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Publications

Examen du cadre des services d’accès haute vitesse de gros

Mémoire présenté par l’Institut économique de Montréal dans le cadre d’une audience publique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

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Le CRTC est en train d’examiner son cadre réglementaire des services d’accès haute vitesse (AHV) de gros. Il sollicite(1) des observations à l’égard de plusieurs questions, concernant notamment la concurrence dans le domaine des télécommunications et, plus précisément, sa volonté de stimuler la concurrence des services Internet de détail.

Au fil des années, l’IEDM a lancé plusieurs publications(2) qui rappellent l’importance de permettre une concurrence réelle fondée sur les infrastructures entre les entreprises œuvrant dans le secteur des télécommunications.

Sous prétexte de vouloir maintenir artificiellement en vie des revendeurs qui n’ont que très peu voire pas du tout investi dans les infrastructures de télécommunication, le CRTC propose de confisquer le fruit des investissements d’hier en imposant un partage obligatoire, par exemple, de la fibre déjà déployée. Ce faisant, il compromet les investissements dans les réseaux de demain, à une époque où l’Internet se fait de plus en plus présent dans la vie des Canadiens.

L’Internet occupe une place centrale dans la vie des Canadiens

Au cours des dernières années, l’utilisation des services Internet à large bande a en effet connu une évolution significative, notamment en raison de la pandémie de COVID-19. Les services d’AHV sont devenus indispensables, sur le plan tant personnel que professionnel. Par exemple, le travail à domicile, imposé par la fermeture des bureaux, a modifié les pratiques de nombreuses entreprises, les incitant à adopter un régime hybride et à favoriser l’utilisation des données en téléchargement et en téléversement par les abonnés. Ainsi, les données moyennes téléchargées par mois ont connu une augmentation de 93 % en trois ans, soit de 2019 à 2022(3).

Dans ce contexte, il est essentiel que le cadre réglementaire établi par l’autorité en la matière, qui sera déterminé à la suite de ces consultations publiques, ne pénalise pas la concurrence fondée sur les infrastructures et l’innovation au sein de l’industrie des télécommunications.

Favoriser avec précaution la concurrence artificielle fondée sur la revente au détail

Le cadre réglementaire actuel du CRTC mise essentiellement sur une concurrence des services de détail, c’est-à-dire qu’il voudrait artificiellement maintenir en vie – grâce à un lourd arsenal réglementaire – de simples revendeurs n’ayant investi que très peu, voire rien du tout, dans les infrastructures de télécommunication (voir la Figure 1).

Les investissements des revendeurs sont à l’évidence négligeables par rapport aux investissements des fournisseurs dotés d’infrastructures. Aussi bien le rappeler : le fait indiscutable est que, sans les investissements des fournisseurs dotés d’infrastructures, les Canadiens n’auraient jamais pu profiter de la qualité et la vitesse de réseau qui leur ont permis de travailler à distance pendant la pandémie.

Le CRTC ne doit pas perdre de vue que c’est grâce à cette concurrence dynamique que 75 % des Canadiens ont accès à un Internet d’une vitesse égale ou supérieure à l’objectif de service universel (50 Mb/s pour le téléchargement et 10 Mb/s pour le téléversement)(4). Cependant, cette concurrence exige qu’on respecte scrupuleusement les efforts des entreprises qui ont investi dans l’innovation et la modernisation des réseaux.

Or, sous la bannière de la « concurrence au détail », le CRTC oblige ces entreprises – qui ont investi des sommes colossales dans leurs infrastructures – à partager après coup leur réseau de fibre avec leurs concurrents-revendeurs. Un tel partage présente les mêmes effets pervers qu’une confiscation ou une expropriation : il supprime toute incitation à investir pour améliorer davantage les réseaux existants ou créer et déployer de nouveaux réseaux.

Le Bureau de la concurrence souligne clairement cet effet :

« Les concurrents dotés d’installations alimentent les types de concurrence dynamique qui donnent lieu aux réseaux de la plus haute qualité pour les Canadiens. Parallèlement, cette forme de concurrence nécessite des investissements substantiels dans les réseaux physiques. La volonté pour les concurrents dotés d’installations de faire ces investissements pourrait être émoussée par la réglementation sur l’accès aux marchés de gros(5). »

Il ne faut pas non plus oublier que, même si les Instructions de politique de 2023(6) vont dans ce sens, elles font clairement appel à l’objectif de « promouvoir l’investissement dans des réseaux de haute qualité » et de « soutenir la fourniture de services novateurs ».

Le CRTC doit garder cet objectif en tête et se départir de son approche de plus en plus pénalisante en matière d’investissements dans les nouvelles technologies de télécommunication. Ainsi, il doit considérer sous tous les angles les répercussions de son obligation de partage des infrastructures imposée aux entreprises innovantes – car ces dernières demeureront les seules capables d’investir et d’innover pour bâtir les réseaux de demain.

Conclusion : promouvoir la concurrence fondée sur les infrastructures et le respect des efforts d’investissement

Une concurrence réelle et viable dans le secteur des télécommunications, et dont le régulateur devrait faire la promotion, doit être fondée sur les infrastructures.

Un cadre réglementaire qui la respecte a pour avantage d’envoyer un message clair aux entreprises : pour percer ou réussir sur le marché canadien, vous devez investir dans vos infrastructures et développer la technologie de demain. Plutôt que de procéder à un partage forcé des infrastructures existantes, telles que la fibre jusqu’au domicile de l’abonné, et d’imposer des prix de gros déconnectés du marché, le CRTC devrait cesser de microgérer les moindres aspects du secteur des services d’AVH.

La concurrence est un processus dynamique et non statique. En ce sens, l’objectif premier n’est pas d’augmenter le nombre de revendeurs sans infrastructures, mais plutôt de s’assurer que des barrières réglementaires n’empêchent pas la venue de nouveaux joueurs sur le marché quand ceux-ci proposent un meilleur service et sont prêts à investir dans les infrastructures nécessaires pour l’amener sur le marché.

Au lieu d’alourdir sa politique d’AHV et de prix de gros, il est en fait temps que le CRTC la démantèle graduellement et laisse le marché et la concurrence avoir libre cours dans le secteur des télécommunications.

Références

  1. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Avis de consultation de télécom CRTC 2023-56, mars 2023.
  2. Valentin Petkantchin et Gabriel Giguère, Pour un cadre stable et favorable aux investissements, à l’innovation et à la concurrence dans l’Internet à large bande, IEDM, mars 2022; Martin Masse, L’état de la concurrence dans l’industrie des télécommunications au Canada – 2018, IEDM, mai 2018; Paul Beaudry et Martin Masse, L’état de la concurrence dans l’industrie canadienne des télécommunications – 2017, IEDM, mai 2018.
  3. CRTC, Tendances actuelles – Large bande haute vitesse, 19 juin 2023.
  4. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Avis de consultation de télécom CRTC 2023-56, 8 mars 2023, op. cit.
  5. Valentin Petkantchin et Gabriel Giguère, op. cit., note 2.
  6. Gouvernement du Canada, Décret donné au CRTC des instructions sur une approche renouvelée de la politique de télécommunication, 10 février 2023.
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