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Textes d'opinion

Parlons de la «ségrégation scolaire»

Ces derniers jours, des commentateurs ont qualifié de « ségrégation » le fait qu’un nombre grandissant d’élèves du secondaire, soit près de 40 %, fréquentent des écoles privées ou des programmes particuliers dans des écoles publiques. Certains ont même utilisé le terme « apartheid »… Ils affirment aussi que cela nuit à la réussite des élèves. Nonobstant le choix de mots douteux, et si c’était le contraire?

Quelle ségrégation?

Quelle est cette « ségrégation scolaire » qui prévaudrait au Québec, et qui en sont les auteurs? Des parents qui font des efforts supplémentaires pour aider leurs enfants à s’accomplir. Certains font le choix d’écoles publiques à programmes ou vocations particulières, tandis que d’autres privilégient l’école privée et font un sacrifice financier personnel afin d’offrir à leurs enfants ce qu’ils considèrent être la meilleure éducation possible.

Il existe pourtant de réelles injustices dans notre système scolaire, bien plus dommageables. Par exemple, au Québec, le code postal dicte généralement l’école que les enfants devront fréquenter. Les parents d’élèves désirant fréquenter une autre école peuvent tout de même faire une demande auprès de leur commission scolaire. Cela s’appelle le « libre choix », dans le jargon scolaire.

Cependant, les places en « libre choix » sont limitées, de sorte que l’acceptation n’est pas garantie. Des élèves qui fréquentent une école depuis plusieurs années peuvent même s’en voir expulsés, même lorsque les classes ont recommencé.

Les défenseurs à tout crin de l’école publique unique et uniforme devraient se demander pourquoi des parents vont jusqu’à falsifier leur adresse pour éviter l’école de leur quartier; pourquoi les places dans des programmes particuliers qui, manifestement, répondent aux besoins et aux désirs des parents et des élèves, doivent être attribuées au hasard; pourquoi, plus simplement, les commissions scolaires demeurent toujours incapables de s’ajuster aux demandes des parents, et décident pour eux de ce qui est le mieux pour leurs enfants?

Ce n’est pas moins de choix dont les parents et les élèves ont besoin, mais plus.

Pourtant, la réussite scolaire augmente

Pour justifier la fin de la « ségrégation », l’IRIS lui attribue la baisse du taux de réussite des élèves du réseau public lors des épreuves uniques du ministère, un taux qui est passé de 91,8 % à 83,6 entre 2011 et 2015.

Il y a quatre faiblesses dans l’utilisation de cette statistique. La première est qu’il s’agit d’un échantillon relativement court en durée; la seconde est que les examens du ministère portent sur des matières précises et qu’elles ne disent pas si l’élève a finalement obtenu son diplôme ou après combien de temps; la troisième est que la variation dans les taux de réussite peut s’expliquer par le fait que le contenu des examens change d’année en année; la quatrième est que ces statistiques ne tiennent pas compte de l’importante croissance du taux d’élèves handicapés ou élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA).

D’une part, il est faux de croire que le secteur privé pratique une forme d’écrémage, laissant ainsi le secteur public avec l’ensemble des élèves en difficulté. Dans l’ensemble du réseau privé, le taux global d’élèves EHDAA a presque doublé en 5 ans pour atteindre 13 % l’an dernier, comparativement à 22 % dans le réseau public. Le secteur privé fait donc sa part. D’ailleurs, près du quart des élèves considérés comme EHDAA dans le secteur privé fréquentent un établissement d’enseignement privé spécialisé en adaptation scolaire.

D’autre part, le portrait dans le réseau public n’est pas aussi sombre que les opposants aux écoles privées le laissent entendre. Le taux de diplomation et de qualification après 5 ans pour les élèves qui sont entrés au secondaire de 2001 à 2010 (et qui ont terminé entre 2006 et 2015) a augmenté de 13 % dans le secteur public, comparativement à 5 % pour le privé. Bien que le taux soit beaucoup plus élevé dans le secteur privé, cet écart suit une tendance à la baisse et l’ensemble des élèves en bénéficient, peu importe le réseau.  

Il semble donc que le fait que de plus en plus de Québécois se préoccupent de l’éducation de leurs enfants et demandent des programmes particuliers est accompagné non pas par une diminution, mais par une augmentation de la réussite scolaire.

En toute logique, si ce qu’ils souhaitent est la réussite des enfants, ceux qui dénoncent la « ségrégation scolaire » devraient applaudir et réclamer davantage de programmes et d’écoles particulières qui ont pour effet de motiver les élèves et de les pousser à se surpasser. 

Alexandre Moreau est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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