Élitisme culturel
Pour encourager une industrie, on peut subventionner soit la production, soit la consommation. L’industrie culturelle, car il s’agit bien d’une industrie, ne fait pas exception.
Dans mon texte du 5 mai dernier, j’ai affirmé ma préférence pour la seconde option. On pourrait, par exemple, abolir les taxes ou encore offrir un crédit d’impôt aux contribuables qui consomment des produits culturels.
Je privilégie cette approche parce qu’elle accorde aux Québécois la liberté de choisir quelles activités méritent l’argent qu’ils ont si durement gagné et qu’elle préserve la souveraineté du consommateur qui peut ainsi ex-primer ses préférences.
En revanche, quand l’État subventionne la production de matériel artistique ou culturel, les contribuables n’ont pas voix au chapitre. On collectivise la culture et on instaure un système où les goûts des fonctionnaires et d’une « nomenklatura » culturelle passent avant ceux des citoyens ordinaires. Les artistes sont libres de créer ce qu’ils veulent. Pourquoi les Québécois ne seraient-ils pas également libres de consommer ce qui leur plaît?
Un objectif, deux visions. N’y voyons pas une confrontation entre la pensée de « gauche » et celle de « droite ». Ces termes ont été tellement galvaudés qu’ils ont perdu toute signification.
Il s’agit plutôt de l’opposition entre la liberté et l’étatisme. Dans le premier cas, on croit en l’être humain et on respecte ses choix et son libre arbitre. Dans le second, on impose une vision élitiste de la culture, et des apparatchiks se donnent le pouvoir de décider à notre place. L’étatisme, c’est subordonner l’individu aux fonctionnaires, c’est la négation de la liberté!
Certains partisans des subventions affirment qu’ils souhaitent ainsi défendre la culture. S’ils disent vrai, pourquoi l’idée d’abolir des taxes ou d’offrir des crédits d’impôt les répugne-t-elle autant? Au fond, ce n’est pas tant la culture qu’ils défendent, mais les subventions. Ils se battent pour l’argent et leurs précieux privilèges.
Et pour nous faire oublier cette réalité, plusieurs tentent de nous effrayer en clamant que sans aide gouvernementale, point de culture. Ah bon ? Seraient-ils en train de dire que la culture québécoise était inexistante avant la création du ministère de la Culture en 1961?
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.