Électricité: une plus grande place aux producteurs indépendants pour un Québec plus prospère
Texte d’opinion publié en exclusivité sur notre site.
Hydro-Québec a enfin dévoilé ses projections mises à jour.
Selon la société d’État, le Québec aura besoin de doubler sa production d’électricité en 30 ans afin de répondre à la demande générée par l’électrification et le développement économique.
Il faut le lui accorder : le nouveau président-directeur général d’Hydro-Québec, Michael Sabia, semble bien saisir l’ampleur du défi qui est devant nous.
Il semble aussi qu’il a bien su tâter le pouls des Québécois et Québécoises. Les principaux moyens évoqués pour la première phase de son plan, soit la construction de nouveaux barrages et de nouveaux parcs éoliens, obtiennent respectivement l’appui de sept et de huit Québécois et Québécoises sur 10 selon un récent sondage.
Ce plan n’arrive pas trop tôt non plus. Cette année, déjà, le ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a été contraint de rejeter des projets entrepreneuriaux par manque d’électricité. De l’aveu du ministre, sur 21 projets considérés cette année, 10 ont dû être rejetés parce qu’Hydro-Québec n’a pas la capacité de puissance résiduelle nécessaire pour les ajouter à sa clientèle.
Ces projets que nous perdons engendrent des conséquences importantes sur nous tous. Chaque usine qui n’est pas construite représente autant d’emplois potentiels, souvent bien payés, que nous perdons. Pour le gouvernement, cela signifie aussi moins de revenus fiscaux pour financer ses activités.
Nous ne sommes pas sortis du bois non plus. Selon le ministre Fitzgibbon, la demande en puissance des projets qui sont en cours d’examen au ministère de l’Énergie atteint aujourd’hui 30 000 mégawatts – soit 75 pour cent des besoins de pointe de la société d’État en 2023-2024.
Bien qu’Hydro-Québec et son nouveau PDG soient aujourd’hui prêts à agir afin de pallier ce problème, il importe de reconnaître que, dans le contexte de la fin des surplus dès 2027 pour la société d’État, le maintien de son monopole est en train de devenir un frein au développement de la province.
Et s’il est raisonnable que, devant le manque de capacité de production d’Hydro-Québec, son ministre responsable ait un droit d’approbation ou de refus sur l’alimentation électrique de projets créateurs de prospérité, il serait tout aussi raisonnable de permettre à une offre parallèle, indépendante, de se réaliser afin d’approvisionner les projets rejetés.
Présentement, on les perd au profit d’autres juridictions tels l’Ontario ou le nord-est des États-Unis, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement abandonnés.
Déjà, les producteurs indépendants jouent un rôle dans l’approvisionnement d’électricité. Les parcs éoliens de la province, ainsi que plusieurs petites centrales hydroélectriques, sont détenus par des firmes québécoises, indépendantes d’Hydro-Québec, comme Innergex et Boralex, qui se spécialisent dans la gestion de telles installations souvent en partenariat avec nos Premières Nations.
Et bien qu’elles aient un grand succès à l’international, puisqu’elles fournissent de l’énergie verte directement aux consommateurs commerciaux tels Amazon et l’Université de la Californie, deux restrictions existantes dans nos lois les empêchent d’atteindre tout leur potentiel sur leur terre d’origine.
La première, c’est l’interdiction de vendre directement à la clientèle. En sol québécois, ces entreprises n’ont d’autres choix que de consommer elles-mêmes l’électricité qu’elles produisent, ou la revendre au réseau d’Hydro-Québec pour la distribution.
Dans le contexte actuel, où la province refuse la venue d’entreprises par manque de capacité de puissance, délier les mains de nos producteurs indépendants permettrait de créer un marché de l’électricité pour des utilisations commerciales. Cela contribuerait à ce qu’un refus d’approvisionnement chez Hydro-Québec ne sonne pas le glas d’un projet en sol québécois.
La seconde, plus technique, est la limite légale qui existe sur la capacité de production des centrales hydroélectriques indépendantes. Pour qu’un producteur indépendant puisse relier ses barrages au réseau d’Hydro-Québec, ceux-ci doivent avoir une capacité de puissance maximale de 50 mégawatts.
Le résultat est donc que, certaines rivières que nous harnachons afin de produire de l’électricité ne sont pas utilisées à leurs pleines capacités. Cette situation est plutôt absurde, alors que nous anticipons que la production d’électricité devra doubler en 27 ans pour répondre aux besoins du Québec.
En déliant les mains des producteurs indépendants de la sorte, le gouvernement leur permettrait de jouer un rôle important dans l’atteinte des objectifs de croissance de la production fixés par Hydro-Québec, tout en évitant d’accroître la pression sur les finances de la province et de ses ménages.
Nous serions fous de refuser leur aide.
Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.