fbpx

Textes d'opinion

Le privé en renfort à la police de Montréal

Le renouvellement de la convention collective des policiers de Montréal fait place à certaines innovations. Entre autres, certaines tâches auxiliaires seront confiées à des civils. Jasmin Guénette et moi écrivons depuis plusieurs années que ce genre d’organisation peut faire économiser énormément d’argent aux contribuables. Quelle est l’ampleur des économies potentielles et quels en sont les principes?

Les économies anticipées par la Ville de Montréal pour l’impartition de certaines tâches policières seraient de 5,8 millions $ par année. Peu de détails sont disponibles, mais  il est facile d’en comprendre l’origine générale. La rémunération totale d’un policier, son salaire ainsi que ses avantages, coûtait à la ville près de 120 000 $ par année, contre environ 40 000 $ pour un agent de sécurité au Québec. (Ça, c’était avant les augmentations de 20,75 % qui viennent d’être accordées aux policiers du SPVM à l’issue des dernières négociations.)

Pour illustrer l’ampleur des économies qu’il sera désormais possible de réaliser, prenons l’exemple d’une opération de barrage routier de huit heures et demie à Montréal visant à épingler les conducteurs aux facultés affaiblies et nécessitant normalement huit policiers. Dans le scénario où l’opération serait effectuée par huit policiers du SPVM, nous avions calculé dans notre étude de 2015 qu’elle coûterait à la Ville de Montréal 4994 $ en rémunération et cotisations de l’employeur. Cependant, la plupart des tâches liées à ces barrages routiers sont des tâches auxiliaires, comme installer la signalisation, gérer les tests de coordination des mouvements, administrer les alcotests, coordonner la réalisation des tests sanguins et d’urine, ainsi que remplir des rapports. Les seules tâches relevant des fonctions essentielles des policiers sont la saisie des véhicules pour infractions majeures et les arrestations. Dans un scénario où les tâches auxiliaires seraient imparties au privé, et où six des huit intervenants seraient des agents de sécurité, le coût pourrait être réduit à 2332 $, soit une économie de plus de 50 %.

La Ville de Montréal parle de 115 fonctions policières qui seront modifiées pour confier les tâches auxiliaires aux civils. Dans notre étude, nous avions estimé que sur une liste de 215 tâches effectuées régulièrement par les policiers, seulement 22 devaient absolument, en tout les cas, être accomplies par des policiers. Elles touchent principalement les activités avec un fort potentiel de violence, notamment : intervenir lorsqu’un crime est en cours, effectuer une poursuite en voiture, appréhender des suspects, neutraliser des attaquants, délivrer des mandats d’arrêt, agir comme médiateur lors des disputes conjugales ou chercher des engins explosifs. Parmi les autres tâches qui peuvent être confiées à des civils, on compte celles qui ne demandent ni une compréhension très pointue du droit, ni des prouesses physiques, ni des capacités psychosociales pour désamorcer des conflits.

La Ville de Montréal fera aussi appel à des cadets pour la gestion du trafic autour des chantiers. Ce n’est pas la première fois, depuis 2009 la Ville a ponctuellement fait appel à ce genre de main d’œuvre lors des festivals et autres événements. Montréal estime que les économies liées à cette mesure vont se chiffrer à 6,2 millions $.

Il semble que la Ville ait monnayé les importantes augmentations de salaire des policiers contre ces mesures. Il est raisonnable de penser qu’à long terme ces réformes, si elles sont bien conçues et bien appliquées, pourraient entraîner des économies très importantes et même, selon plusieurs études réalisées à l’étranger, une réduction de la criminalité!

Mathieu Bédard est économiste à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

Back to top