’autres secteurs de notre économie.
  • En 2018, le Québec a importé pour 13,8 milliards $ de carburants fossiles. La consommation locale de gaz naturel pour l’année, d’environ six milliards m3, a représenté plus d’un milliard $ de cette somme.
  • Réduire les émissions de CO2 et de méthane au Québec en refusant de produire du gaz naturel localement, tout en consommant par ailleurs du gaz naturel produit à l’étranger – et qui produit encore plus d’émissions nocives –, n’améliore en rien le bilan mondial.
  • Les émissions de CO2 du Québec mesurées sur la base de la production annuelle, soit environ 10 t d’équivalent CO2 par habitant, sont beaucoup plus faibles que la moyenne canadienne. Cependant, si l’on considère les émissions de la province sur la base de la consommation, elles approchent plutôt 15 t par personne annuellement, en raison des importations de produits intensifs en carbone, en particulier le pétrole et le gaz naturel.
  • Les réserves québécoises récupérables de gaz naturel, concentrées dans la partie sud de la vallée du Saint-Laurent, sont estimées à environ 250 à 1150 milliards m3. Au rythme actuel de consommation, le Québec disposerait de réserves suffisantes pour un minimum de 40 ans.
  • Étant donné le réseau de gazoducs déjà présent dans le sud du Québec, exploiter les réserves de gaz naturel que contient le sol québécois n’exigerait la construction que d’un nombre limité de nouveaux gazoducs.
  • Cependant, depuis le début de la dernière décennie, l’exploration de gisements potentiels de gaz naturel dans la vallée du Saint-Laurent a fait l’objet d’une série de moratoires et d’interdictions.
  • En important son gaz naturel, le Québec « cache » les émissions qui découlent de sa consommation, et dont il est l’ultime responsable. En d’autres mots, nous rendons responsables les producteurs américains et ceux de l’Ouest canadien de notre propre pollution.

Pour une exploitation responsable du gaz naturel québécois

Si le Québec doit électrifier une partie significative de son secteur des transports, il devra se donner une marge de manœuvre afin que les véhicules électriques puissent être utilisables même lors des périodes de forte demande, en hiver. L’utilisation plus répandue de gaz naturel pour le chauffage faciliterait l’électrification de l’économie de la province. De plus, le Québec dispose de réserves importantes de gaz, situées à proximité des consommateurs, et dont l’accès est facilité par le réseau de gazoducs existant.

Les avantages liés à l’exploitation du gaz naturel québécois sont fortement mis en relief par la crise économique presque sans précédent à laquelle le monde entier fait face. En plus de créer des emplois de grande qualité dans une période où ceux-ci se raréfient, l’émergence d’une industrie gazière au Québec accroîtrait son indépendance énergétique et le placerait dans une meilleure position pour affronter des crises futures, si celles-devaient perturber les chaînes d’approvisionnement habituelles.

Bien qu’il soit vrai que la renaissance de l’industrie gazière au Québec n’est probablement pas envisageable à court terme (en raison des prix auxquels se négocient les hydrocarbures présentement), une réflexion s’impose au gouvernement du Québec et aux municipalités. Il n’y a aucune raison pour continuer à nuire au développement gazier en lui imposant un processus réglementaire arbitraire et inutilement lourd.

Introduction

Depuis quelques années, la notion de « transition énergétique » est constamment évoquée au Québec, au point où elle a même donné son nom à un organisme gouvernemental(1). Le discours public laisse aussi entendre que le Québec dispose de surplus électriques quasi illimités qui pourraient, si on s’en donnait la peine, nous permettre à brève échéance d’électrifier l’ensemble de l’économie québécoise. Nombreux sont ceux qui croient que nous pourrions en plus fournir un approvisionnement substantiel en électricité à nos voisins américains et canadiens(2).

Le présent rapport cherchera à quantifier la production et la consommation d’énergie au Québec actuellement et à montrer le défi considérable que constitue l’électrification de l’économie québécoise, en particulier celle du secteur des transports.

Dans un premier temps, nous établirons le bilan énergétique du Québec afin de recadrer la part des différentes sources d’énergie, en particulier celle de l’électricité. Ensuite, nous nous pencherons sur la capacité de production d’Hydro-Québec pour constater que celle-ci n’est pas infinie et − en période de pointe hivernale − n’offre plus beaucoup de marge de manœuvre par rapport à la demande.

Nous étudierons ensuite l’impact de l’électrification des transports sur la demande d’électricité, de même que la capacité du réseau électrique québécois à y faire face. Nous examinerons enfin les solutions de rechange à l’hydroélectricité pour augmenter la capacité de production énergétique au Québec, avant de porter une attention plus particulière au gaz naturel, qui présente plusieurs avantages du point de vue québécois.

Note de l’auteur
Chaque automne depuis 2014(3), la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal publie un rapport étoffé sur l’état de l’énergie au Québec(4). Ce document fournit de multiples données sur les sources d’énergie de la province et sa consommation par secteur d’activité (résidentiel, industriel, transport, etc.), qui constituent une excellente source d’informations et qui seront abondamment utilisées dans le présent rapport.

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Références

  1. Transition énergétique Québec.
  2. La Presse canadienne, « Hydro-Québec pourra écouler une partie de ses surplus au Nouveau-Brunswick », Les Affaires, 10 janvier 2020; Pierre Couture, « Surplus énergétiques: Hydro-Québec perd des ventes de 1 G$ par année », Le Journal de Montréal, 4 octobre 2019; Pierre Couture, « Les surplus d’Hydro-Québec vont coûter une fortune », Le Soleil, 15 janvier 2013.
  3. Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal, État de l’énergie au Québec.
  4. Johanne Whitmore et Pierre-Olivier Pineau, L’état de l’énergie au Québec 2020, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal, janvier 2020.
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