fbpx

Textes d'opinion

Hausse du salaire minimum: une politique efficace?

Vendredi dernier, nous apprenions que le salaire minimum au Québec passera de 13,50 $ à 14,25 $. Il s’agit d’une croissance fort décevante pour les organisations qui, comme la FTQ d’ailleurs, revendiquent plutôt une hausse draconienne à 18 $/h.

Devant cette revendication qui nuirait à la prospérité économique de la province et aux travailleurs eux-mêmes, deux questions importantes doivent être soulevées : quelles répercussions économiques découleraient d’une telle hausse et qui sont les travailleurs au salaire minimum? Après tout, avant de faire grimper le salaire minimum à 18 $/h, soit une hausse de 33 %, le gouvernement doit bien comprendre la balance des inconvénients et déterminer si les travailleurs au salaire minimum sont réellement dans une situation précaire permanente.

D’entrée de jeu, il est clair qu’une augmentation de 33 % du salaire minimum, si elle avait lieu, aurait des effets négatifs sur nombre d’entreprises québécoises, notamment sur nos PME : 9 sur 10 en subiraient directement les conséquences. En effet, conjugué aux difficultés rencontrées pendant la pandémie, un salaire minimum de 18 $/h serait dommageable pour plusieurs de nos PME : déjà, 25 % d’entre elles pourraient mettre la clé sous la porte en 2022.

Les secteurs d’activité employant le plus grand nombre de travailleurs au salaire minimum sont le commerce de détail (45 %) et la restauration et l’hôtellerie (23 %), qui regroupent à eux seuls plus de 182 000 travailleurs. Il est à noter que ces deux secteurs fonctionnent avec une marge bénéficiaire nette faible. En d’autres mots, une fois qu’ils ont payé leurs impôts et leurs frais d’exploitation (salaires, électricité, loyer, etc.), la vente de leurs biens et services ne rapporte que très peu; ils doivent alors miser sur le volume. Nombre de restaurants ne retirent ainsi que 3 $ de profit pour chaque tranche de 100 $ de vente une fois leurs comptes réglés. Une hausse du salaire minimum à 18 $/h viendrait diminuer leur marge bénéficiaire déjà très mince, les poussant à augmenter les prix ou à se tourner vers l’automatisation, par exemple.

Le profil des travailleurs au salaire minimum

Nombreux sont les témoignages dépeignant la difficile réalité des mères de famille monoparentale gagnant le salaire minimum, mais le travailleur au salaire minimum n’a pas ce profil type, bien au contraire.

Pas moins de 60,6 % de ces salariés sont âgés de 15 à 24 ans, une tranche d’âge qui regroupe surtout des étudiants typiquement sans enfant à charge et statistiquement plus susceptibles de résider chez leurs parents. Qui plus est, près de 62 % des travailleurs au salaire minimum occupent un emploi à temps partiel. On en déduit alors que le profil type du travailleur au salaire minimum est une ou un jeune âgé de 15 et 24 ans travaillant à temps partiel dans le secteur du commerce de détail ou de la restauration et de l’hébergement – une image loin de celle de la mère de famille monoparentale ou du travailleur coincé avec ce salaire toute sa vie durant.

Priorisons l’éducation

Un individu gagnant aujourd’hui le salaire minimum (13,50 $/h) et travaillant 35 heures par semaine percevra un revenu annuel brut de 24 570 $. Mais s’il s’agit d’un chef de famille monoparentale avec un enfant à charge, il ne faut pas s’arrêter à ce calcul simpliste si l’on veut bien comprendre la réalité de ce travailleur. Avec un tel montant, celui-ci peinerait certes à couvrir l’ensemble de ses dépenses, mais les gouvernements québécois et canadien sont bien au fait de cette réalité.

Grâce aux prestations gouvernementales (crédits d’impôt, transferts, etc.), ce revenu brut de 24 570 $ passe tout à coup à un revenu disponible net de 34 672 $. Ce revenu supplémentaire de plus de 10 000 $ équivaut à un taux horaire de 19,05 $, un montant encore plus généreux que celui revendiqué par maintes organisations.

Une augmentation du salaire minimum est un geste à l’objectif très noble : donner un coup de pouce aux citoyens à faible revenu. Mais soyons clairs : il existe d’autres moyens plus efficaces et moins économiquement dommageables de leur venir en aide. Il ne faut pas tomber dans le panneau en choisissant la politique publique la plus simple en apparence. Si nous voulons réellement aider les moins nantis, misons sur l’éducation et la formation. Nos travailleurs méritent mieux qu’une aide temporaire mal avisée qui nuirait aussi à nos entrepreneurs, qui peinent à se sortir la tête de l’eau.

Maria Lily Shaw est économiste à l’IEDM et Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM. Ils signent ce texte à titre personnel.

Back to top