Budget fédéral 2023-2024 – Un mur dont on se rapproche rapidement
La dette fédérale a connu une augmentation fulgurante sous le gouvernement Trudeau. En effet, on parle maintenant d’une hausse de 92,2 % depuis son premier mandat. Bref, il y a de quoi avoir le vertige.
Pire encore, si 25,6 milliards de dollars étaient alors alloués sur une base annuelle au remboursement de la dette fédérale, on prévoit dépenser 50,3 milliards de dollars en paiements d’intérêts en 2027-2028. Cette gestion à courte vue de nos finances publiques a émergé en 2015, alors qu’on nous promettait trois années de déficits modestes afin d’investir dans les infrastructures. Bien entendu, il n’en fut rien et les déficits ont continué de croître, jusqu’à ce qu’ils explosent complètement durant la pandémie. En l’absence d’un plan structuré et ambitieux de retour à l’équilibre budgétaire, nous semblons condamnés à répéter les erreurs du passé.
D’ailleurs, la ministre des Finances qualifiait mardi de « provinciale » l’idée selon laquelle un retour à l’équilibre budgétaire serait souhaitable, et le budget n’offre aucun échéancier en ce sens. Ce ne sont pas les mots d’un gouvernement en proie à l’introspection.
On doit également se questionner très sérieusement sur les bénéfices de ces dépenses pharaoniques. Alors que les déficits, cet argent appartenant aux contribuables de demain, devaient servir à donner un nouveau souffle à l’innovation et à la croissance économique, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) considère que notre croissance économique d’ici à 2060 sera la plus famélique parmi les pays développés.
Devant un tel constat d’échec, il est préoccupant de voir le gouvernement fédéral continuer de prôner des mesures qui échouent systématiquement depuis plusieurs années déjà.
À titre d’exemple, ce n’est pas en renommant un programme dont la mission est de stimuler l’innovation que ce dernier commencera magiquement à atteindre ses objectifs.
Plutôt que de jouer aux apprentis sorciers en tentant de choisir des gagnants et des perdants avec des programmes de subventions, le gouvernement fédéral aurait tout avantage à mettre en place des conditions gagnantes pour l’ensemble de nos entreprises. C’est d’ailleurs un constat analogue au diagnostic posé récemment par des chercheurs du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, qui se penchaient plutôt sur l’économie québécoise.
Le Canada fait face à une série d’enjeux extrêmement sérieux, dont une baisse du pouvoir d’achat de la population dopée par l’inflation, un vieillissement de cette même population qui ne pourra être pleinement comblé par l’immigration et un niveau d’endettement à la hausse causé notamment par une mauvaise gestion.
Soyons clair : les indicateurs de notre déclin économique sont alarmants. La croissance de la population canadienne, et donc de son économie, masque une réalité nettement plus sinistre : la décroissance de notre PIB par habitant nous ramène dorénavant au niveau de richesse dont nous bénéficiions au dernier trimestre de 2017. Il faudra donner un véritable coup de barre afin de sortir notre économie de sa torpeur.
Malheureusement, le budget de mardi ne contient rien qui puisse contribuer à renverser la vapeur.
Un budget responsable aurait priorisé un retour à l’équilibre budgétaire pérenne par des ponctions dans les dépenses inefficientes et mis de l’avant des mesures susceptibles de restaurer notre avantage concurrentiel face à nos voisins du Sud.
Au cours des dernières années, les entreprises canadiennes sont devenues plus taxées en moyenne que les sociétés américaines, en plus de devoir composer avec un cadre réglementaire nettement moins souple, ce qui a essentiellement l’effet d’une taxe supplémentaire.
Le gouvernement aurait également pu signaler son intention de s’attaquer aux barrières au commerce interprovincial. Après tout, les entraves au commerce entre les provinces représentent un drain estimé à 4 % de notre PIB annuel ; elles incluent des mesures qui freinent la mobilité de la main-d’œuvre, ainsi que des mesures qui limitent le mouvement de certains biens et services.
S’attaquer à un tel enjeu ne requiert pas des dépenses mirobolantes, mais il demande toutefois d’entamer son capital politique afin d’asseoir les provinces autour d’une même table de négociation.
Plutôt que d’améliorer fondamentalement le climat d’affaires, le gouvernement Trudeau propose encore une fois un budget foncièrement interventionniste et de nouvelles dépenses spectaculaires.
En regardant le tout, les jeunes générations n’ont d’autre choix que de réaliser que c’est elles qui paieront éventuellement la note.
Daniel Dufort est vice-président aux opérations à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.