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Textes d'opinion

Airbnb: la pointe de l’iceberg de la crise du logement

Même si l’incendie du mois dernier a été monté en épingle afin de fournir un nouveau prétexte à l’administration Plante pour faire la vie dure à Airbnb, il est très clair que la mairesse souhaite depuis longtemps déjà sévir contre les locations à court terme.

Au fil des ans, Valérie Plante a multiplié les sorties tentant de lier l’inabordabilité du logement à la plateforme de location touristique Airbnb.

En 2019, elle qualifiait les logements loués plus de 30 jours par année sur la plateforme de « pris en otage ». En 2020, elle demandait à Québec d’embaucher plus d’inspecteurs pour lutter contre ces locations touristiques. Cette année, elle allait même jusqu’à comparer la plateforme de location à un « cancer ». Ce ne sont pas les mots d’une personne qui a eu une réalisation soudaine en ce qui concerne l’entreprise californienne.

Pénurie

Aux dires de la mairesse, sévir contre Airbnb remettrait sur le marché des milliers de logements locatifs, aidant à lutter contre la pénurie et l’inabordabilité du logement dans la grande région montréalaise. Si la première partie de l’affirmation n’est pas fausse en soi, il est important de remettre en contexte la seconde.

Il est estimé que, dans la grande région de Montréal, on pouvait recenser 13 621 annonces sur le site Airbnb en date du 28 décembre dernier. De ces annonces, 10 523 étaient pour des logements complets. Bref, si Airbnb avait été complètement banni le 1er janvier dernier, il est plausible de croire qu’il y aurait 10 523 appartements de plus sur le marché.

Il s’agit d’une goutte d’eau dans le fleuve lorsqu’on compare ce nombre aux 460 000 unités à construire d’ici sept ans pour revenir à un niveau d’abordabilité adéquat dans la région, selon les chiffres utilisés par la Communauté métropolitaine de Montréal.

Une autre façon de le voir : il nous prend à peine plus de quatre mois pour construire autant de logements dans la grande région métropolitaine que l’ensemble des unités montréalaises se trouvant sur Airbnb.

C’est donc dire que l’effet d’Airbnb sur le prix du logement à Montréal est tout au plus marginal.

Un problème plus large

Les décisions de la Ville de Montréal et de l’administration Plante, elles, jouent un rôle prépondérant dans les prix élevés du logement que l’on voit aujourd’hui.

Montréal qui attaque Airbnb pour le manque de logement, ce serait comme si Nicolas Cage rejetait la responsabilité des ratés de l’un de ses films au box-office sur un figurant.

Prenons l’exemple du terrain de l’ancien hippodrome Blue Bonnets, à Côte-des-Neiges, vacant depuis 2009. La Ville de Montréal projette de construire sur ses 43 hectares un grand quartier de 6 000 logements.

Le terrain est à deux pas d’une station de métro, près d’une autoroute et à distance de marche d’une multitude de services. C’est le genre d’endroit dont les promoteurs rêvent en temps normal.

Mais la Ville de Montréal a mis tellement de conditions autour du développement qu’il n’y avait pas un seul promoteur qui était prêt à proposer un projet. Le terrain continuera de rester vacant encore plus longtemps, tandis que les Montréalais et Montréalaises attendent qu’une nouvelle vague d’offres vienne restaurer l’abordabilité des loyers.

On pourrait aussi parler du secteur Bridge-Bonaventure. Ces anciens terrains industriels en bordure du canal Lachine représentent un potentiel de 7 600 logements à deux pas du centre-ville. Bien que Montréal manque de logements, la Ville s’entête à mettre des conditions au développement, exigeant notamment que la Caisse de dépôt y ajoute une station du REM, en plus de celle déjà dans les plans de l’autre côté du canal.

À eux seuls, ces deux projets représentent une plus grande contribution à l’offre de logements freinée par la Ville de Montréal que la totalité des Airbnb de la région. Et ce ne sont malheureusement pas les seuls.

Les élus montréalais doivent prendre leurs responsabilités et cesser de chercher des coupables pour leurs propres ratés.

Daniel Dufort est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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