Système de santé universel et le privé : prendre exemple sur l’Allemagne
Comme nous l’ont encore rappelé les manchettes récentes, l’engorgement dans les urgences et les temps d’attente pour subir une chirurgie n’ont pas diminué au Québec. Parallèlement, le député Amir Khadir a déposé la semaine dernière une motion pour que l’Assemblée nationale réitère son appui au système de santé public et mette « fin à la création d’un système privé parallèle où sont traités uniquement ceux qui ont la capacité de payer ».
La santé est un enjeu qui suscite beaucoup d’émotions, ce qui pousse parfois à se réconforter dans de belles paroles plutôt que d’adopter une vision pragmatique des choses axée sur les résultats. L’expérience de nombreux pays européens, de la France à la Suède, montre que le secteur privé à but lucratif peut jouer un rôle de premier plan dans la prestation des services de santé sans que l’universalité du système soit remise en question.
Dans une étude qui vient d’être publiée, l’Institut économique de Montréal s’est penché plus particulièrement sur l’Allemagne, un pays qui a été classé 2e pour la performance de son système de santé parmi les 34 pays évalués dans le dernier palmarès Euro-Canada Health Consumer Index (le Canada est 25e). Pourtant, elle consacre aux dépenses de santé une proportion de son économie équivalente à celle du Canada (environ 12 %) et possède aussi un système de santé universel en vertu duquel chacun a le droit d’être couvert par l’assurance maladie publique.
Par contre, le système de santé allemand est très différent du nôtre à un égard : un tiers de ses hôpitaux sont privés à but lucratif et un autre tiers sont privés sans but lucratif. Ces hôpitaux sont généralement intégrés au système de santé public et traitent tous les patients, peu importe le type d’assurance qui les couvre. Pour un même traitement, l’hôpital, qu’il soit privé ou public, reçoit le même montant de l’assurance publique. Les hôpitaux se concurrencent donc pour attirer des patients, qui sont libres de choisir l’établissement qui leur convient.
Ce mode de fonctionnement mène à une prestation des soins de santé plus centrée sur le patient et évite les problèmes de rationnement, de priorisation des traitements et de listes d’attente. Ainsi, non seulement l’attente pour recevoir des soins est plus courte en Allemagne qu’au Canada, mais les longues périodes d’attente à l’urgence sont inconnues là-bas.
Les hôpitaux privés ne tournent pas les coins ronds en matière de qualité des services afin de réduire leurs coûts. C’est plutôt une meilleure qualité de soins qui leur permet d’attirer des patients et de réaliser des profits. Par exemple, l’organisme chargé de surveiller la qualité des soins en Allemagne a relevé 9 % plus de problèmes dans les hôpitaux publics que dans les hôpitaux privés à but lucratif, et ce malgré le fait que les hôpitaux privés ne font pas une présélection de leurs patients.
En 10 ans, les hôpitaux privés ont réduit le nombre de cas par médecin de 25 %, ce qui permet à chacun d’eux de passer plus de temps avec leurs patients. De plus, on observe que les hôpitaux privatisés ont généré des gains d’efficacité de 3,2 à 5,4 % supérieurs à ceux des hôpitaux publics. Ces gains sont d’autant plus impressionnants compte tenu du fait que les hôpitaux publics qui ont été privatisés en Allemagne étaient généralement ceux qui avaient le plus de problèmes au départ.
L’expérience allemande vient renforcer une conclusion qu’on obtient en examinant la situation de multiples pays développés : un système de santé qui comporte des aspects concurrentiels et qui donne une place au secteur privé à but lucratif augmente la qualité des soins de santé, augmente le seuil d’investissement ainsi que les progrès technologiques par rapport à un système hospitalier entièrement étatisé.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’Institut économique de Montréal. Yanick Labrie est économiste à l’Institut économique de Montréal.