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Textes d'opinion

Je n’en ai rien à cirer du pétrole!

Mes collègues à l'IEDM et moi-même avons signé, au cours des dernières années, plusieurs textes qui expliquaient notamment les mérites du développement pétrolier et gazier au Canada, ou encore ceux de transporter le pétrole par pipeline.

Cela suffit à certains de nous accuser de « faire partie du lobby pétrolier ».

Toutefois, à l'IEDM, ce qui nous préoccupe, c'est la rationalité économique. Pas le pétrole, ou la margarine, ou telle ou telle industrie. La rationalité économique, point à la ligne. Or, en ce moment, et pour l'avenir prévisible, la logique et le bon sens (mais aussi les lois de la physique) jouent encore en faveur de cette ressource.

On peut bien s'opposer aux projets de pipelines pour des raisons symboliques, sauf que l'Office national de l'énergie nous rappelait récemment que même dans un scénario où absolument aucun nouveau pipeline n’est construit pendant plusieurs années, la production de pétrole au Canada augmentera significativement d’ici à l'année 2040. En effet, cette production atteindrait 5,6 millions de barils par jour d'ici là, ce qui serait bien au-delà de la production actuelle, et ce, indépendamment de la chute actuelle des cours mondiaux.

Ainsi donc, en pratique, s'opposer aux pipelines veut tout simplement dire transporter ce pétrole par train ou par camions-citernes, des moyens un peu moins sécuritaires que le pipeline, bien que sécuritaires eux aussi. Affirmer cela ne veut pas dire que l'on soit « de droite » ou « propipelines ». Il s'agit d'une observation factuelle. De même, je serais le premier à être ravi si on pouvait efficacement propulser nos automobiles, à coûts minimes, avec des pissenlits ou encore avec du jus de carottes…

En fait, si une source d'énergie est la plus abondante, fiable et économique – quelle que soit sa forme ou son odeur –, le bon sens économique milite pour qu'on ne tente pas d'en empêcher son développement ou son transport. Pour le moment, et pour l'avenir prévisible, les énergies fossiles font et feront partie de notre panoplie énergétique. Ceci n'est pas une opinion, c'est un fait.

Par contre, il arrive parfois des innovations technologiques fulgurantes qui peuvent rapidement changer la donne. Si cela se produit, je n'ai évidemment rien contre. Il sera alors économiquement rationnel d'effectuer cette transition rapidement. Ce n'est pas encore le cas avec les énergies renouvelables comme le solaire et l'éolien, qui ne sont pas efficientes, pas rentables, et doivent encore être fortement subventionnées.

Enfin, et puisque la question de notre financement revient constamment, j'en profite pour souligner trois choses à ce sujet:

1) Le financement en provenance d'entreprises actives dans le domaine pétrolier ou gazier représente moins de 3% de notre financement annuel total.

2) Il faut établir la bonne séquence des choses quand on discute du lien causal entre nos écrits et notre financement. Il est essentiel pour quiconque veut être de bonne foi dans ce dossier de comprendre cela. En clair : nous ne disons pas ce que nous disons parce que l'entreprise X ou Y nous donne de l'argent. L'entreprise X ou Y nous donne de l'argent parce que nous disons ce que nous disons. Mais nous le disons indépendamment de ce financement et, plus souvent qu'autrement, depuis bien avant qu’il survienne.

3) Depuis 15 ans, nous avons été constants, intellectuellement cohérents et indépendants. Nous avons toujours appuyé les conclusions de nos études sur une analyse économique rigoureuse, quitte à déplaire.

Comme je l'ai déjà expliqué, au fil des ans, nous avons perdu l’appui financier de deux alumineries qui n’aimaient pas nos critiques portant sur les tarifs d’électricité préférentiels pour leur industrie. Perdu aussi l'appui d’une entreprise aéronautique qui n’aimait pas nos critiques des subventions à son industrie, mais aussi celui d’une entreprise pétrolière qui nous trouvait… trop durs envers les environnementalistes (sans blague)! Et enfin, nous avons aussi perdu l’appui, par ailleurs très important, d’une entreprise dans le domaine des communications qui n’aimait pas nos écrits concernant le processus d'attribution des ondes dans le domaine de la téléphonie cellulaire.

Notre indépendance et nos principes ne sont tout simplement pas à vendre, et nous l'avons prouvé au fil des ans.

D'ailleurs, je trouve toujours amusant que certains nous traitent d'« idéologues » d'une part et, d'autre part, de « hired guns » sans principe à la solde des grosses méchantes compagnies… Les deux approches sont mutuellement exclusives, alors, il faudrait se brancher!

Une société libre et démocratique a besoin de débats vigoureux et de chocs des idées pour s’épanouir et évoluer. Plutôt que de faire constamment des procès d'intention ou d'accuser les autres de mauvaise foi, nous devrions tous nous concentrer sur le fond des choses et débattre des faits et des principes qui nous mèneront vers une société juste et prospère.

Pour ma part, je suis convaincu que cela se fera au moyen de l'entreprenariat, de la liberté contractuelle, de la distribution du revenu (par opposition à la redistribution de celui-ci) et du respect des droits de propriété. Certains pensent le contraire? Aucun problème. Débattons-en avec respect et sans procès d'intention!

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

Lire le billet sur le site du Journal de Montréal

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