Les taxes et frais aériens doivent revenir sur terre
Les tarifs aériens canadiens sont en général compétitifs, mais les taxes et les frais supplémentaires excessifs encouragent les Canadiens à traverser la frontière et à prendre leurs vols à partir des États-Unis.
En fait, 75 % de la population du Canada vit à seulement 90 minutes de la frontière américaine. Ce qui fait que de nombreux aéroports canadiens font concurrence aux aéroports du nord des États-Unis pour attirer des passagers. Les prix sont donc devenus l’un des principaux avantages concurrentiels des aéroports dans leur quête d’attirer plus de passagers.
Or, les tarifs aériens – notamment les taxes et les frais supplémentaires – sont plus élevés pour un voyageur qui prend un vol en partance de Montréal plutôt qu’en partance d’un aéroport américain limitrophe. C’est aussi vrai pour bon nombre de grandes villes canadiennes. À l’échelle nationale, la différence entre un vol aller-retour comparable atteint en moyenne 428$ par passager, selon le Conseil des aéroports du Canada.
Si on compare les prix des vols de Montréal à Fort Lauderdale ou à New York, par exemple, et de vols équivalents en partance d’aéroports américains voisins, on constate que les tarifs de base canadiens sont pourtant inférieurs ou équivalents. Et ce, même si Montréal est plus éloignée de l’une et l’autre destinations. Par contre, les taxes et frais au Canada sont plus de deux fois supérieurs aux taxes et frais américains pour des vols équivalents en partance de Plattsburgh et de Burlington. Ces droits additionnels constituent à peu près le quart des tarifs aériens canadiens.
Résultat: un même jour, le passager qui prend un vol de Montréal à Fort Lauderdale paiera 36 % de plus que s’il était parti de Plattsburgh. De la même façon, le vol vers New York sera 10 % plus cher en partance de Montréal que de Burlington.
Selon des estimations, l’industrie de l’aviation au Canada perd environ annuellement cinq millions de voyageurs qui choisissent de franchir la frontière des États-Unis, principalement pour cette raison. Cette tendance est plus manifeste que jamais et, chaque année, elle coûte tout près de 9000 emplois au Canada et occasionne des pertes économiques de 2,4 milliards de dollars.
Comment remédier à la situation? On devrait, entre autres changements, éliminer le loyer aéroportuaire afin d’augmenter le trafic passagers. En ce moment, les sociétés aéroportuaires doivent payer un « loyer » au gouvernement fédéral en proportion des recettes d’aéroport. Comme cette taxe est calculée en fonction des recettes des sociétés plutôt que leurs bénéfices, un aéroport doit hausser le prix de ses services quand ses recettes augmentent afin de parer à la hausse de son loyer.
Éliminer ce loyer pourrait priver Ottawa des 280 millions de dollars qu’il perçoit annuellement en loyers, mais ce manque à gagner serait atténué par des revenus additionnels de 50 millions de dollars tirés de l’augmentation du trafic passagers.
Pour récupérer ces pertes de revenu et bien plus encore, le gouvernement fédéral pourrait aussi vendre les aéroports à des investisseurs privés. Rappelons que la Caisse de dépôt et placement du Québec est déjà propriétaire de 13,29 % de l’aéroport Heathrow à Londres.
Quoi qu’il en soit, il serait avisé de réduire les taxes et frais aériens. Une telle mesure profiterait grandement aux voyageurs ainsi qu’à l’économie canadienne en général.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.