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Textes d'opinion

Le libre-échange: Trump nous trompe

Le candidat présomptif du Parti républicain à la présidence des États-Unis, Donald Trump, a fait des effets néfastes de l’ouverture des frontières, et en particulier du commerce entre les États-Unis et le Mexique, l’un de ses chevaux de bataille. Il prétend que le libre-échange ne profite pas aux États-Unis. Selon lui, l’ALENA est « un désastre » qu’il faut renégocier, une opinion partagée par 33 % des Canadiens selon un récent sondage. Bien que la quasi-totalité du programme de Donald Trump soit impopulaire au Canada, l’opposition au libre-échange semble y trouver un certain écho. La réalité est cependant que cet accord a eu des effets positifs pour les trois pays participants.

La libéralisation des échanges entraîne des bénéfices durables malgré certains désagréments à court terme. C’est l’une des conclusions incontestables de l’analyse économique, partagée par la presque totalité des économistes. Le libre-échange augmente le bien-être dans les pays concernés grâce à une baisse des prix et à des gains d’efficacité.

Ces effets ont été observés à la suite de l’entrée en vigueur de l’ALENA en janvier 1994. La productivité du travail a augmenté partout en Amérique du Nord. Au Canada, elle aurait augmenté de 14 %. En valeur, les échanges des États-Unis avec le Canada et le Mexique sont passés de 481 milliards en 1993 à 1,1 billion de dollars américains en 2015. Alors que Donald Trump prétend que les Américains « ne produisent plus rien », le secteur manufacturier américain a augmenté sa production de 58 % depuis l’entrée en vigueur du traité.

Il ne fait aucun doute que, comme Donald Trump se plaît à le rappeler, il y a beaucoup moins d’emplois dans le secteur manufacturier aux États-Unis que par le passé, soit 29 % moins qu’avant l’entrée en vigueur de l’ALENA. Certains de ces emplois ont disparu chez les entreprises moins efficaces qui produisent à des prix plus élevés que leurs nouveaux concurrents. Pour d’autres, ce changement est dû aux innovations techniques qui accroissent la productivité et permettent au niveau de vie de tous d’augmenter.

Durant les dix années suivant l’entrée en vigueur de l’ALENA, l’ouverture des frontières a été responsable d’une légère augmentation des salaires réels dans les entreprises concernées de 0,32 % au Canada et de 0,11 % aux États-Unis. L’ALENA a permis la création d’emplois dans des industries qui exportent et qui paient en moyenne des salaires de 15 à 20 % plus élevés que les industries qui se concentrent sur la production domestique.

Ces données ne traduisent toutefois pas tous les effets du libre-échange. Dans bien des cas, les importations stimulent la production domestique au lieu de la remplacer. Environ 25 % des importations américaines depuis le Canada sont des produits de conception américaine, ou qui y ont été construits ou transformés, puis réimportés. Dans le cas des importations américaines en provenance du Mexique, ce chiffre grimpe à 40 %.

L’effet de l’ALENA sur l’économie mexicaine, qui a longtemps battu de l’aile, est aussi souvent oublié dans ces débats. Le libre-échange a réduit le prix de plusieurs biens de consommation de moitié en quelques années, ce qui a permis d’améliorer la condition toujours précaire de nombreux Mexicains. La Banque mondiale estimait en 2004 que l’ALENA avait fait passer trois millions d’entre eux au-dessus du seuil de la pauvreté.

Le libre-échange a un effet positif indéniable sur l’économie. Si Donald Trump veut négocier « a better deal » pour les États-Unis, ce devra forcément être un traité qui libéralise encore davantage les échanges.

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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