Travailleurs et syndicats : même combat?
Le 1er mai, Fête des travailleurs, est célébré cette année sous le signe des manifestations, des protestations et des perturbations. Plusieurs syndicats et groupes militants avaient conçu ces actions depuis février dernier. On souhaitait des grèves, fussent-elles illégales, des actions d’éclat et des blocages sur les routes et les ponts, question de « fermer la province » selon l’une des porte-parole. Tout ce charivari est-il vraiment la bonne manière de célébrer les travailleurs?
La réalité syndicale
Les syndicats se sont engagés dans une lutte pour augmenter les dépenses publiques, quitte à faire des déficits et à augmenter les impôts. Ils proposent aussi trois solutions pour financer ces nouvelles dépenses. Il y a l’habituel « taxons les riches » : une solution appliquée à l’automne 2012 même si les contribuables à hauts revenus paient déjà beaucoup d’impôts et qu’ils sont proportionnellement moins nombreux qu’ailleurs.
On chante aussi la vieille rengaine d’imposer des taxes additionnelles aux banques : une mesure appliquée en 2010, prolongée et augmentée en 2012, puis « surtaxée » en 2014 (et que les clients des banques finissent inévitablement par payer).
Enfin, on brandit la sempiternelle lutte à l’évasion fiscale comme si, depuis 3 ans, Revenu Québec ne comptait pas déjà 1100 employés de plus et qu’on n’avait pas identifié 10 milliards de dollars, surtout en accusant des PME québécoises, parfois à tort.
L’objectif concret des centrales syndicales se devine facilement. Elles voient dans l’augmentation des dépenses du gouvernement leur meilleure chance d’obtenir des hausses de salaire pour leurs membres dans le secteur public. Leurs solutions sont déjà appliquées? Qu’à cela ne tienne, il faut augmenter les impôts même si c’est la classe moyenne qui écopera.
La réalité du travailleur
Le travailleur moyen, lui, en a assez de payer des impôts toujours plus élevés. Et n’oublions pas que c’est lui qu’on fête et non les syndicats! Ainsi, 71 % des Québécois appuient l’austérité que dénoncent les syndicats, c’est-à-dire qu’ils favorisent la diminution des dépenses de l’État à la hausse des impôts. Il n’y a que 5 % qui souhaitent l’inverse. Or, près de 22 % des travailleurs œuvrent dans le secteur public. C’est dire qu’il y a plusieurs travailleurs du secteur public qui souhaitent aussi une diminution des dépenses et de leurs impôts!
Les travailleurs québécois ont de bonnes raisons de s’opposer à l’alourdissement du fardeau fiscal étant donné que leur revenu disponible en est affecté. L’alourdissement du fardeau fiscal explique en partie que le pouvoir d’achat des Québécois ait reculé en 2013 pour la première fois en 17 ans.
Ce dont les travailleurs ont envie, c’est de pouvoir subvenir à leurs besoins sans que le gouvernement ne les étrangle constamment de nouvelles ponctions fiscales. Alors qu’on vient de compléter ses déclarations de revenus, on est tous à même de constater les impôts et les cotisations de tout acabit qui sortent de nos portefeuilles.
Pourrait-on envisager une fête des travailleurs où les syndicats se feraient les porteurs de cette demande fort légitime en faveur d’une baisse d’impôt? Cela profiterait aussi à leurs propres membres, dans le privé comme dans le public, d’ailleurs.
Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.