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Textes d'opinion

Le prix du pétrole n’est pas à blâmer

Depuis le début de l’année 2017, quatre grands projets d’investissement dans le domaine énergétique ont été abandonnés au Canada. Leur valeur totale? 84 milliards $, soit 23 fois le coût de remplacement de l’échangeur Turcot, un des gros projets actuels d’infrastructure de Montréal.

Pourquoi ces abandons, qui contribuent à miner l’investissement canadien des entreprises? Certains avancent que c’est le prix faible du pétrole qui fait fuir les investisseurs. Pourtant, la compagnie Suncor vient tout juste d’annoncer ses résultats du dernier trimestre. On y apprend que les profits de l’entreprise ont grosso modo triplé depuis un an, à la faveur d’une légère hausse de sa production et des prix et d’une baisse de ses frais d’exploitation. La multinationale indique en effet que son coût marginal de production dans les sables bitumineux se situe maintenant à moins de 22 $ par baril de pétrole. Il y a à peine quelques années, tout le monde parlait d’un prix minimum de 40 $, en bas duquel les entreprises albertaines dans le pétrole non conventionnel allaient renoncer à produire.

Il faut aussi considérer que l’investissement en énergie est en forte expansion aux États-Unis. Pourtant, le prix du pétrole est tout aussi faible au sud de la frontière qu’ici. Qu’est-ce qui nous distingue donc? En fait, plusieurs facteurs évoluent actuellement en faveur de l’investissement aux États-Unis et rendent indirectement l’investissement au Canada moins intéressant. Examinons la question de la réglementation.

Durant les 10 premiers jours du Congrès nouvellement élu, 37 résolutions ont été présentées pour réduire la réglementation dans l’économie américaine. Durant la totalité des 11 Congrès précédents (remontant à 1995), chacun d’une durée de deux ans, le nombre moyen de résolutions proposant un allégement de la réglementation n’est que de 11. En même temps, l’EPA, une des plus importantes agences fédérales de réglementation, a repoussé la date de mise en application de 30 règlements différents, dès l’arrivée d’un nouvel administrateur au début 2017 . À son arrivée à la Maison-Blanche, le nouveau président a aussi signé un décret stipulant que, pour chaque nouveau règlement adopté, l’Administration devait éliminer deux règlementsexistants.

L’objectif déclaré de M. Trump est de réduire la réglementation fédérale des trois quarts durant son mandat de quatre ans. Seul le temps permettra de voir s’il parviendra à cet objectif ambitieux. À la lumière des premiers mois de son administration, il est à tout le moins permis de croire qu’il réussira à parcourir une bonne partie du chemin.

Pendant ce temps, aucun vent de déréglementation ne semble souffler au Canada, où beaucoup d’experts estiment que les coûts réglementaires sont déjà plus importants qu’aux États-Unis. Un exemple : la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a publié une étude mesurant ces coûts, selon la même méthodologie. Leur conclusion? Le coût réglementaire annuel est de 37,1 milliards $ au Canada contre 205 milliards $ aux États-Unis. Puisque la population américaine est beaucoup plus élevée, le coût par employé est donc, proportionnellement, beaucoup plus important au Canada.

Des coûts réglementaires plus faibles et en diminution aux États-Unis ; des coûts réglementaires plus élevés et, au mieux constants au Canada. Il n’en faut pas plus pour convaincre des entreprises et ceux qui les financent de regarder du côté américain plutôt que canadien lorsque vient le temps de prendre une décision d’affaires.

Le Canada ne vit pas dans un vide économique exempt de toute concurrence. Ce qui se passe chez nos voisins compte autant que ce qui se produit ici. Il est temps d’en tenir compte dans nos politiques publiques.

Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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