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Textes d'opinion

Le partage efficace des données sauve des vies

Nombre de Québécois se souviendront de la déclaration maladroite du ministre Fitzgibbon, à l’été 2020, selon laquelle il considérait vendre les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) à quelques entreprises pharmaceutiques pour les attirer « à venir jouer dans nos platebandes ». Bien que son équipe de communications lui ait probablement tapé sur les doigts, la pandémie illustre à quel point le ministre avait raison dans l’essence de son message.

D’ailleurs, c’est exactement la trajectoire qu’a prise Israël au tout début de la crise, et le Comité européen de la protection des données (CEPD) vient aussi de lui emboîter le pas en établissant un cadre réglementaire propice au partage de données anonymisées. Il serait tout à l’avantage des Québécois de s’inspirer, dès maintenant, de ces exemples internationaux.

Plus de données, plus d’innovation

Demander aux entreprises forestières d’opérer sans leur donner un accès contrôlé à la forêt semble évidemment farfelu. Pourtant, exiger des entreprises pharmaceutiques qu’elles nous sauvent de futures pandémies et autres maladies sans leur donner accès à des données anonymisées sur la santé revient au même.

Pour les scientifiques, que ce soit en pharmaceutique ou en sciences économiques, les données sont la matière première nécessaire pour stimuler l’innovation, et plusieurs sont prêts à payer cher pour y avoir accès.

L’exemple d’Israël est sans doute l’un des plus révélateurs à ce sujet. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a conclu une entente permettant à Pfizer de recevoir les données des Israéliens vaccinés en échange de la vaccination de tous ses citoyens de 16 et plus qui le désirent. L’idée étant qu’avec cette mine d’or de données, Pfizer pourra évaluer, post-pandémie, l’efficacité de son vaccin, et améliorer ainsi sa stratégie pour les futurs efforts de vaccination.

Le résultat? Plus de 60 % des Israéliens sont vaccinés et contribuent à la recherche et développement d’une industrie essentielle à la santé de la population mondiale.

Si l’idée de transmettre nos données aux entreprises pharmaceutiques peut sembler risquée, il faut toutefois comprendre la nature des informations ainsi transmises. Tout comme Israël et plusieurs pays européens, il n’est pas question au Québec de partager des données confidentielles qui permettent d’identifier les individus.

Il s’agit plutôt de métadonnées anonymes destinées à faire avancer la science, au grand bénéfice de tous et de toutes. Pas de numéro d’assurance sociale, de numéro de carte de crédit ou d’adresse complète. Simplement des données générales et anonymisées sur la santé.

Tirons parti de la RAMQ

Qu’il s’agisse de transparence, d’accès à l’information ou de partage de données, le Québec est loin d’être un exemple. Pourtant, nous sommes assis sur une mine d’or facilement exploitable. Nous devrions utiliser les données exhaustives de la RAMQ – rappelons-nous que celles-ci seraient anonymisées, c’est-à-dire qu’elles ne permettraient pas l’identification d’une personne – pour inciter différentes entreprises pharmaceutiques à venir s’établir au Québec ou pour conclure des ententes à l’israélienne.

Nous avons besoin, et aurons besoin dans le futur, de l’innovation pharmaceutique, qu’on le veuille ou non. Les bénéfices sont très importants, tant à l’échelle mondiale avec l’éradication de la polio en Afrique grâce au vaccin, qu’au Québec avec le vaccin contre l’influenza qui protège des milliers d’aînés chaque année.

Trop souvent, nous restons accrochés à une idée fixe qui, une fois bien expliquée et détaillée, prend tout son sens.

Nous dépensons présentement des sommes importantes pour la prévention de l’obésité, la promotion du sport et la formation de nos futurs médecins. L’innovation pharmaceutique est un autre maillon important de notre système de santé, auquel nous devrions apporter notre soutien. Au nom de la science, et de la santé des Québécois qui en dépend, emboîtons le pas en établissant un cadre réglementaire qui nous permette de tirer parti du partage sécuritaire de données anonymisées de la RAMQ avec ces mêmes entreprises pharmaceutiques qui disposent du potentiel de nous sauver d’une autre crise sanitaire mondiale.

Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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