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Textes d'opinion

On récolte ce que l’on sème

Le bras de fer se poursuit entre les étudiants et le gouvernement du Québec. Dans ce dossier, l’État bénéficie de la sympathie de la majorité des citoyens. Pourtant, il est partiellement responsable de l’attitude des étudiants, car il a lui-même, jadis, semé les graines du mécontentement.

En 1997, la ministre de l’Éducation, Pauline Marois, avait annoncé son plan d’action pour la réforme de l’éducation. Ses intentions étaient claires : passer de « l’accès du plus grand nombre au succès du plus grand nombre ». Elle avait même fixé des cibles pour le taux de diplomation.

Puis, en 2000, c’était au tour de son successeur, François Legault, de dévoiler sa Politique québécoise de financement des universités et d’annoncer l’instauration de contrats de performance.

Dans ces contrats, l’État obligeait les universités à se fixer des cibles de performance (dont les grands thèmes étaient imposés par le ministère de l’Éducation) et, en contrepartie, il s’engageait à augmenter le financement des institutions qui atteignent leurs objectifs.

La hausse du taux de diplomation était l’un des critères de performance.

Nivellement par le bas

Ne soyons pas naïfs! Le nivellement par le bas est le moyen le plus simple et le plus rapide d’augmenter les taux de réussite et c’est précisément l’avenue empruntée par de nombreux établissements d’enseignement. Aujourd’hui, les nouveaux analphabètes fonctionnels ont en fait fréquenté l’école jusqu’à 16 ans. Voilà qui en dit long sur la qualité de l’enseignement au secondaire!

Comme les élèves qui terminent le secondaire sont moins bien formés, les cégeps doivent ensuite adapter leurs program­mes à cette nouvelle clientèle.

Ensuite, c’est au tour des universités de revoir leurs exigences à la baisse, d’une part pour tenir compte des capacités des étudiants et, d’autre part, pour atteindre le taux de diplomation visé. C’est ainsi qu’au lieu de réformer l’éducation, notre ministère l’a plutôt déformée.

Le nivellement par le bas est d’ailleurs confirmé par ce qu’il est convenu d’appeler « l’inflation des notes », un phénomène amplement documenté.

Deux chercheurs canadiens, James Côté et Anton Allahar, ont d’ailleurs montré que la note moyenne qui était de C il y a 30 ans oscille aujourd’hui entre B+ et A-.

Dévalorisation des diplômes

La classe politique voulait démocratiser l’éducation. Force est de constater que ses initiatives se sont soldées par la dévalorisation des diplômes.

Or, les employeurs ne sont pas dupes, ils ont ajusté les salaires en conséquence. L’Annuaire québécois des statistiques du travail indique d’ailleurs que, de 2000 à 2010, des diplômés universitai­res ont vu leur rémunération horaire croître plus lentement que n’importe quel autre groupe. C’est aussi le groupe où le nombre de chômeurs a augmenté le plus vite.

Nul doute que les étudiants doivent payer pour leur éducation. Mais, de grâce, ne banalisons pas les diplômes! Quand les établissements d’enseignement ne seront plus obligés de privilégier le taux de diplomation, quand ils abandonneront le nivellement par le bas et qu’ils privilégieront la qualité des diplômes plutôt que le pourcentage de diplômés, les étudiants pourraient alors accepter plus facilement une hausse des frais de scolarité!

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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