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Textes d'opinion

Assurance médicaments: plus de gouvernement signifie moins de médicaments

Texte d’opinion publié en exclusivité sur notre site.

Aider, ou à tout le moins ne pas nuire.

Ce principe ne devrait pas seulement s’appliquer en santé, mais aussi en politiques publiques.

Lors de leur récent congrès, les partisans du Nouveau Parti démocratique ont indiqué que leur soutien au gouvernement de Justin Trudeau serait en jeu s’il ne créait pas un nouveau monopole gouvernemental de l’assurance médicaments.

Le caractère monopolistique de ladite proposition ne pouvait pas être plus clair : les partisans excluent d’office tout système permettant aux Canadiens et Canadiennes d’opter pour faire affaire avec un assureur indépendant plutôt qu’avec le nouveau monopole d’État.

Dans leur empressement pour s’assurer que tous aient accès à un régime d’assurance couvrant leurs médicaments prescrits, les néodémocrates semblent vouloir jeter à terre un système entier qui, pourtant, fonctionne très bien pour la vaste majorité d’entre nous.

En ce moment, il reste un peu moins de cinq millions de Canadiens et Canadiennes qui n’ont pas de couverture d’assurance médicaments, selon une étude récente du Conference Board. Pour donner un ordre de grandeur, c’est à peu près 14 pour cent de la population.

Pour la vaste majorité d’entre eux, l’absence de couverture ne vient pas du fait qu’ils ne soient pas assurables, mais plutôt d’un choix de ne pas être assurés. On peut penser notamment à l’exemple d’un récent diplômé, en bonne santé, qui préfère affecter les quelques centaines de dollars par année que lui coûterait une assurance médicaments au remboursement d’une dette d’étude, par exemple. Pour lui et ses pairs, l’instauration d’un monopole universel d’assurance médicaments entraînerait des coûts importants auxquels ils choisissent présentement de se soustraire.

Il reste néanmoins une part de la population, environ 2,8 pour cent de nos concitoyens et concitoyennes, qui n’est pas assurée parce qu’elle n’est pas admissible à une couverture d’assurance. S’il peut être louable de vouloir s’assurer que ces gens aient accès à l’assurance médicaments, ce besoin peut bien mieux être rempli par un programme ciblé, offrant une couverture à ceux et celles qui n’y ont pas accès aujourd’hui, que par une nouvelle structure venant bouleverser un système qui fonctionne bien pour la très vaste majorité d’entre nous.

Il importe d’ailleurs de reconnaître que d’instaurer un monopole d’État dans l’assurance médicaments ne serait pas sans risques pour la majorité de Canadiens et Canadiennes qui bénéficient d’une couverture d’assurance privée.

Au Canada, la quasi-totalité des médicaments couverts par un régime gouvernemental d’assurance médicaments, tels celui de la Régie de l’assurance maladie du Québec, ou l’Ontario Health Insurance Plan, sont aussi couverts par les régimes d’assurance privés. L’inverse n’est pas vrai cependant.

Cela crée une situation où les régimes d’assurance privés couvrent systématiquement les coûts d’un plus grand nombre de médicaments que les régimes publics.

Au Québec, par exemple l’assurance offerte par la RAMQ couvre un peu plus de 8 000 médicaments différents. Les assureurs privés, eux, en couvrent plus de 13 000.

Ce constat est encore plus flagrant en Ontario, où le régime de l’OHIP couvre moins de 7 000 médicaments différents, comparativement à plus de 13 000 sous les régimes privés.

En imposant un assureur gouvernemental unique, la proposition des néodémocrates transférerait de facto l’ensemble des Canadiens et Canadiennes vers les régimes étatiques, moins généreux, au détriment de la couverture de meilleure qualité que l’assurance privée offre.

Et bien que le débat semble en être un de gros chiffres contre gros chiffres, il importe de reconnaître que pour ceux et celles qui dépendent des médicaments remboursés par les régimes privés, il s’agit d’une question de qualité de vie, d’efficacité des traitements et d’accès au médicament le mieux adapté pour leurs besoins.

Bien qu’il y ait toutes sortes d’arguments financiers quant à la capacité du fédéral de payer pour un aussi gros nouveau programme dans les circonstances actuelles, les considérations les plus importantes devraient être accordées à l’impact que l’implantation d’un régime unique d’assurance médicaments aurait sur la santé de l’ensemble des Canadiens et Canadiennes.

C’est là qu’entre la question du principe d’aider, ou à tout le moins ne pas nuire. Ce que proposent les néodémocrates en ce moment est de mettre de l’avant un plan qui, afin d’aider une faible part de la population, nuirait à la vaste majorité de nos concitoyens et concitoyennes.

Au lieu de mettre en jeu la couverture d’assurance dont nous bénéficions, Ottawa ferait mieux d’évaluer comment permettre au dernier 2,8 pour cent de citoyens non admissibles à l’assurance de pouvoir s’en procurer une, s’ils le souhaitent.

Emmanuelle B. Faubert est économiste à l’IEDM. Elle signe ce texte à titre personnel.

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