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Textes d'opinion

Le cigarettegate

Quand vous achetez un paquet de cigarettes 9 $ au dépanneur, vous payez environ 5 $ en taxes. Pourquoi? Des taxes élevées découragent les jeunes de fumer, nous répète-t-on. C’est faux. Mais ne comptez pas sur Santé Canada pour vous le dire.

Flashback: février 1994. La contrebande de tabac fait rage au Québec. Pour la combattre, les gouvernements diminuent les taxes sur les cigarettes d’environ 3 $ le paquet (qui passe de 5,85 $ à 2,85 $). Pour mesurer l’effet de ces baisses de taxes, Statistique Canada lance la plus importante étude jamais réalisée au pays: l’Enquête sur le tabagisme 1994-1995. Les enquêteurs parcourent le pays et comparent l’évolution de la consommation de tabac dans cinq provinces qui ont réduit les taxes, et dans cinq autres qui ne l’ont pas fait. Conclusion: ces baisses de taxes n’ont aucun impact mesurable sur la consommation. Ni sur l’incitation à fumer. Même auprès des jeunes.

Le hic: Santé Canada, qui a commandé l’étude, n’a jamais admis ni dévoilé publiquement ces résultats. Arrive le professeur Jean-François Ouellet, des HEC Montréal, qui déterre cette information explosive et la publie… il y a deux semaines. Quinze ans plus tard! Le rapport a été commandé par l’Association canadienne des dépanneurs. Ces derniers militent évidemment pour une baisse des taxes sur les cigarettes. Mais les chiffres ne mentent pas. Et ils proviennent de Statistique Canada.

On nous assomme depuis 15 ans avec l’argument voulant que des taxes élevées réduisent le tabagisme, alors que la preuve du contraire dormait toutes ces années dans une base de données de Statistique Canada. Pourquoi ces chiffres n’ont-ils jamais été dévoilés? Les politiciens et les fonctionnaires de Santé Canada doivent avoir une bonne raison. Mon point de vue cynique: les politiciens gagnent des points avec le discours taxes = moins de fumeurs. Ils donnent l’impression de protéger la population, tout en siphonnant énormément d’argent dans les poches des fumeurs.

Mais taxer n’est pas une solution magique pour modifier nos comportements. Et les taxes entraînent souvent des conséquences inattendues. Depuis 2001-2002, les gouvernements ont plus que doublé les taxes sur le tabac.

Résultat: pendant que la réduction du tabagisme stagne chez les jeunes, le prix élevé des cigarettes encourage la contrebande. Celle-ci accapare aujourd’hui 40% du marché. L’État se prive de millions de dollars et perd le contrôle de la distribution d’un produit néfaste pour la santé.

Comme quoi, trop souvent, l’enfer économique est pavé de bonnes intentions politiques.

David Descôteaux est économiste à l’Institut économique de Montréal.

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