Augmentation du nombre de fonctionnaires fédéraux: une déroute irresponsable
Le gouvernement Trudeau n’est pas reconnu pour sa propension à se serrer la ceinture.
On n’a qu’à penser aux déficits qu’il enfile depuis son élection en 2015, à la dette fédérale qui a presque doublé sous sa gouverne, ou encore à l’absence de plan de retour à l’équilibre budgétaire pour le constater.
Et bien que chacun de ces exemples mérite que l’on s’y attarde, peu d’entre eux auront un impact à long terme aussi durable sur nos finances publiques que l’augmentation rapide du nombre de fonctionnaires fédéraux.
En ce moment, le gouvernement fédéral compte près de 100 000 fonctionnaires de plus qu’il en comptait à l’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral. Cela porte le nombre total d’employés fédéraux à 357 247 en date d’aujourd’hui.
Pour le voir autrement, la fonction publique fédérale était à peu près de la taille de la population de Longueuil à la fin de 2015, et le gouvernement Trudeau y a ajouté l’équivalent de la population de Saint-Jean-sur-Richelieu en l’espace de huit ans.
Croissance du nombre de fonctionnaires
Lorsqu’on ajuste pour la croissance de la population, le Canada compte aujourd’hui 25 pour cent plus de fonctionnaires fédéraux par habitant qu’il en comptait il y a huit ans, atteignant des niveaux que nous n’avions pas vus depuis la fin des années Mulroney, il y a une trentaine d’années de cela.
Avec une telle augmentation du nombre d’employés fédéraux, on pourrait présumer qu’Ottawa en fait plus pour nous aider dans nos vies que jamais auparavant, ou encore que les services du gouvernement fédéral sont offerts à la vitesse de l’éclair!
Pourtant, il n’en est rien. Tenter d’obtenir un rendez-vous au bureau des passeports vous soumettra à un délai d’attente d’un mois. Les délais de traitement des dossiers d’immigration et de résidence permanente persistent et, à en croire la vérificatrice générale, continueront à s’étendre sur des années. Et si vous devez poser des questions à l’Agence de revenu du Canada avant de remplir votre déclaration d’impôts, tout indique que vous allez devoir passer encore quelques heures au téléphone.
Bien que l’ajout de ces nouveaux fonctionnaires ne semble pas avoir amélioré la qualité, la rapidité ou encore la quantité des services offerts par le gouvernement fédéral, il n’en demeure pas moins qu’il nous coûte très cher.
Selon les données du Directeur parlementaire du budget, les dépenses totales de rémunération du personnel ont crû de 21 milliards de dollars depuis l’entrée en poste du gouvernement Trudeau. Elles atteignaient 60,7 milliards de dollars selon les données les plus récentes.
Pour remettre ces 21 milliards de dollars de croissance des dépenses en contexte, ils représentent la contribution annuelle en impôt sur le revenu d’un peu plus de 2,8 millions de contribuables canadiens, ou à peu près la totalité des gens vivant à Montréal, Québec et Laval.
Cela correspond aussi à un peu plus de la moitié du déficit fédéral prévu pour cette année qui est de 40 milliards de dollars.
On pourrait se dire que l’élection d’un nouveau gouvernement pourra régler ce problème en un rien de temps, revoyant le nombre de fonctionnaires à la baisse d’un coup de crayon, mais la réalité est bien plus complexe.
Cela implique d’abord d’effectuer un processus de révision des besoins en personnel afin d’identifier les postes superflus et la réorganisation nécessaire pour que les ministères et agences puissent continuer à remplir leurs fonctions de façon plus efficace. Considérant la vitesse et la portée de l’augmentation des effectifs, il s’agit vraisemblablement de quelques dizaines de milliers de postes en trop pour lesquels nous payons collectivement.
Or, pour un gouvernement, éliminer quelques dizaines de milliers de postes syndiqués ne se fait pas en criant ciseau, même lorsqu’il est en mesure de démontrer que ces postes sont redondants.
L’augmentation rapide des effectifs signifie qu’un simple réajustement par attrition —en ne remplaçant pas les employés partant à leur retraite— aurait un effet insuffisant par rapport au réajustement qui serait nécessaire.
Et comme la très vaste majorité des postes créés sont couverts par des conventions collectives en béton, comportant des ententes sur le réaménagement des effectifs, cela implique que toutes mises à pied au fédéral soient associées à des coûts importants pour les contribuables. Bien que ces coûts soient inférieurs au fait de conserver le personnel à l’emploi jusqu’en fin de carrière, ils demeurent considérables.
Bien qu’il y ait un manque de volonté politique, les nombreuses embûches empêchant un retour à des niveaux plus raisonnables font de cette augmentation incontrôlée du nombre de fonctionnaires une grande menace pour l’état de nos finances publiques à long terme.
Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, il s’agit d’une déroute complètement irresponsable.
Daniel Dufort est président et directeur général de l’IEDM. Il signe cette chronique à titre personnel.