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Textes d'opinion

L’impôt sur le gain en capital est injuste

Une rumeur enfle à propos du budget fédéral canadien qui sera déposé le 22 mars prochain : le gouvernement s’apprêterait à augmenter l’impôt sur le gain en capital. Certains analystes sont déjà intervenus à l’effet qu’une augmentation de cet impôt serait dommageable pour l’investissement dans les entreprises. Mais un argument qui n’a pas encore été abordé dans les journaux francophones, à ma connaissance, est le fait que cet impôt ne tient pas compte de la hausse du coût de la vie.

L’explication est technique, mais elle vaut la peine d’être comprise parce que c’est une véritable injustice pour les gens qui épargnent pour se préparer à leur retraite.

Dans le Financial Post, Stephen Jarislowsky, un entrepreneur canadien ayant très bien réussi, explique le problème.

On sait tous que le prix des biens et services augmente avec le temps. Le café que mon grand-père payait 0,05 $ en 1955 me coûte aujourd’hui 2 $, voire parfois jusqu’à 3 $. Le café n’a pas changé, il est toujours fait, grosso modo, de la même façon. C’est la monnaie qui vaut moins qu’à l’époque. C’est ce qu’on appelle l’inflation.

L’inflation s’applique aussi aux investissements. Supposons que vous aviez fait en 1980 un investissement qui vous avait coûté 10 000 $ et que cet investissement vaut aujourd’hui 30 000 $. L’inflation a multiplié par trois le chiffre, mais l’investissement ne vous a pas rapporté quoi que ce soit.

Dans ce scénario, vous n’auriez pas de vrai « gain de capital ». Le chiffre a grossi, c’est vrai, mais comme le café de mon grand-père, c’est le mirage de l’inflation. L’actif qui est derrière cet investissement n’est pas plus précieux qu’il l’était à l’époque.

Pourtant, si vous vendez cet investissement, vous allez devoir payer l’impôt sur le gain en capital. L’investissement n’a rien rapporté, mais en plus, avec les impôts, vous aurez perdu de l’argent.

On utilise l’exemple d’un investissement qui ne rapporte rien, mais il se peut que vous soyez perdants après les impôts même si votre investissement vous a rapporté un tout petit peu d’argent. Et même si vous en avez gagné beaucoup, l’inflation n’est toujours pas prise en compte, alors qu’en toute logique elle devrait évidemment l’être!

Ce genre de calcul est vrai pour les investissements de longue durée qui ne sont pas placés dans un REER ou un CELI, par exemple un chalet dans les Laurentides. En revanche, pour des investissements très courts, durant par exemple un an, le fait que l’impôt sur les gains en capitaux ne prenne pas en compte l’augmentation du coût de la vie n’a presque aucun effet. En un an, l’inflation n’a pas assez d’influence pour vraiment changer la donne.

Le pire, rappelle Monsieur Jarislowsky, c’est qu’aujourd’hui, prendre en compte l’inflation grâce aux ordinateurs est très, très simple. Les logiciels qu’on utilise pour remplir nos rapports d’impôts font déjà des calculs beaucoup plus compliqués. Ce serait facile à mettre en place.

Soyons très clairs pour qu’il n’y ait pas de place pour une mauvaise interprétation : il est normal de payer des impôts sur ses revenus. Lorsqu’on a plus de revenu qu’un autre, il est tout à fait raisonnable de dire qu’on devrait payer plus d’impôt. En revanche, l’impôt est censé être équitable et, en toute logique, ne devrait pas pénaliser les investissements qui créent des emplois seulement parce que le fisc refuse de tenir compte de l’inflation.

En attendant, que cet impôt soit augmenté ou pas, pour bien des Canadiens il est injuste. Et si le gouvernement fédéral augmente le taux d’imposition dans son prochain budget, l’injustice ne va qu’augmenter.

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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