C’est long longtemps dans les urgences du Québec
Texte d’opinion publié en exclusivité sur notre site.
Si vous devez vous présenter dans les urgences du Québec, vous êtes mieux de prendre votre mal en patience!
Au cours de la dernière année, la durée médiane d’une visite dans les urgences de la province s’est établie à 5 heures et 13 minutes. Autrement dit, pour la moitié des patients s’étant présentés aux urgences de la province, l’attente aura été encore plus longue.
Sachant que près de 10 000 patients se rendent quotidiennement aux urgences, cela implique que plus de 1,8 millions de patients québécois auront passé une bonne portion de leur journée dans une salle d’urgence cette année.
Derrière tous ces chiffres, se cache une réalité que l’on a trop souvent tendance à oublier.
Après tout, attendre aux urgences n’est pas comme attendre pour le nouvel iPhone. On y va parce qu’on a mal, parce qu’on est préoccupés par l’État de santé d’un être cher, ou parce qu’on craint les complications qui pourraient subvenir.
L’an dernier, il y a eu 1,8 millions d’instances différentes où les Québécois et Québécoises ont dû subir ce stress et cette douleur pendant plus de cinq heures alors qu’ils attendaient d’être soignés.
Si 5 heures et 13 minutes était la médiane panquébécoise, il faut reconnaître que la situation varie beaucoup d’une région à l’autre.
Les Gaspésiens et Gaspésiennes, par exemple, attendent bien moins longtemps aux urgences, avec une durée médiane de séjour de 3 heures et douze minutes.
En revanche, les habitants des Laurentides doivent composer avec la plus grande médiane régionale, à 7 heures et 18 minutes.
Dans certains centres hospitaliers, la situation est encore pire.
L’urgence avec la plus longue durée médiane de séjour est celle du Centre hospitalier Anna-Laberge de Châteauguay, sur la rive sud de Montréal. Au cours de la dernière année, le patient médian s’y étant présenté a été contraint d’y passer 13 heures et 4 minutes avant d’obtenir son congé ou d’être transféré à un étage.
On a vérifié et, ses patients pourraient quitter l’urgence plus rapidement en se rendant en France pour un traitement.
Comptez d’abord une course de 30 minutes en taxi pour vous rendre à l’aéroport Trudeau. Ajoutez-y deux heures et demie d’attente avant le départ, sept heures de vol jusqu’à l’aéroport de Paris Charles-de-Gaulles et une trentaine de minutes pour sortir de l’aéroport. Il ne vous reste plus qu’à prendre un taxi pendant 25 minutes afin d’arriver à l’Hôpital du Vert-Galant, où le séjour moyen à l’urgence est de une heure et trois quarts.
Cela vous aura pris un total de 12h40, soit 24 minutes de moins que le séjour type au Centre Hospitalier Anna-Laberge.
On comprendra que d’aller se faire soigner en France n’est pas la solution aux problèmes du système de santé québécois, mais cela permet bien d’en saisir l’ampleur.
Le phénomène n’est pas nouveau non plus.
En 1980, une circulaire du ministère des Affaires sociales avait été expédiée dans les urgences de la province affirmant « qu’aucun malade ne devra séjourner plus de 48 heures dans les services d’urgence.
Pourtant, selon les données du ministère de la Santé et des services sociaux, il n’y a pas moins de 55 262 Québécois et Québécoises qui ont été contraints de passer plus de deux jours consécutifs en attente dans les salles d’urgence de la province.
Le fait est que notre système de santé manque de capacité de traitement. Que vous vous présentiez en clinique externe, en salle d’urgence ou que vous ayez besoin d’une opération non-urgente, l’attente est un symptôme de ce manque de capacité.
Dans ce contexte, le projet de mini-hôpitaux indépendants proposés par le gouvernement Legault prend tout son sens.
À l’instar d’autres systèmes universels tels les systèmes français et suédois, ces hôpitaux à gestion indépendante, mais accessibles avec la carte soleil, permettront de rehausser le nombre de patients par jour pouvant être traités dans les hôpitaux du Québec.
Après tout, les Québécois et Québécoises n’ont-ils pas déjà suffisamment attendu?
Emmanuelle B. Faubert est économiste à l’IEDM et l’auteure de « La situation stagne dans les urgences du Québec ». Elle signe ce texte à titre personnel.