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Textes d'opinion

La production indépendante d’électricité est un moyen d’épauler Hydro-Québec

Le débat sur l’élargissement de la production indépendante d’électricité mérite d’être fait sur de bonnes bases. Malheureusement, depuis que la nouvelle a filtré, nous avons droit à peu d’analyses posées, et à beaucoup d’enflure verbale.

L’ACEF du Nord de Montréal, par exemple, allait jusqu’à prétendre que ce changement « met en péril la mission fondamentale d’Hydro-Québec, qui est de fournir aux Québécois l’accès à de l’électricité abordable ». Ce n’est pas le cas. Tout comme le gouvernement ne s’apprête pas à mettre Hydro-Québec sur Kijiji, d’ailleurs.

En fait, ce que propose le gouvernement, c’est de permettre à des producteurs d’électricité indépendants de vendre l’électricité qu’ils produisent directement à des consommateurs industriels ou commerciaux.

Le contexte dans lequel ce changement législatif s’inscrit en est un où les besoins en électricité au Québec sont en croissance, alors que la capacité d’Hydro-Québec à y subvenir ne croît pas au même rythme.

À titre d’exemple, il resterait 500 mégawatts de capacité disponible pour le développement industriel d’ici 2028 chez Hydro-Québec. On parle ici de disponibilité pour des mines, des alumineries, la fabrication d’hydrogène vert ou encore de batteries de véhicules électriques, par exemple.

Quand on regarde du côté des entreprises qui souhaiteraient investir ici et contribuer à la prospérité des gens d’ici, les besoins estimés pour la totalité des projets à réaliser sont plutôt de 30 000 mégawatts.

Et bien qu’Hydro-Québec ait déposé un plan pour augmenter ses approvisionnements, la société prévoit les augmenter de 9000 mégawatts tout au plus d’ici 2035.

Même si chacun de ces nouveaux mégawatts de capacité servait à alimenter des projets industriels, il resterait pour plus de 20 000 mégawatts de projets qui pourraient tomber à l’eau faute d’électricité.

C’est pour répondre à ce manque de capacité de production que le gouvernement provincial souhaite délier les mains des producteurs indépendants. Ils agiraient ainsi en complémentarité avec Hydro-Québec, ce qui permettrait d’éviter que l’on perde de bons projets pour nos régions par manque de courant.

Certains se demanderont pourquoi Hydro-Québec ne ferait pas ces projets elle-même au lieu de laisser autrui les réaliser. Le fait est que, dans les prochaines années, la société d’État en aura déjà plein les bras avec ses projets.

Son plan d’accroissement de la production lui coûtera au moins 90 milliards de dollars d’ici 2035. À cela s’ajoutent 45 milliards de dollars pour des projets d’amélioration de son réseau qui visent à réduire le nombre de pannes, ainsi que 20 milliards de dollars de plus en coûts d’exploitation additionnels sur la période.

En bref, la société d’État prévoit dépenser un minimum de 155 milliards de dollars sur ses projets au cours de la prochaine décennie. Une autre façon de le voir est que ces projets coûteront l’équivalent de 17 300 $ par Québécois et Québécoise à Hydro-Québec.

Que ce soit d’un point de vue financier ou d’un point de vue de gestion de projet, la tâche à laquelle Hydro-Québec fait face est colossale, et il serait bien surprenant que la société d’État ait les ressources internes pour mener à bien de manière efficace une charge de projets encore plus imposante.

D’autres craignent que si on laisse les producteurs indépendants vendre directement l’énergie aux consommateurs industriels, ils accaparent les meilleurs sites et fassent indirectement augmenter les tarifs des clients résidentiels.

Pourtant, en laissant des entreprises indépendantes produire de l’électricité pour usage industriel, on réduirait l’augmentation du coût moyen d’Hydro-Québec.

Cela vient du fait que, pour Hydro-Québec, les nouveaux approvisionnements coûtent déjà 11 sous par kilowattheure en moyenne. C’est deux fois plus que ce qui est facturé aux clients industriels, soit 5,55 sous par kilowattheure.

Si ce tarif est encore rentable pour Hydro-Québec, c’est parce que l’entreprise peut puiser dans l’immense réserve d’électricité à faible coût qui provient des grands barrages.

Cependant, chaque fois que l’on doit rehausser l’approvisionnement pour répondre à la demande industrielle croissante, cette rentabilité diminue, alors que le coût de production augmente avec chaque nouveau mégawatt. Et qui dit rentabilité générale en baisse dit aussi hausse supérieure des tarifs d’Hydro-Québec lors des évaluations quinquennales de la Régie de l’énergie.

Autrement dit, chaque nouvel approvisionnement en électricité pour les entreprises qui ne passe pas par Hydro-Québec réduit la pression sur les tarifs.

Ultimement, l’élargissement de la production indépendante n’est rien d’autre qu’une modification législative rendue nécessaire par un manque de capacité de production électrique. Ce n’est pas le démantèlement, la vente ou encore la dénationalisation d’Hydro-Québec, quel que soit ce que ses opposants voudraient vous faire croire.

Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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