Un Colisée? Que le peuple décide!
En apprenant qu’on va financer à 100% le nouveau Colisée de Québec avec mes impôts, j’ai ressenti comme une claque au visage. Si on avait besoin d’une autre preuve que les politiciens travaillent pour eux-mêmes – et non pour nous –, la voilà.
Le projet sera déficitaire. On parle d’allonger 400 millions d’un coup (que nous n’avons pas), et ensuite éponger un déficit de 3,5 millions chaque année. Sans même demander au secteur privé de contribuer un peu. En pleine crise économique, alors que nos hôpitaux craquent et que notre dette augmente de 24 millions par jour.
Pensez-vous que la majorité des Québécois veulent payer pour ce projet? Bien sûr que non. Mais les politiciens vont le faire quand même. Régis «j’ai plein de projets avec l’argent des autres» Labeaume veut se faire réélire à Québec. Jean Charest veut faire oublier la Commission Bastarache, et les députés conservateurs se pavanent en chandail des Nordiques pour s’attirer la sympathie des électeurs de Québec.
Est-ce que quelqu’un se demande comment on va le payer, ce Colisée? On va le mettre sur la carte de crédit. On a emprunté l’an dernier plus de 200 millions pour payer les garderies à 7 $. On va emprunter 175 millions cette année pour payer notre programme déficitaire d’assurance parentale – et ce, malgré les hausses de cotisations sur nos chèques de paye. Mais il reste sûrement de la place sur notre carte. Au pire, nos enfants payeront.
La surenchère des quêteux
Pire encore: cette décision entraîne une surenchère de quêteux. «Les Montréalais ont eu leur salle de l’OSM, alors on veut notre Colisée!» «On donne de l’argent pour la culture, pourquoi pas le hockey?» Les maires des autres villes du Québec jappent déjà. «Si on paye pour un Colisée, moi je veux une piscine olympique!» La surenchère des quêteux ne fait que commencer.
Pendant ce temps, la mère de deux enfants qui, entre les lunchs à préparer et les devoirs du p’tit, n’a pas le temps de faire du lobbying, voit sa TVQ augmenter chaque année. Faut bien que quelqu’un paye les largesses accordées aux tapageurs.
C’est ça, la démocratie. Et vous savez quoi? Il faudrait l’améliorer.
Comment? Tenons un référendum, occasionnel, sur les grosses dépenses. Oui, nous en sommes rendus là. La détérioration de nos finances publiques et l’irresponsabilité maintes fois démontrée par nos politiciens l’exigent.
Est-ce que les Québécois veulent s’endetter pour un Colisée? Garder le Stade olympique? Donner des milliards en subventions aux multinationales? Vivement un référendum pour le savoir!
Vous trouvez l’idée folle? Ça se fait en Suisse depuis plus d’un siècle. Et dans plusieurs États américains. À Porto Allegre, au Brésil, les citoyens se réunissent et décident des priorités budgétaires pour l’année. On appelle ça la démocratie directe. En soumettant, s’ils le désirent, toute loi à un vote général, les sept millions de Suisses tiennent leur État en laisse. Et veillent à ce qu’il se concentre sur ses missions premières. Les référendums ne sont pas si fréquents. Les élus, conscients de la «menace référendaire», se contrôlent. Les quêteux aussi.
On peut continuer à laisser les politiciens et les lobbys tout décider, continuer cette surenchère où chacun veut son bonbon et l’obtient. Mais dans ce cas, ne montez pas aux barricades quand le gouvernement voudra extraire du gaz de schiste, ou du pétrole au fond du Saint-Laurent, pour payer la facture.
David Descôteaux est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal.