Fournitures scolaires : la solution, c’est le choix
Tout doit-il être gratuit à l’école? La question se pose lors de chaque rentrée scolaire, alors que le prix des fournitures que les parents doivent payer pour l’éducation de leurs rejetons fait les manchettes.
Un recours collectif est même en cours contre 68 commissions scolaires au nom de quelque 900 000 parents, pour des dépenses effectuées depuis 2008. Le recours a été maintenu au printemps et pourrait entraîner le paiement de dizaines de millions, voire de centaines de millions de dollars.
Le parent à l’origine du recours était notamment outré de devoir débourser pour l’achat d’une grammaire, d’une flûte à bec, d’un rapporteur d’angles et des frais de reproduction de documents de 40 $. La Loi sur l’instruction publique prévoit en effet que les livres et le « matériel didactique », à l’exception du papier et des crayons, doivent être fournis gratuitement.
Je peux comprendre qu’on considère qu’il y a abus lorsqu’on demande aux élèves d’apporter leur propre savon ou leur propre papier de toilette (voir à la fin de cet article). Par contre, je ne suis vraiment pas sûr que je voudrais que ma fille utilise une flûte à bec qui a goûté aux microbes de dizaines d’enfants avant elle. D’ailleurs, ce n’est pas comme si ça coûtait terriblement cher.
Et j’ai un peu plus de difficulté à m’indigner si on demande de payer pour un rapporteur d’angles, ou même une grammaire, un livre qu’un élève devrait garder à portée de main pendant tout son parcours scolaire.
Tous pareils
Le ministre de l’Éducation, lui, a manifesté sa volonté d’« uniformiser les pratiques dans le réseau ». Ça m’apparaît être une excellente façon de brimer les initiatives locales, qui viennent de la base et pourraient ensuite servir d’exemple.
C’est le cas par exemple de cette école dans la région de Québec qui a décidé d’utiliser la tablette comme outil d’enseignement après avoir consulté des centaines de parents, prévoyant même différentes modalités de paiement et de l’aide pour les quelques familles pour lesquelles cela représentait un problème.
Le ministère de l’Éducation, avec la bénédiction du ministre, a finalement décidé que l’obligation de payer pour la tablette était illégale, malgré une réduction du coût des autres fournitures et les efforts de l’école pour accommoder tout le monde.
En fin de compte, le programme a pu poursuivre son cours, la direction de l’école ayant pu régler les derniers irritants, plutôt que d’avoir à annuler une initiative qui était appréciée par la quasi-totalité des parents et des élèves. Ce qui aurait été dommage, puisque la mesure semble avoir eu des effets bénéfiques sur la motivation des élèves et sur les résultats scolaires.
Une question de choix
Tout cela nous renvoie à deux choses. Premièrement, on peut se demander pourquoi les commissions scolaires ont autant de peine à joindre les deux bouts, puisque les dépenses en éducation ont augmenté considérablement depuis dix ans, pendant que le nombre d’élèves diminuait : comme il y a plus d’argent par élève, des besoins supplémentaires pourraient être couverts, non? Une partie du problème est justement que l’ensemble des sommes additionnelles dépensées en l’éducation ne se rend pas nécessairement aux élèves.
Deuxièmement, le choix. Si des écoles veulent offrir des outils d’enseignement et des activités différentes, pourquoi pas? Est-ce que toutes les écoles doivent être absolument et parfaitement symétriques, comme semble le souhaiter le ministre? Et est-ce que tout le matériel scolaire doit être gratuit, où peut-on interpréter la loi de façon plus souple, en laissant une certaine latitude aux écoles?
J’entends déjà l’objection suivante : ce n’est pas équitable. Pourtant, l’équité, ou plutôt l’égalité, telle que certains la conçoivent, n’existe qu’en théorie. Tout ce qu’on impose comme camisole de force au système public fait en sorte que les gens tentent d’en sortir, d’où la popularité des programmes spéciaux, qu’ils soient offerts par le public ou le privé.
Ce même raisonnement peut s’appliquer aux fournitures scolaires. Si une école a des exigences particulières qui sont plus coûteuses, ce n’est pas un problème tant que les parents peuvent voter avec leurs pieds. Ainsi, un parent pourra préférer une école qui offre le matériel scolaire gratuitement ou à un coût moins élevé.
Si une saine concurrence existait entre les écoles, que les parents pouvaient véritablement choisir où ils envoient leurs enfants, que les écoles bonnes et populaires étaient appelées à croître, que les mauvaises perdaient des élèves ou pourraient disparaître, tout ça ne serait pas un problème : le coût des fournitures scolaires ne serait qu’un critère parmi d’autres, et on n’a pas à douter que les écoles auraient de forts incitatifs à le garder le plus bas possible et qu’elles feraient preuve de créativité pour y arriver. Et je n’ai pas de doute que, comme dans le cas des tablettes, mentionné plus haut, on ferait en sorte de ne pas pénaliser les élèves provenant de milieux moins favorisés.
Malheureusement, ce n’est pas ce qui est en train de se produire. Au lieu de faire en sorte que les écoles aient de meilleures incitations à être attentives aux besoins de leur clientèle, le ministère donne des ordres et tente encore de passer le rouleau compresseur pour tout égaliser et ne laisser aucune aspérité dépasser. Cela ne règlera le problème qu’en surface, tout en rendant plus difficile la mise en place d’initiatives intéressantes et variées. En fin de compte, ce sont les services aux élèves et la qualité de l’enseignement qui en souffriront. L’uniformisation n’a pas fonctionné pour le système de santé et pour le système d’éducation, et ça ne fonctionnera pas plus maintenant.
Patrick Déry est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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