fbpx

Textes d'opinion

Réviser le rôle de l’État : Les mauvaises solutions (partie II)

Les finances publiques sont dans un piteux état, comme l’ont démontré Luc Godbout et Claude Montmarquette. On a vu dans un article précédent que la trajectoire actuelle n’est pas soutenable et qu’un coup de barre s’impose de manière urgente. Mais que peut-on faire?

Il existe malheureusement de mauvaises solutions qu’il faut savoir distinguer des bonnes. Les fausses avenues entraînent bien souvent des conséquences négatives sur l’économie et la vie des Québécois, ou bien elles sont simplement insuffisantes.

Les mauvaises solutions : tenter d’accroître les revenus de l’État en augmentant la pression fiscale

D’abord, réglons le cas des boucs émissaires trop souvent invoqués, et qui ne résoudront pas, ou du moins pas à long terme, nos problèmes. Comme le chroniqueur Francis Vailles en fait éloquemment la démonstration , imposer encore plus les riches, lutter davantage contre l’évasion fiscale, s’attaquer aux paradis fiscaux et régler les problèmes de corruption ne nous rapporteraient que du petit change comparé à l’ampleur des déficits qui se dressent devant nous. Et c’est sans compter que le gouvernement a déjà décidé d’imposer davantage les riches dans le budget 2012, et que Revenu Québec redouble déjà d’efforts, depuis plusieurs années (et de façon excessive à l’occasion, ce qui mène à des dérapages) contre l’évasion fiscale.

Imposer encore plus les entreprises? Celles-ci payent déjà beaucoup de taxes et d’impôts de toute sorte. Aussi, le rapport de MM. Godbout et Montmarquette indique que, si l’état des finances publiques s’est dégradé au cours des derniers mois, c’est notamment en raison des revenus décroissants de l’impôt des sociétés. Ceux-ci ont chuté de 373 millions par rapport au cadre financier du 20 février dernier, soit il y a à peine plus de deux mois. Augmenter la pression fiscale des entreprises dans ce contexte pourrait s’avérer contre-productif.

Quant aux contribuables, ils sont déjà les plus taxés en Amérique du Nord. Rappelons les hausses de taxes et de tarifs depuis quelques années:

-Hausse de deux points de pourcentage de la TVQ

-Hausse des taxes sur l’essence (de 4 cents en quatre ans)

-Hausse du coût des plaques d’Immatriculation

-Hausse du prix du permis de conduire

-Instauration d’une « taxe santé »

-Hausse de l’impôt des plus riches

-Hausse des taxes sur l’alcool et le tabac

-Hausse du taux de cotisation au Régime des rentes

-Hausse du taux de cotisation au Régime québécois d’assurance parentale

-Hausse des taxes scolaires et des taxes municipales

-Hausse des tarifs d’Hydro-Québec

-À cela on pourrait ajouter la hausse du prix des bouteilles de vin à la SAQ, puisqu’il s’agit en fait d’une taxe indirecte (quoique volontaire).

J’en oublie sûrement. Et malgré tout ça, l’État est encore PLUS cassé qu’avant! Hausser les revenus ne règle clairement rien!

Les solutions « bonnes, mais insuffisantes à long terme »

Parfois, une solution peut s’avérer positive, mais insuffisante. Hausser les tarifs des garderies, ou d’Hydro-Québec, est en soi une mesure censée. Si l’augmentation desdits tarifs vise à les rapprocher du prix plus réaliste qui devrait être payé pour ces services, on peut difficilement être contre, en termes de logique économique. Par contre, comme on vient de le voir, taxer ou tarifer davantage ne règlera pas nos problèmes à moyen ou long terme. C’est d’autant plus inefficace lorsque l’État ne fait aucun effort de son côté.

Une autre mesure, celle-là évoquée par M. Couillard, est le gel des salaires (ou de l’embauche) des employés de l’État.

L’objectif de réduire la masse salariale de l’État est pertinent, mais les hausses salariales des employés de l’État ont été somme toute assez modestes au cours des dernières années. Le problème est moins la rémunération des employés de l’État que leur nombre.

La vente partielle d’actifs comme la SAQ ou Hydro-Québec est certes envisageable et même nécessaire , mais elle ne pourrait à elle seule corriger nos problèmes à long terme. On peut certes diminuer la dette et le service de la dette avec ces ventes, et sans doute de façon importante, mais il ne faut pas que cela soit un prétexte pour dépenser plus que les recettes. Il faudra au contraire poursuivre l’objectif de diminuer la dette.

En d’autres mots, ces solutions ne sont pas mauvaises à court terme. Mais si l’on veut éviter d’être constamment coincés dans ce genre d’options « d’austérité », la discussion devra un jour porter sur « les vraies affaires ». Et les « vraies affaires » sont que si l’on veut que l’État québécois se mêle de tout et de n’importe quoi, alors inévitablement, nous devrons à la fois subir des taxes et des impôts élevés ET des problèmes structurels de finances publiques…

Youri Chassin est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

Back to top