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Textes d'opinion

Les enfants

«216 208 310 714 $!» Maude est assise à côté de moi. Elle élève deux jeunes enfants, et veut connaître la dette totale du Québec. «Elle grimpe chaque jour de 24 M$, lui dis-je. 286 $ par seconde!»

Nous sommes immobiles depuis cinq minutes. Alors que je termine ma réponse, le courant lâche. L’obscurité envahit le wagon. (Quand le métro tombe en panne, j’en profite pour me faire de nouveaux amis, comme Maude. J’en ai beaucoup depuis Noël.)

– Ça n’a pas d’allure! Et nos enfants vont crouler sous cette dette?

– Oui. Ils devront payer plus d’impôts et de taxes. Et recevront moins de services, comme les garderies à 7 $ ou les bourses d’études.

– C’est insensé! Nos élus doivent engager une conversation d’adultes sur nos finances publiques.

– Oui, mais nos politiciens n’engageront jamais cette discussion.

Tu vois, comme le soulignait l’économiste Don Boudreaux dans un texte d’opinion récemment, les conversations d’adultes à propos d’argent sont matures et responsables, parce que les adultes gagnent et dépensent leur propre argent. J’ai aussi deux jeunes enfants. Leurs conversations financières sont enfantines et irresponsables. «Je veux ce jouet!», «Allons au McDonald!», «Amène-moi à Disneyland!» Mes enfants exigent ces choses constamment. Normal c’est ma blonde et moi qui payons. Les enfants n’ont rien à perdre à ce jeu. Si leurs demandes sont acceptées, d’autres qu’eux vont payer la facture.

Les conversations de finances publiques entre politiciens et groupes d’intérêts (syndicats, entreprises, coalitions X ou Y qui veulent chacun leur bonbon) sont enfantines pour la même raison: l’argent qu’ils dépensent n’est pas le leur. C’est le nôtre.

– Et quand ils en manquent, ils vont voir papa et maman pour les taxer ou les tarifer davantage, c’est ça?

– Exact. Et quand l’économie va bien (pour toutes sortes de raisons), les politiciens essaient d’en prendre le crédit. Ils me font penser à ces gamins devant une «machine à boules» dans laquelle ils n’ont mis aucun sou. Ils appuient frénétiquement sur tous les boutons et croient être responsables de ce qui se passe à l’écran.

Des enfants, je te dis.

À ce moment, Maude préfère écouter son iPod. Le courant reprend, mais il fait toujours noir dans le wagon. La dette est maintenant à 216 208 410 312 $. Cinq petites minutes, et endettés de 100 000 $ de plus. On avance enfin. On fonce. Sans voir le mur.

David Descôteaux est économiste à l’Institut économique de Montréal.

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