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Textes d'opinion

Prêcher par l’exemple

Dans la société québécoise, les citoyens sont tenus de payer leurs impôts. Ce n’est pas un choix, c’est une obligation.

Dans la société québécoise, les travailleurs en milieu syndiqué sont tenus de payer leurs cotisations syndicales, qu’ils soient officiellement syndiqués ou non. Ce n’est pas un choix, c’est une obligation du Code du travail. D’ailleurs, outre l’État, le syndicat est la seule autre organisation à jouir d’un pouvoir indirect de taxation.

La situation est différente pour les associations patronales. Les cotisations sont volontaires et aucune entreprise n’est tenue d’être membre ou de payer.

Près d’un milliard de dollars en cotisations

Francis Vailles, chroniqueur à La Presse, a publié un dossier sur les finances des syndicats qui récoltent près de un milliard de dollars en cotisations chaque année. Son travail est en droite ligne avec les calculs de l’IEDM qui estimait les cotisations syndicales à 795 millions de dollars en 2008.

M. Vailles en arrive à la même conclusion que l’IEDM, soit que les finances des syndicats devraient être plus transparentes. Cette transparence, il l’a obtenu des centrales syndicales qui, de bonne foi, lui ont remis leurs états financiers et ont répondu à ses questions. Ça mérite un coup de chapeau. Je me demande quand même si les dirigeants syndicaux seraient aussi coopératifs advenant que le journaliste tente à nouveau l’exercice l’an prochain.

En effet, le portrait qui ressort de ces articles est celui d’une classe privilégiée avec des rémunérations élevées et des régimes de retraite d’une générosité inédite. À peu près aucun Québécois ne peut espérer un tel avantage social, pas même les syndiqués qui versent leurs cotisations en partie pour payer ces régimes en or.

Dans certains syndicats, les employés peuvent espérer prendre leur retraite à 55 ans (CSN) ou même à 50 ans (SCFP). La rémunération moyenne d’un employé de la CSN est estimée à 147 851 $, plus de trois fois la rémunération moyenne des Québécois dans leur ensemble selon Statistique Canada. Autrement dit, au mois d’avril, un employé moyen de la CSN a déjà encaissé l’équivalent de ce que gagne un de ses compatriotes en une année entière.

Les syndicats, des organisations privées?

Est-ce que cela est injuste? Non, pas vraiment. Ce n’est pas plus choquant chez les syndicats que dans les entreprises. Le trésorier de la CSN explique cet écart de rémunération par le fait que leurs employés travaillent fort. Voilà une explication boiteuse, à moins de croire que les Québécois ne travaillent pas aussi fort. La véritable réponse à toute accusation d’injustice est bien plus simple : les syndicats sont des organisations privées qui décident de leurs politiques de rémunération. Ça ne regarde qu’eux, et personne d’autre.

Le seul petit hic, c’est justement ce pouvoir de taxation indirect octroyé par la formule Rand. Dès qu’une majorité de travailleurs décident de se syndiquer, tout le monde est dans l’obligation de payer. La procédure pour former un syndicat n’est d’ailleurs pas particulièrement démocratique et se mène souvent sans même un scrutin secret. Mais le résultat est de contraindre tous les travailleurs à payer.

Sans cette contrainte, les syndicats seraient probablement moins puissants, mais ils seraient autrement plus légitimes. Ils seraient aussi de véritables organisations privées. À l’heure actuelle, ce n’est pas vraiment le cas. Contrairement aux gouvernements qui jouissent aussi du pouvoir de taxation, les syndicats n’ont pas d’obligation de transparence quant à leurs finances.

Des rémunérations élevées, des retraites hâtives? Je n’ai personnellement aucun problème à ce que les syndicats offrent des conditions de travail enviables. Mon unique réserve, c’est qu’on découvre cela uniquement grâce à un travail journalistique, certes excellent, mais rare. La transparence ne devrait pas venir en option!

Pendant ce temps, les syndicats décrient les inégalités, disent se préoccuper de pauvreté, militent pour plus de justice sociale. On souhaite que le gouvernement fasse des déficits et endette les générations futures. Les PDG d’entreprises privées qui font de bons salaires sont vilipendés par ces syndicats. Le petit problème d’image avec lequel les centrales syndicales se retrouvent aujourd’hui, c’est qu’elles goûtent à leur propre médecine et qu’on découvre – ô surprise – qu’elles ne prêchent pas toujours par l’exemple.

Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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