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Textes d'opinion

Ça marche partout!

Mercredi, j'ai eu l'honneur de débattre avec le Dr Philippe Couillard au sujet de la pertinence ou non de libéraliser plusieurs éléments clés de notre système de santé, tant en ce qui a trait à la livraison des soins (cliniques et hôpitaux privés facturant l'assurance-santé) que sur le plan du financement (assurances-santé privées).

Tous désirent un système de santé qui réponde aux besoins des patients le mieux possible, le plus rapidement possible et avec un maximum de liberté de choix. Malheureusement, la contribution des entrepreneurs à l'atteinte de cet objectif est encore et toujours accueillie avec suspicion, voire même par un dénigrement systématique et obtus de la part de gens qui confondent (volontairement?) tout.

Cette perception négative n'est pourtant pas justifiée. Après tout, ce qu'on nomme « le privé », ce sont des médecins, des infirmières, des investisseurs et des entrepreneurs qui ont des idées novatrices. Concrètement, libéraliser notre système de santé, cela veut dire lever les interdits législatifs, réglementaires et bureaucratiques qui les empêchent d'offrir des services en dehors du modèle actuel.

Pourtant, cette liberté existe partout dans le monde développé, où la contribution du privé est permise, bien que souvent encadrée. Cela se fait en Europe (y compris dans les pays scandinaves très sociaux-démocrates), en Australie, au Japon, et ce, sans remettre en question d'aucune façon l'accès de tous aux soins médicalement requis – c'est-à-dire le principe de l'universalité.

Un des arguments souvent invoqués contre les initiatives privées en santé est que les établissements privés draineraient le système public de ses ressources, surtout de médecins dont le Québec manquerait cruellement. Or, plusieurs pays comme le Royaume-Uni, la Finlande ou le Japon, dont le ratio de médecins dans la population est similaire à celui du Québec, permettent à ceux-ci de pratiquer à la fois dans des établissements publics et privés. La performance de leur système de santé est enviable.

En autorisant les médecins à travailler dans un établissement privé, après avoir fait un certain nombre d'heures au public, on les incite à travailler davantage. En Australie, les médecins qui oeuvrent dans les deux systèmes travaillent 11 % plus d'heures que ceux qui pratiquent uniquement dans le système public. La situation est la même chez les médecins anglais et danois.

En interdisant cette pratique, le Québec se prive de l'équivalent, en heures travaillées, de 790 médecins spécialistes à temps plein! Cette évaluation est fondée sur un sondage de l'IEDM auprès des médecins spécialistes.

Pour ce qui est du financement des soins de santé, les Québécois devraient avoir le choix de se doter d'assurances privées couvrant les mêmes soins que l'assurance-santé publique. Ces assurances « duplicatives » ne dispenseraient pas l'assuré de continuer de financer par ses impôts le régime public.

Au Danemark, le pourcentage de citoyens couverts par une assurance privée duplicative est passé de 1 % en 2001 à 36 % en 2007. Parallèlement, l'accès aux soins s'est amélioré et le temps d'attente moyen pour obtenir une chirurgie a diminué de 33 %.

Il faut arrêter d'avoir une approche rigide et idéologique sur ces questions. Tous les pays développés sur la planète – je dis bien tous – permettent la mixité de pratique des médecins ainsi que l'assurance-santé duplicative, à l'exception du Canada. Il faut arrêter d'agiter l'épouvantail américain et de berner la population avec des mensonges éhontés.

Il n'y a aucune raison de soutenir que ce qui marche très bien en Scandinavie, ailleurs en Europe et en Australie ne pourrait pas fonctionner tout aussi bien au Québec. Nous ne sommes pas plus bêtes qu'ailleurs!

Philippe Couillard semble (partiellement) comprendre cela. En tout cas mieux que la moyenne des politiciens. Espérons que lui et d'autres auront le courage d'opérer ces changements malgré la démagogie et les clichés qui prévalent trop souvent dans ce débat.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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