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Textes d'opinion

C’est la faute à Ben !

Récession, chômage, endettement, pauvreté. Comme si chaque pays n’avait pas suffisamment de défis à relever et de tensions sociales à gérer, il fallait qu’un nouveau problème vienne s’ajouter. Il s’agit de la hausse des prix des aliments, un phénomène dont on entendra de plus en plus parler au cours des prochains mois.

Selon la Banque mondiale, le prix des aliments a fait un bond de 29 % de janvier 2010 à janvier 2011. Au cours du dernier trimestre seulement, des augmentations substantielles ont été observées pour le sucre (20 %), les matières grasses et les huiles (22 %), le blé (20 %) et le maïs (12 %). En conséquence, la Banque mondiale estime que, depuis juin 2010, l’inflation alimentaire a plongé dans l’extrême pauvreté environ 44 millions de personnes dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Même son de cloche du côté de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui a récemment déclaré que les prix des aliments ont atteint un nouveau sommet en 21 ans.

Partout à travers le monde, l’inflation alimentaire attise la colère des populations. Des manifestations ont eu lieu en Jordanie et en Inde. Et si l’Égypte, la Tunisie et la Libye étaient déjà des terreaux fertiles à l’insurrection, l’envolée des prix a très certainement contribué à mettre le feu aux poudres. Quant à nous, Québécois, nous ne serons pas épargnés. On nous an-nonce d’ailleurs que les épiceries se préparent à hausser leurs prix au cours des prochains mois.

Pour expliquer le phénomène, on invoque une multitude de raisons : conditions météorologiques défavorables, hausse de la demande en provenance des pays émergents, concurrence des biocarburants, etc. Certes, chacune de ces variables exerce un effet sur les prix qu’on ne doit pas sous-estimer. Toutefois, il ne faut pas pour autant occulter le principal responsable de la flambée des prix, à savoir Ben Bernanke et la Réserve fédérale américaine.

La fed a imprimé 2300 G$

Pour relancer l’économie de l’Oncle Sam et financer le déficit de Washington, on se souviendra que la Fed avait entre-pris deux rondes d’« assouplissement quantitatif », la première en décembre 2008 et la seconde en novembre 2010, pour un montant total de 2 300 milliards de dollars. En pratique, la Fed a tout simplement imprimé cet argent, inondant par le fait même la planète de ses fameux billets verts. C’est là que l’augmentation des prix trouve son origine.

En raison de sa suprématie, le dollar américain n’est pas une monnaie comme les autres. Les prix mondiaux des denrées et des matières premières, tout comme la plupart des transactions internationales, sont libellés en dollars US. Quant aux principaux organismes internationaux (FMI, Banque mondiale, etc.), ils ont l’obligation d’utiliser le dollar US dans le cadre de leurs programmes d’intervention. La Fed ne pouvait donc espérer procéder à ses « assouplissements quantitatifs » sans occasionner d’effets pervers.

Un phénomène monétaire

Milton Friedman, prix Nobel d’économie en 1976, disait : « L’inflation est partout et toujours un phénomène monétaire ». L’inflation alimentaire qui nous inquiète ne fait pas exception. Si notre facture d’épicerie gonfle, si certaines populations entières ne parviennent plus à acheter leur nourriture et basculent dans la pauvreté, c’est en raison de la politique monétaire irresponsable de la Fed. Elle a activé sa planche à billets pour répondre aux besoins financiers de Washington. Elle a affaibli la valeur du dollar, occasionnant par ricochet des augmentations du prix mondial des denrées, lesquelles nuisent particulièrement aux pays pauvres tributaires des importations. En somme, la Fed adopte des mesures insensées et le reste de la planète en paie le prix. Révoltant, non?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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