Résister au chaos
Lorsque le boycottage étudiant a débuté en février dernier, c’était pour contester la hausse des droits de scolarité.
Si une partie de la population n’approuvait ni les revendications ni l’argumentaire des étudiants, en revanche personne ne contestait leur droit d’exprimer leur mécontentement et leur volonté de négocier avec l’État.
Toutefois, au fil des semaines, le conflit a dégénéré. Nos avons été témoins, et quelquefois même victimes, d’actes de violence indignes de citoyens respectables. Des manifestants ont fracassé des vitres, vandalisé des autos, saccagé des salles de classe, empêché l’accès aux établissements d’enseignement, bloqué la circulation et paralysé le métro. Ils se sont également attaqués à des personnes.
Notamment, ils ont sauvagement battu un policier, agressé des journalistes et des caméramans, séquestré les employés de l’Institut économique de Montréal; ils se sont présentés devant des résidences privées, dont celle de mon collègue Richard Martineau, et ils ont intimidé les étudiants souhaitant retourner en classe.
La limite du terrorisme
Je suis convaincue que la grande majorité des étudiants n’approuve nullement ces gestes inacceptables. Toujours est-il que le conflit a été récupéré par des groupes anticapitalistes, révolutionnaires, et même anarcho-communistes pour qui les perturbations sociales et la violence sont des moyens légitimes, voire préconisés.
Or, c’est précisément en raison de gestes à la limite du terrorisme que la donne a complètement changé. Déterminer si nous pouvons ou devons geler les droits de scolarité n’est plus le coeur de la discussion. Le débat d’idées a été relégué au second plan et des brutes ont remplacé les étudiants. À présent, le véritable conflit, c’est celui entre la force et la raison, entre l’intimidation et le respect, entre la sauvagerie et la civilité.
Test majeur
Si j’ai souvent été critique de l’intervention de l’État dans l’activité économique, je crois néanmoins qu’il a la responsabilité d’assurer la sécurité des citoyens, le respect de la propriété privée et le maintien de la loi et de l’ordre. À cet égard, la dérive du conflit étudiant est un test majeur pour l’État québécois : va-t-il capituler devant l’agitation, ou tiendra-t-il bon?
Or, ce test, l’État québécois n’a pas le droit de l’échouer. Il se doit donc d’appliquer une politique de tolérance zéro envers les perturbateurs aux comportements violents. Le retour à un climat pacifique et le respect des injonctions doivent être des conditions obligatoires pour accepter de reprendre les discussions. On ne négocie pas sous la menace! On ne traite pas avec une minorité tyrannique!
Ne pas poser ces conditions serait lourd de conséquences, car toute concession accordée par Québec signifiera une capitulation. Si l’État fléchit face à l’intimidation, s’il cède devant la violence, alors le Québec est perdu, car tous les groupes revendicateurs sauront qu’il suffit de provoquer le chaos pour obtenir satisfaction. La seule loi qui prévaudra alors sera celle du plus bruyant, du plus perturbateur.
Toute la province attend avec impatience que l’État règle le conflit. Néanmoins, il ne devrait pas se laisser aveugler par la hâte, car sa manière de gérer la crise pourra soit assurer le respect de la primauté du droit, soit paver la voie à d’autres perturbations plus graves encore. Espérons que le gouvernement de Jean Charest en est conscient!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal. Elle signe ce texte à titre personnel.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.