Les taux d’intérêt augmentent au Canada : c’est bon ou c’est mauvais?
La Banque du Canada annonçait ce matin une augmentation de son taux directeur de 25 points de base à 0,75 %. C’est presque un événement, car la Banque n’avait pas touché à son taux depuis deux ans et, surtout, elle ne l’avait pas augmenté depuis septembre 2010.
Il faut rappeler que le taux directeur, aussi appelé taux cible des fonds à un jour, est le taux d’intérêt auquel la banque centrale aimerait que les banques à charte canadiennes se prêtent des fonds entre elles pour une très courte durée, soit 24 heures. Le taux d’intérêt de ce tout petit marché influence cependant directement l’ensemble des taux d’intérêt de court terme de l’économie et, moins directement, les taux de long terme.
Cette hausse du taux directeur, combinée à des anticipations d’autres hausses prochaines, annonce donc une croissance généralisée des taux d’intérêt. C’est bon ou c’est mauvais ?
Un taux d’intérêt mesure le loyer de l’argent. C’est donc un prix. Un prix plus élevé n’est ni bien ni mal en soi. Un prix plus élevé améliore le sort du vendeur et déplaît à l’acheteur, mais ce qui compte, c’est qu’il crée des incitations (à produire plus et à acheter moins) et équilibre un marché.
Même chose pour un taux d’intérêt, car une hausse crée des gagnants et des perdants. Les gagnants sont tous ceux qui prêtent de l’argent, soit les épargnants qui cherchent à faire fructifier leurs placements. Les perdants sont, évidemment, les gens qui empruntent pour une hypothèque et de la consommation, et les entreprises qui empruntent pour investir.
Les épargnants seront heureux de commencer à obtenir de meilleurs rendements. Difficile de planifier pour la retraite avec des rendements anémiques. Les taux d’intérêt actuels plombent aussi les caisses de retraite, qui doivent demander de plus importantes cotisations à leurs membres afin de ne pas faire banqueroute. Quant aux emprunteurs, ils seront moins heureux, car leurs paiements réguliers coûteront plus cher.
D’ailleurs, plusieurs emprunteurs seront sans doute dans le pétrin si les taux montent considérablement au cours des prochains mois. Ceux qui peinent actuellement à faire leurs paiements de cartes de crédit ou d’hypothèque devront connaître une période d’austérité personnelle, en faisant des choix et en comprimant plusieurs dépenses moins importantes.
Pourquoi la Banque du Canada a-t-elle entrepris d’augmenter les taux d’intérêt ? Pour répondre à cette question, il faut comprendre que les taux d’intérêt ne sont pas seulement un prix qui touche les ménages individuels dans leurs choix, mais sont aussi un outil important de politique macroéconomique.
Des taux d’intérêt plus élevés réduisent l’investissement et, en faisant apprécier la devise, réduisent les exportations nettes. Ceci mène, toutes choses étant égales, à une réduction de la croissance et de la création d’emplois. Pourquoi la banque centrale tient-elle à ralentir l’économie canadienne ? Tout simplement parce que notre économie s’approche dangereusement des limites posées par sa capacité de production, en partie en raison de la politique budgétaire fédérale trop expansionniste.
En effet, le gouvernement Trudeau maintient des déficits budgétaires considérables, malgré la bonne tenue de l’économie. En outre, le taux de chômage canadien est probablement tout près de son taux naturel. Dans une telle situation, les pressions inflationnistes commencent à poindre ; or, la Banque du Canada a un mandat clair, qui est de maintenir l’inflation dans une fourchette autour de 2 %.
La banque centrale fait donc monter les taux d’intérêt pour éviter la surchauffe de l’économie. Mais ce n’est pas la seule raison. Les taux d’intérêt extrêmement faibles stimulent la demande de maisons, faisant monter leur prix, et détournent les placements vers les marchés des actions, poussant vers le haut les indices boursiers. Il peut donc se créer des bulles financières, autant en immobilier qu’à la bourse. Or, l’éclatement de telles bulles peut créer des crises financières, telles que celle de 2007-2008.
En 2007, il y a 10 ans, le taux directeur se situait à 4,5 %. L’arrivée de la crise financière, puis de la récession (2008-09) a amené les autorités monétaires d’un peu partout dans le monde à réduire leurs taux d’intérêt, presque à zéro, afin de réduire l’important ralentissement économique. Or, il y a longtemps que cette récession est terminée. Il est grand temps de revenir à des taux d’intérêt plus normaux, qui minimisent les problèmes de surendettement et de bulles financières.
Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.
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