300 $ par famille – La gestion de l’offre de produits agricoles : un système coûteux pour les consommateurs
Montréal, 23 août 2007 – Au moment où la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois débute ses audiences nationales, l’Institut économique de Montréal (IEDM) estime que la gestion de l’offre du lait, des œufs et de la volaille coûte au moins 300 $ par an de plus à une famille de quatre personnes au Québec, soit 575 M $ pour tous les Québécois.
Dans une Note économique publiée par l’IEDM, le vice-président et économiste en chef, Marcel Boyer, explique que des tarifs douaniers astronomiques et la fixation de prix élevés pour ces denrées constituent un impôt particulièrement régressif pour le consommateur à bas revenu. Il conclut que « ce système d’inspiration protectionniste, qui fonctionne en grande partie comme un cartel, est désuet, coûteux et inéquitable. Le secteur agroalimentaire doit s’adapter à la concurrence internationale et cesser de pénaliser les consommateurs et, à long terme, les agriculteurs eux-mêmes ».
Le système de gestion de l’offre
La gestion de l’offre permet aux producteurs de lait, de volaille et d’oeufs du Canada, dont la grande majorité sont situés au Québec et en Ontario, d’ajuster leur production afin de protéger leurs revenus. Pour ce faire, des quotas sont fixés pour correspondre à une évaluation arbitraire de la demande intérieure et aux prix souhaités. Pour le lait, c’est la Commission canadienne du lait qui s’occupe des quotas de mise en marché. La commercialisation des œufs et de la volaille est assujettie à un système de quotas semblable. De plus, le Québec est la seule province qui, par l’entremise de la Régie des marchés agricoles et alimentaires, réglemente encore le prix au détail du lait, ce qui tend à favoriser la manipulation des prix à la hausse.
Les consommateurs sont les perdants
Avec le système de gestion de l’offre, l’intérêt des consommateurs est secondaire. Au Canada, le prix du lait a augmenté de 53 % depuis 12 ans, soit deux fois plus que l’inflation, alors que les coûts de production ont fléchi de 3,8 %. La consommation s’est ajustée en conséquence : elle a diminué de 18 % pour le lait et de 30 % pour le beurre depuis 1980. On prévoit que la consommation de lait diminuera encore de 12 % d’ici 2020. Au Québec, un clivage important de plus de 37 % existe entre les prix au détail du lait et les prix observés aux États-Unis. Pour les œufs, la différence est de 55 %. Le poulet se vend au détail plus de deux fois plus cher.
Les partisans de ce système de gestion de l’offre et les groupes de pression des secteurs agroalimentaires concernés se targuent de ne recevoir aucune subvention. Pourtant, la gestion de l’offre s’apparente en pratique à un pouvoir de taxation octroyé par l’État. Plutôt que de subventionner directement les producteurs agricoles grâce aux impôts perçus auprès des citoyens, le gouvernement laisse les producteurs augmenter les prix en leur conférant des privilèges monopolistiques. Cela revient au même, sauf que le gouvernement n’a pas à subir la colère des consommateurs, qui ignorent la situation.
Le Canada s’isole sur la scène internationale
Ces mécanismes canadiens de mise en marché agricole sont perçus par la communauté internationale comme des interventions gouvernementales protectionnistes qui vont à l’encontre d’une plus grande ouverture au commerce international. Cette politique d’isolationnisme économique et de « souveraineté alimentaire » risque de nuire à la réputation du Canada et d’entraîner des mesures de représailles sur d’autres marchés non agricoles. Vu qu’il est le quatrième plus grand exportateur et le cinquième plus grand importateur de produits agricoles au monde, le Canada peut potentiellement jouer un rôle de chef de file pour résoudre l’impasse des négociations à l’OMC autour du cycle de Doha. En abolissant son système de gestion de l’offre, le Canada acquerrait la légitimité d’exiger des États-Unis et de l’Europe qu’ils éliminent leurs propres aides gouvernementales. Un succès dans les négociations à l’OMC, en plus d’offrir de meilleurs prix aux consommateurs canadiens, améliorerait l’accès des produits agricoles des pays en voie de développement aux marchés des pays industrialisés et leur permettrait de sortir de la misère.
Malgré une tendance généralisée en faveur de la libéralisation des marchés et de la concurrence, la plupart des politiciens et des intervenants du milieu agricole québécois continuent de défendre le système désuet de gestion de l’offre. Plus on tardera à s’adapter à la concurrence, plus la transition sera difficile. Plutôt que de protéger une industrie inefficace, le Canada pourrait se préparer à répondre à une demande de plus en plus diversifiée. Seule la mise en place de canaux de distribution internationaux permettra à l’industrie agricole canadienne d’accéder à l’information stratégique indispensable et d’offrir des produits innovateurs pour rivaliser avec le Brésil, l’Australie, la Chine et l’Inde qui ont pris une avance sur le chemin menant à une économie agricole mondialisée, compétitive et ouverte, en plus des États-Unis et de l’Europe, qui occupent et occuperont des positions dominantes.
La Note économique La gestion de l’offre de produits agricoles : un système coûteux pour les consommateurs a été préparée par le vice-président et économiste en chef de l’IEDM, Marcel Boyer, titulaire de la Chaire Bell Canada en économie industrielle de l’Université de Montréal et Sylvain Charlebois, professeur agrégé en marketing à l’Université de Régina.
– 30 –
Renseignements et demandes d’entrevues : André Valiquette, Directeur des communications, Institut économique de Montréal, Tél. : 514 273-0969 p. 2225 / Cell. : 514 574-0969 / Courriel : avaliquette@iedm.org