Liberté de presse et liberté économique, même combat
Depuis 1993, le 3 mai est la journée mondiale de la liberté de la presse. C'est l'occasion notamment d'évaluer la liberté de la presse dans divers pays, comme le fait le groupe Reporters sans frontières (RSF) avec son Classement mondial de la liberté de la presse.
Celui-ci mesure le degré de liberté dont jouissent les journalistes dans 180 pays grâce à une série d'indicateurs. En tête de liste, on trouve la Finlande, suivi de la Norvège et des Pays-Bas. Le Canada arrive quant à lui au 18e rang.
Ce que je trouve particulièrement intéressant, c'est lorsqu'on croise ce classement avec l'index de liberté économique 2016 du Heritage Foundation. Cet indicateur est fondé sur un ensemble de dix critères (dont la liberté de se lancer en affaires, le poids des taxes et impôts, la libéralisation du travail, le respect de la propriété privée, etc.) Il mesure la liberté économique dans les différents pays du monde.
Vous me voyez venir avec mes gros sabots… Eh oui, les pays libres économiquement ont tendance à être également ceux où la liberté de presse est en santé. La Nouvelle-Zélande, la Suisse et l'Irlande, par exemple, font partie du « top 10 » dans les deux classements. À l'opposé, plusieurs pays où la liberté économique est bafouée font aussi piètre figure pour ce qui est de la liberté de presse. La Corée du Nord, Cuba et l'Iran, notamment, traînent en queue de peloton dans les deux classements.
Cela ne devrait pas surprendre. Deux publications de l'IEDM ont déjà montré la corrélation entre la liberté économique et plusieurs mesures d'émancipation et de mieux-être.
Entre autres, le bien-être des femmes dans le monde, et particulièrement dans les pays en développement, est intimement lié au degré de liberté économique qui prévaut dans un pays. Les femmes vivant dans l'un des 25 pays avec le moins de liberté économique ont 33 % moins de chances de savoir lire et écrire lorsqu'elles atteignent l'âge adulte, comparées aux femmes vivant dans l'un des 25 pays les plus libres. On observe aussi qu'une plus grande liberté économique mène à une plus grande scolarisation des femmes à la fois dans l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, et le même type d'effet est observé lorsqu'on s'intéresse à la santé des femmes.
Une autre étude de l'IEDM montre, de façon générale, que les économies libres s'enrichissent davantage au plan matériel, en santé et en éducation. Les individus qui vivent là où la liberté économique est plus grande ont en effet tendance à toucher un revenu moyen plus élevé. Les nations parmi les 25 % jouissant de la plus grande liberté économique ont généré un PIB moyen par habitant de 39 899$ en 2012, en comparaison de 6 253$ pour celles du quartile le moins libre.
Au-delà du bien-être matériel, les indicateurs de nature sociale comme la santé, l'éducation et la satisfaction à l'égard de la vie sont aussi corrélés positivement avec la liberté économique. L'espérance de vie a notamment progressé à mesure que le monde est devenu plus libre et plus riche. Un individu vivant dans un des pays les plus libres peut s'attendre à vivre en moyenne 79,9 ans, soit près de 17 ans de plus qu'un autre né dans un pays du quartile le moins libre.
Les vertus de la liberté économique sont évidentes. Pourtant, dans les pays les plus riches et les plus développés, comme ici, nous avons parfois tendance à oublier les leçons fondamentales que nous enseignent les politiques fondées sur la liberté économique.
Profitons de cette journée mondiale de la liberté de la presse pour nous rappeler qu'il importe de continuer à défendre la liberté économique avec vigueur. Car autant pour la liberté de presse, l'émancipation des femmes ou la hausse du niveau de vie des gens, la liberté économique joue un rôle clé. Ne tenons pas cette liberté pour acquise.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.