Pompier ou pyromane?
Le discours sur la situation de l’emploi et de l’économie que doit prononcer ce soir le président Obama devant le Congrès est attendu avec impatience. Pourtant, le contenu en est assez prévisible.
Comme d’habitude, Obama se fiera à son télésouffleur pour déclarer, encore une fois, qu’il ne peut pas accepter de voir les Américains souffrir, qu’il privilégie une « approche équilibrée » pour résoudre le problème causé par Bush, qu’il faut « investir dans le futur » et qu’il faut « faire passer le pays avant le parti ». Ensuite, il annoncera un plan de relance. Très certainement, il prolongera les prestations de chômage, accordera des crédits d’impôt aux entreprises qui embauchent et augmentera les dépenses en infrastructures.
Finalement, pour faire oublier l’impact de ces dépenses sur la dette, il insistera sur les emplois qu’elles créeront.
Or, à la lumière du carnet de route du président Obama, une question s’impose: pourquoi devrions- nous croire que son administration sait créer des emplois?
Train de mesures
Les initiatives pour stimuler l’économie se sont succédé. Il y a eu le American Recovery and Reinvestment Act de 2009 d’un montant initial de 787 milliards de dollars, mais dont l’effet cumulatif atteindra 821 milliards; le budget de 2010 dans lequel la dette augmente de 2 700 milliards; le Omnibus Appropriations Act contenant 410 milliards de nouvelles dépenses; le budget de 2011 qui doublera carrément la dette en cinq ans; et la réforme de la santé qui occasionnera 1 400 milliards de nouvelles dépenses au cours des dix prochaines années. Il y a eu aussi les sommes colossales destinées à aider les banques, l’industrie de l’auto, les propriétaires de maisons, etc.
Au total, les mesures adoptées par la nouvelle administration ont fait grimper la dette de 4 100 milliards de dollars en 31 mois, l’équivalent de 131 milliards de dollars par mois. À titre comparatif, sous Bush, à qui l’on reproche avec raison d’avoir été très dépensier, la dette a augmenté à un rythme moyen de 51 milliards par mois.
Ainsi, Obama a dépensé plus que n’importe quel de ses prédécesseurs. Malgré tout, le chômage stagne autour de 9 %, le nombre de personnes qui dépendent de l’aide alimentaire a augmenté de 43 % en trois ans, la dette dépasse 100 % du PIB, l’Amérique a vu sa cote de crédit baisser pour la première fois de son histoire et il est maintenant question d’abandonner le dollar américain comme monnaie de réserve.
Situation envenimée
Obama a envenimé une situation précaire et a causé un formidable fiasco économique en adoptant une série de mesures économiquement malsaines. Dans quelques heures, il présentera au Congrès ses idées pour créer des emplois et il tentera de convaincre l’Amérique de leur pertinence et de leur efficacité. Or, pourquoi, s’il conserve la même approche, réussirait-il maintenant là où il a jusqu’ici lamentablement échoué? Tout comme on ne compte pas sur le pyromane pour éteindre un incendie, peut-on espérer qu’Obama posera ce soir les gestes appropriés pour réellement relancer l’économie? Permettez-moi d’en douter!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.