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Textes d'opinion

L’éléphant blanc

Le toit du Stade olympique, c’est comme la mauvaise herbe. Dès qu’on croit avoir réglé le problème, il refait surface. Les Québécois ont souffert pendant 30 ans pour rembourser la dette olympique de 2,4 milliards de dollars. Or, voilà que la Régie des installations olympiques (RIO) annonce qu’un investissement supplémentaire de 300 millions de dollars est nécessaire pour coiffer le stade d’un nouveau toit. Selon l’organisme, ce projet serait indispensable pour que le stade soit fonctionnel douze mois par année – et non huit comme c’est le cas actuellement – et qu’il devienne enfin rentable.

Or, il suffit de consulter le dernier rapport annuel de la RIO pour comprendre que cette prétention est carrément burlesque.

En 2009, l’exploitation du stade a généré des revenus de 10,2 millions de dollars, et des charges de 19,8 millions de dollars. Le déficit d’exploitation est évidemment comblé par le contribuable à travers les subventions versées par le gouvernement du Québec.

Ainsi, pour que le fait de tenir des événements entre le 1er décembre et le 31 mars permette de rétablir l’équilibre financier, il faudrait que ces quatre mois génèrent des revenus nets de 9,5 millions de dollars, soit une somme pratiquement équivalente à celle recueillie pendant les huit autres mois! Pensée magique ou prévisions réalistes? Chose certaine, l’équipe de gouvernance reste muette sur la manière dont elle compte accomplir cet exploit olympien.

Ce simple calcul devrait être suffisant pour douter de la pertinence du projet. Malgré tout, jouons le jeu et supposons que le nouveau toit permette effectivement à la RIO de récolter 9,5 millions de dollars en revenus annuels supplémentaires. Il faut à présent également tenir compte du coût initial du projet, lequel est estimé à 300 millions de dollars selon l’hypothèse hautement improbable où il n’y aurait aucun dépassement de coûts. Dans ce contexte doublement fantaisiste, il faudrait malgré tout près de 32 ans avant que les revenus additionnels remboursent le coût du nouveau toit. Oui, 32 ans! Pendant ces trois décennies, le stade continuerait d’être déficitaire. Et comme la firme qui sera retenue pour la réalisation de l’ouvrage n’assurera l’entretien majeur que pendant une période limitée de 25 ans, la RIO ne pourra «rentrer dans son argent» qu’à condition de n’engager aucune dépense supplémentaire après la 25e année!

Vu la nature des conditions à respecter pour rentabiliser le nouveau toit, comment ne pas conclure que ce projet est un monumental éléphant blanc? Et comment ne pas s’offusquer que la RIO ait si peu de considération pour l’argent des contribuables et l’intelligence des Québécois?

Puisque la RIO n’a rien de plus pertinent à nous proposer qu’un autre gouffre financier, peut-être est-il temps de prendre le problème sous un autre angle. Jusqu’à présent, on est toujours parti du principe que le stade doit rester la propriété de l’État québécois. Mais est-ce vraiment indispensable? Pourquoi ne pas le vendre à des intérêts privés qui assumeraient l’investissement nécessaire pour le rentabiliser?

La question mérite d’être posée, car l’enjeu est important. Non seulement la vente du stade procurerait un revenu à l’État, mais elle lui éviterait à la fois de dépenser 300 millions pour un nouveau toit, et de combler chaque année les déficits. De plus, les propriétaires du stade paieraient des taxes foncières et, le cas échéant, un impôt sur les profits. Au bout du compte, les Québécois auraient un stade, et l’État disposerait de montants supplémentaires qu’il pourrait allouer à d’autres priorités. Qu’avons-nous à perdre?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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