fbpx

Événement

Le logement social: Une solution durable à la crise du logement?

Les travaux parlementaires
36e législature, 2e session
(début le 22 mars 2001)

Débats de la Commission de l’aménagement du territoire Le mercredi 16 octobre 2002, 10h00
(non révisé)

Présentation de Pierre Desrochers Directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal

Le Président (M. Vallières): Alors, nous débutons avec l’Institut économique de Montréal. Alors, prière de vous identifier et puis de procéder dans les 15 prochaines minutes, par…

M. Desrochers (Pierre): Oui. Alors, merci, M. le Président. Bonjour à tous. Mon nom est Pierre Desrochers, je suis le directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, on est un institut de recherche et d’éducation économique; on est indépendants, non partisans et à but non lucratif. On est surtout connus, en fait, pour notre Bulletin des écoles secondaires, que L’actualité publie chaque année – et dans deux semaines, en fait, alors je fais un peu de publicité à l’avance à L’actualité.

Alors, merci de m’avoir invité à commenter le document que vous avez mis à l’étude en commission parlementaire. Je vous ai déposé un mémoire, ce matin, qui est en fait un complément à l’étude que j’ai publiée il y a quelques mois, qui a servi de base, entre autres, à la préparation de ce document-là. On m’a demandé de faire un ajout et de traiter d’autres questions, et c’est ce que j’ai fait. Donc, le mémoire n’est pas un résumé de mon document, mais plutôt un ajout, un complément. Et j’amène d’autres éléments d’information.

Alors, pour aller rapidement, disons que l’Institut économique de Montréal ne partage pas le diagnostique et les solutions qui sont proposés dans le document de MM. Gill et Dagenais. Contrairement au diagnostique des auteurs, nous ne croyons pas que la situation actuelle résulte de facteurs conjoncturels, donc du vieillissement de la population, des trucs qui seraient apparus il y a quelques années, mais que c’est au contraire le résultat inévitable des mesures qui ont été mises en place dans le secteur du logement locatif depuis quelques décennies.

Mon mémoire a quatre parties. Dans la première, je traite de ce que je considère être certains mythes sur les causes de la crise, enfin des explications qui ont été mises de l’avant depuis quelques mois, qui ne m’apparaissent pas fondées. Je traite ensuite un peu plus en détail des HLM, vu qu’au Québec on est une des rares juridictions où on souhaite encore investir dans les HLM pour résoudre les crises du logement, alors que la plupart des autres juridictions en Europe et en Amériques délaissent la formule. Dans la troisième, je traite plus en détails des propositions qui sont faites par les auteurs du document de consultation. Et finalement, dans la quatrième, on propose nos propres solutions.

Alors, il y a deux mythes, selon nous, qui ont été propagés sur la crise du logement, mais qui n’expliquent pas la crise comme telle. La première, c’est que plusieurs auteurs ont soutenu que la crise a été provoquée par l’appauvrissement des ménages. On cite souvent, d’ailleurs, une étude de la SHQ, qui a été publiée il y a quelques années, qui dit que les locataires se sont appauvris de 27% au cours des dernières années et les propriétaires aussi. Or, ce qu’on dit, c’est faux. Au contraire, au Québec, depuis quelques années, l’économie va très bien, et lorsqu’on sort des chiffres comme ça, en fait, ce qu’on fait, c’est qu’on propage une illusion statistique.

Pour résumer le contenu du document, en fait, les locataires ne se sont pas appauvris, depuis quelques années. Ce qui est arrivé, c’est que les meilleurs locataires sont devenus propriétaires, mais ces locataires-là, dans l’ensemble, avaient des revenus un peu plus faibles que les propriétaires déjà établis. Donc, on a moins de locataires; ces locataires-là deviennent propriétaires, ils sont un peu moins riches que les propriétaires qui sont déjà là. Donc, même si tout le monde s’enrichit, au Québec, on a une illusion statistique selon laquelle les ménages locataires se sont appauvris. Or, c’est faux.

Un autre élément qu’on apporte dans le document, c’est qu’on souligne que les ménages qui sont pauvres, en fait, sont moins nombreux que ce qu’on croit généralement. On sort plusieurs chiffres percutants dans le document, sur par exemple le nombre de ménages qui font moins de 10 000 $ par année, et ce genre de choses-là. Bon, ce sont des chiffres qui peuvent sembler percutants, mais si on enlève les étudiants de ces chiffres-là, dans le fond, on se rend compte que la proportion de personnes qui restent sous le seuil des faibles revenus au Québec, selon Statistique Canada, est d’environ 4%. Donc, si vous regardez pendant cinq ans les gens qui sont à faibles revenus, dans l’ensemble de la population, les gens pour qui ça n’est pas une phase temporaire, mais une phase permanente, c’est environ 4%, et même un peu moins. Et 4%, en fait, je prends le barème le plus conservateur, c’est-à-dire le plus élevé.

Donc, il est faux de prétendre que la crise a été provoquée par un appauvrissement des ménages. Au contraire, depuis des années au Québec, si on regarde la diminution du nombre de personnes sur l’aide sociale, l’augmentation du revenu réel, tout ça, les gens se sont enrichis. Donc, la crise ne peut pas être blâmée sur l’appauvrissement des ménages parce que les gens sont plus riches, ils ont plus d’argent que par le passé.

Une autre raison qui a été invoquée souvent pour expliquer la crise, c’est les coupures gouvernementales dans les programmes de logements sociaux. On cite souvent, par exemple, les coupures fédérales, en 1994, dans les habitations à loyer modique. Or, ce qu’on dit, c’est que si on regarde les chiffres, si on ne se contente pas de regarder ce programme-là, mais l’ensemble des dépenses des gouvernements fédéral et provincial au Québec, si on inclut les allocations-logement et tous les autres programmes, en fait, on dépense beaucoup plus maintenant que dans le passé. Si vous regardez les chiffres réels, entre 1996 puis 2001, le montant investi dans le logement social a augmenté de 15% au Québec. Donc, encore une fois, certains programmes particuliers ont été coupés, mais, si vous regardez l’ensemble des programmes, l’ensemble des mesures pour le logement social, on n’a pas moins dépensé depuis cinq ans, au contraire, on dépense plus que jamais. Donc, encore une fois, on ne peut pas blâmer la crise sur les coupures dans le logement social. Donc, ça, c’est la première partie; enfin, les deux mythes qu’on voulait rétablir.

La deuxième section du mémoire, comme je le disais, donc, traite des habitations à loyer modique. Je fais une section un peu plus détaillée là-dessus qui explique que la plupart des juridictions dans le monde délaissent la formule, parce qu’on s’est rendu compte que le gouvernement, comme on le soulignait il y a quelques minutes avec M. Vaillancourt, est un gestionnaire et un constructeur beaucoup moins efficace que le secteur privé, et, dans chaque cas, dans les pays où on a investi beaucoup en termes de HLM, non seulement on n’a jamais réglé les crises du logement, mais en fait on les a aggravées. J’ai une citation de M. Christian Rioux, du Devoir, que j’ai mise dans le texte ici qui résume bien, dans le fond, l’ensemble des choses. M. Rioux est le correspondant du Devoir à Paris. Et ce qu’il écrivait en juin dernier, donc, en suivant le débat de ce qui se passait au Québec à partir de Paris, il disait que ça fait un demi-siècle que la France construit ces logements sociaux qu’on réclame à cor et à cri parmi la gauche québécoise, «tout cela pour découvrir que le problème des sans-abri est plus grave en France qu’au Québec. Les HLM français ont depuis longtemps détruit le marché du logement à bas prix. Aujourd’hui, un chômeur français ne peut pratiquement pas se louer un appartement dans le secteur privé. Même les étudiants ont toutes les misères du monde à le faire sans le soutien de leurs parents, sans compter les immenses ghettos que l’État a créés aux portes des villes et qu’il faudra bien détruire un jour.» Donc, ça, ça vient du Devoir, c’est le correspondant parisien du Devoir qui regarde ce qui se fait en Europe depuis des années et qui se rend compte que les solutions qu’on propose au Québec, dans le fond, non seulement n’ont pas réglé le problème en France, mais l’ont aggravé, et on a observé la même chose aux États-Unis puis dans tous les pays où on a voulu investir dans les HLM. Je précise: pas dans le logement social, mais donc les HLM, c’est-à-dire où l’État est constructeur et gérant. Donc, on déconseille fortement d’investir dans le logement de type HLM, mais plutôt que le gouvernement devrait investir davantage dans les allocations-logement pour que les gens les plus démunis puissent se loger d’eux-mêmes dans le secteur privé, donc qu’on puisse profiter de l’efficacité du secteur privé, mais qu’on donne un coup de pouce aux gens les plus démunis pour qu’ils puissent accéder à des logements auxquels ils n’auraient pas accès autrement.

Le mémoire aborde ensuite plus en détail les propositions qui ont été mises de l’avant dans le document. En fait, il y en a quatre, selon les auteurs, mais il y en a en fait cinq si on inclut une proposition qui a été incluse dans une autre section.

Ce qu’on dit d’abord, c’est qu’il faut replacer les choses en contexte. C’est sûr qu’à Montréal on vit une crise du logement. On soutient que le coût des logements est devenu exorbitant. Mais, dans le fond, comme l’ont souligné sans doute plusieurs autres intervenants avant moi, Montréal est de loin le marché important en Amérique du Nord, en Europe et en fait dans le monde développé où le prix du logement est le plus abordable. Donc, oui, 675 $ par mois pour un quatre et demi, ça peut sembler excessif pour certaines personnes lorsqu’on est habitué aux prix montréalais, mais, si on se compare à des villes comme Halifax ou Winnipeg, où il n’y a pas plus de richesse qu’ici – en fait, il y en a même moins – on est encore une ville où les logements sont extrêmement abordables comparés à des villes où les gens ne sont pas plus riches ou, enfin, dans des villes où il y a autant de pauvres qu’ici. Donc, ça, c’est la première chose, la première mise en situation.

Les propositions des auteurs. Je vous laisserai regarder le détail de nos commentaires, mais, en gros, on est d’accord avec l’idée d’augmenter les allocations-logement et de ne pas cibler des logements particuliers, c’est-à-dire donc de donner un coup de pouce aux gens les plus démunis. Par contre, ce qu’on conseille, c’est que, dans la mesure où la pauvreté de la plupart des Québécois n’est que temporaire, soit parce qu’ils sont étudiants, soit parce qu’ils entrent sur le marché du travail, soit parce qu’ils ont perdu leur emploi, mais qu’ils vont se recaser, on dit: Dans le fond, ce que le gouvernement doit donner aux gens, c’est un coup de pouce, donc pas des mesures permanentes, mais une façon d’aider les gens à retomber sur leurs pieds. La deuxième proposition des auteurs, c’est de revoir les critères de sélection puis de viser des clientèles désinstitutionnalisées, des immigrants, etc., en termes de logement social. Or, selon nous, c’est une erreur, on demande en fait trop de choses à la politique du logement. Les clientèles qui ont été désinstitutionnalisées ont besoin de soins de santé, ont besoin de traitements et de suivi, et on devrait aborder leur problématique dans une politique de santé publique plutôt que de demander aux gens qui s’occupent de logement d’en faire trop ou, enfin, de déborder de leur mandat. La troisième proposition des auteurs, c’est de transférer une partie du parc de HLM au GRT ou à des organismes à but non lucratif, notamment pour les aider à devenir autosuffisants. Vous verrez le détail mais, en fait, ça ne nous semble pas réaliste dans la mesure où la seule façon pour ces organismes-là de devenir autosuffisants, c’est, dans le fond, de devenir des organismes à but lucratif. Or, les GRT puis les organismes à but non lucratif n’ont pas de recette miracle pour gérer à moindre coût que le secteur privé. Or, déjà, dans la mesure où les profits dans le logement locatif, comme vous le savez, ne sont pas énormes, ça ne nous semble pas être une proposition réaliste. Ce qu’on recommande donc, encore une fois, comme on va le mentionner tantôt, c’est d’arrêter de faire des programmes avec des critères serrés, mais plutôt de donner un coup de pouce aux gens, un coup de pouce financier direct pour que les gens puissent se loger d’eux-même dans le secteur privé.

La quatrième proposition, c’est de créer un fonds d’épargne pour les petits épargnants pour qu’ils investissent dans les logements sociaux et abordables. Pour résumer notre point de vue, dans le fond, c’est comme inciter les gens à investir dans Nortel depuis quelques semaines. On ne peut pas demander aux gens d’investir leur fonds de retraite ou l’argent de leur retraite dans un secteur qui est à but non lucratif. Évidemment, les auteurs proposent tout un ensemble de mesures, de déductions fiscales, du subventions pour rendre le logement abordable plus attrayant, mais il ne nous semble pas que ce soit une incitation correcte de demander aux gens, en fait, de mettre leur épargne dans un secteur qui est à but non lucratif.

La dernière proposition, c’est l’accession à la propriété, dont M. Vaillancourt, le maire de Laval, vient de parler il y a quelques minutes. Ça nous semble, encore là, être une question qui est un peu plus problématique que ce qu’on souligne généralement, notamment au niveau des critères de sélection. Par exemple, dans le document, on dit qu’on devrait donner un coup de pouce aux gens qui font entre 20 et 30 000 $ par année et donc qui n’ont pas les moyens d’accéder à la propriété. Mais qu’est-ce qu’on fait pour les gens qui font 31 000 $ par année? Où est-ce qu’on met le critère? Où est-ce qu’on met la délimitation? Et est-ce que, dans le fond, d’inciter des gens qui n’ont pas des revenus élevés à investir dans la propriété est vraiment le meilleur usage qu’ils peuvent faire de leur argent? Est-ce qu’ils ne seraient pas mieux d’investir dans autre chose à court terme et, une fois que leurs revenus se sont améliorés, à ce moment-là, qu’ils accèdent d’eux-mêmes à la propriété? Enfin, vous verrez le détail, mais l’accession à la propriété pour les gens qui ne sont pas solvables ou, enfin, qui n’ont pas les moyens de le faire à un moment dans le temps, mais qui auront peut-être le moyen de le faire dans cinq, six ans ne nous semble pas le meilleur usage possible à faire des fonds publics.

Donc, nos recommandations, pour conclure. Alors, comme je le disais, à l’Institut économique de Montréal, on ne croit pas que les causes de la crise soient conjoncturelles. Au contraire, on croit qu’elles résultent des politiques qui ont été mises en place depuis plusieurs années, notamment la réglementation du prix des loyers, qui décourage l’investissement dans le secteur. Dans le fond, ce qu’on dit aux gens est: N’investissez pas dans le logement, vous ne pourrez jamais récupérer votre investissement. Et c’est ce qu’on observe depuis quelques années, les gens ne mettent plus d’argent dans le logement locatif. Il y a aussi certaines dispositions de la législation québécoise qui, selon plusieurs propriétaires, prennent trop la part des locataires, et ça nous semble fondé dans la mesure où, lorsqu’on a un mauvais locataire, on ne réussit pas à s’en débarrasser. Ce qu’on dit aux gens, dans le fond, est: Investissez dans le logement locatif, vous achetez des problèmes. Donc, selon nous, il fallait revoir ces choses-là. On maintient également le coût des logements artificiellement élevé au Québec en réglementant l’industrie de la construction et puis en ayant certains aspects du Code du bâtiment qui, évidemment, donnent des logements de meilleure qualité au bout du compte, mais qui sont plus chers et qui ne sont peut-être pas nécessairement tellement plus sécuritaires qu’ils peuvent justifier ça. Enfin, ça, dans le fond, je résume les conclusions que j’avais dans mon étude plus détaillée. Je vous inviterais à la consulter si vous voulez plus de détails.

Alors, qu’est-ce qu’on recommande? On ne recommande pas de nouvelles mesures fiscales. Ce qu’on dit, nous, c’est que l’expérience de la fin des années soixante-dix nous enseigne que les mesures fiscales amènent des déséquilibres importants dans le marché dont il faut souvent 10 ou 15 ans pour se remettre. Comme vous le savez, à la fin des années soixante-dix, on a créé Corvée-Habitation, on a créé toutes sortes de programmes – Mon taux, mon toit – et ce que ça a amené, ça a amené un taux d’inoccupation à Montréal qui dépassait les 8%. Donc, on taxait les propriétaires pour financer soit des locataires, soit d’autres propriétaires et, en même temps, on réduisait la rentabilité de leur investissement en créant un taux d’inoccupation qui vraiment dépassait les normes acceptables. Donc, ce que l’on dit, nous, c’est que le gouvernement provincial doit tout d’abord déréglementer le prix des loyers puis les laisser s’ajuster à des niveaux qui encourageront de nouvelles mises en chantier. Tant qu’on ne permettra pas aux gens de demander pour le prix d’un nouveau logement le prix de construction, on ne réglera pas le problème. Deuxièmement, le gouvernement doit favoriser la réduction des coûts de construction des nouvelles unités de logement locatif, et puis ça, on peut envisager que des économies significatives sont possibles en revoyant la réglementation de l’industrie de la construction puis d’autres mesures. Finalement, il faut arrêter de demander à la politique de logement de s’occuper des politiques d’immigration ou des politiques de santé publique et puis de ce genre de choses là. Il faut distinguer les gens qui ont besoin d’une aide temporaire en leur donnant une aide temporaire des gens qui ont besoin d’une aide permanente. Ces gens-là qui ont vraiment besoin d’une aide permanente, qu’on les aide non seulement en leur donnant une allocation plus importante pour le logement, mais aussi en mettant en place des politiques – que ce soit en termes de santé mentale, de toxicomanie ou ce genre de choses là – qui vont être beaucoup plus globales et qui vont les aider à se prendre en main ou, dans la mesure du possible, à redevenir des gens plus indépendants.

En gros, c’est l’essentiel de mon mémoire. Je vois que j’ai dépassé un petit peu le temps permis, alors, il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Desrochers. On passe maintenant aux échanges. Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, je peux vous dire que je suis en désaccord presque total avec l’ensemble de ce que vous nous présentez ce matin. Je trouve ça darwinien comme mesure et comme suggestion dans le sens que le plus fort l’emporte tout le temps. Trop d’États, trop de syndicats, trop de ci, trop de ça, trop de mesures fiscales et vous dites à la Communauté métropolitaine de Montréal et au maire de Laval qui était ici tantôt: Trop de mesures fiscales, etc. Donc, si on a moins de syndicats, si on a moins de ci, moins de ça, comme vous dites, que l’État ne s’occupe pas trop des affaires, laisse aller le marché. Moi, ça m’inquiète.

Vous parlez donc de tout déréglementer mais vous ne mentionnez pas l’impact sur le coût des loyers. Pour que ceci soit efficace, il faudrait que les loyers actuels soient augmentés d’environ 200 $ par mois. Quel serait l’impact d’une ponction mensuelle de 200 $ par mois dans les poches des locateurs sur le reste de l’économie? Admettons que cette mesure que vous proposez affecterait seulement les ménages des zones métropolitaines, c’est au moins 900
000 ménages qui seraient touchés par cette déréglementation. Selon vous, il serait pertinent d’affecter les conditions financières de près de 1 million de ménages pour favoriser la production d’uniquement 20 000 ménages? Aussi, est-ce qu’on a prévu l’impact inflationniste que cette mesure pourrait avoir? Si on augmente les loyers, c’est parce que ça va devenir intéressant pour les propriétaires privés de bâtir, ça va devenir intéressant. Comment ça qu’ils ne l’ont pas fait dans les 30 dernières années, tout le temps? Inévitablement, les ménages vont exiger une augmentation de salaire, une hausse du salaire minimum. Vous ne croyez pas les impacts pourraient être importants? Puis vous comparez avec Toronto. On va comparer avec Toronto. Vous aimez ça Toronto, on va aller voir qu’est-ce qui se passe là. Parce qu’ils ont déréglementé à Toronto, ça a entraîné une plus grande production de logements, et ce, même si les loyers sont deux fois plus élevés qu’à Montréal. Dans le document – vous auriez dû lire davantage le document – dans le document, si on compare par rapport au tarif horaire minimum, il faut 127 heures de travail à Toronto, 113 à Ottawa et 111 à Calgary à un travailleur se situant au bas de l’échelle salariale pour se loger dans un logement convenable d’une chambre à coucher. Il en faut 68 à un travailleur de Montréal ou de Québec. Dans la majorité des villes québécoises, il faut un peu plus d’une semaine de travail, 52 heures au tarif horaire minimum pour payer le loyer d’un appartement d’une chambre à coucher, alors qu’il en faut plus de deux ailleurs au Canada.

Alors, moi, je termine là-dessus. Mais, si on veut comparer puis si on veut une déréglementation tous azimuts, il faut peut-être penser aux conséquences que ça peut amener.

Le Président (M. Vallières): Bon. M. Desrochers.

M. Desrochers (Pierre): Je peux répondre, oui.

Le Président (M. Vallières): En réaction.

M. Desrochers (Pierre): D’accord. Bien, d’abord, oui, vous me parlez des coûts de ce que je propose, mais j’aimerais aussi qu’on mentionne les coûts de ce que vous proposez en termes de lois, de nouvelles mesures fiscales et tout ça. Je veux dire, cet argent ne tombe pas du ciel, il vient des taxes des gens de toute façon. Nous, ce qu’on dit, c’est que, si vous voulez vraiment être efficace pour aider les gens les plus démunis, la meilleure façon de les aider, c’est de leur donner une allocation aux logements plus élevés. Comme ça, on peut aider trois ou quatre fois plus de personnes qu’en investissant dans les HLM, c’est la première chose. La deuxième, si vous avez le temps de lire le document, vous verrez que je mentionne des chiffres que vous mentionnez à propos de Toronto, Calgary, puis tout ça. Et, en fait, c’est ça le problème à Montréal. Ça peut sembler bête à dire mais c’est que le prix des loyers actuellement n’incite pas les gens à investir dans le logement locatif. Et ce qu’on constate depuis quelques années, depuis que l’économie va mieux, on ferme, si vous voulez, la cocotte pression du marché locatif au Québec, depuis des années, mais la pression augmente. La pression augmente à un point tel qu’on a la crise qu’on a à l’heure actuelle. C’est sûr que, si on lève la cocotte pression, il faut laisser sortir la vapeur. C’est vrai que le coût des logements à Montréal va s’ajuster à ce qu’on paye à Winnipeg puis à Halifax. Mais les gens là-bas s’en sortent très bien. Ils s’en sortent mieux qu’à Montréal maintenant en termes de taux d’inoccupation. Comme je le mentionne, la majorité des gens ont les moyens de payer un peu plus. Comme le mentionnait M. Vaillancourt, le problème maintenant, ce n’est plus que ce sont seulement les pauvres qui ne peuvent pas se loger, mais les gens de la classe moyenne qui entrent sur le marché. Pourquoi est-ce qu’il se construit seulement des condos à Montréal? Parce que ce n’est plus rentable d’investir dans le logement locatif. Je veux dire, on peut se vanter à Montréal d’avoir des logements plus abordables qu’ailleurs.

Écoutez, je vais vous dire personnellement, ma femme vient de Tokyo, elle est japonaise donc, elle a grandi là-bas. En arrivant à Montréal, elle croyait qu’elle est arrivée au Ciel. Elle ne comprend pas que les gens se plaignent à Montréal de payer 700 ou 800 $ par mois pour un logement, tandis qu’à Tokyo, pour des gens qui font le même salaire, doivent payer deux, trois, peut-être même quatre fois de plus, dépendant où ils veulent être. Au Québec, dans le passé, on a été gâté, pourquoi? Parce qu’on a utilisé beaucoup d’argent des taxes pour soutenir artificiellement le marché du logement. En faisant ça donc, on a maintenu le coût des loyers plus bas, mais le résultat, c’est qu’on est les gens les plus taxés en Amérique. Donc, on le paye d’une façon ou d’un autre, si vous voulez. Le prix des logements est plus bas, mais on paye plus de taxes parce qu’on subventionne la construction de logements locatifs.

Une dernière petite chose pour Toronto. Vous verrez, si vous regardez les chiffres du dernier recensement, que la population à Toronto a augmenté trois fois plus vite qu’à Montréal, et ce n’est pas pour rien. Oui, il y a des problèmes de logement, oui, à Toronto, on a de la misère à suivre, mais c’est parce que l’économie est tellement plus performante. Et, entre vous puis moi, je crois qu’à Montréal on serait mieux si on avait une économie aussi performante que Toronto et des coûts de loyer plus élevés que d’être une économie beaucoup plus pauvre comme on l’est et d’avoir des loyers plus abordables. Moi, je crois que les gens votent avec leurs pieds au Canada; ils préfèrent aller dans une ville où on leur donne des chances d’emploi plus intéressantes plutôt que des logements plus abordables. Et c’est un choix qu’il faut faire à un moment donné en tant que société.

Le Président (M. Vallières): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui. À Toronto, écoutez, là, j’y suis allée pas mal depuis quelques mois, puis je suis allée dans des quartiers où se bâtissent des maisons actuellement, à 250 000, 500 000, 1 million pour des gens, effectivement, qui ont des salaires aisés. Mais les gens qui n’ont pas beaucoup de salaire, ils sont au centre-ville, ils ont de la misère, ils sont dans des logements de trois et demi à 850, 900 $ puis ils ont bien de la misère. Ça fait qu’il faudrait peut-être parler de ça; il ne faut pas l’oublier. Moi, je persiste à dire ce que j’ai dit. Et vous parlez des taxes et tout ça, mais, au Québec, on a aussi beaucoup plus de services qu’ailleurs, il ne faut pas l’oublier, tout ça. Moi, j’ai terminé.

M. Desrochers (Pierre): Enfin, moi, tout ce que je vous dirai, j’ai vécu à l’étranger, en Europe et aux États-Unis, puis c’est vrai qu’on a des services au Québec, mais il y en a ailleurs aussi. Donc…

Mme Doyer: On est allé aussi à l’étranger, on est allé en Afrique, on voit ce qui se passe en Europe.

Le Président (M. Vallières): O.K. Ça va. Un à la fois. Alors, ça nous amène à Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Desrochers, pour votre mémoire. J’ai lu également votre document, et vous avez peut-être eu écho de mes réactions. Je vis avec un économiste à la maison et je lui dis toujours que l’économie n’est pas une science exacte. Alors, je vous le redis. Pour vous dire qu’il y a différents points de vue qui peuvent s’exprimer même chez les économistes.

Vous dites, dans votre document, que finalement il n’y a pas de relation de cause à effet entre la pauvreté et la crise du logement, que ça, c’est une construction de l’esprit. Puis je ne veux pas argumenter avec vous là-dessus parce que ça peut nous bouffer le temps qui nous reste. Mais supposons qu’il n’y ait pas de lien de cause à effet, est-ce que vous reconnaissez qu’il y a des pauvres au Québec? Est-ce que vous reconnaissez que l’État doit venir en aide aux pauvres au Québec?

M. Desrochers (Pierre): C’est sûr et de la façon la plus efficace possible, et c’est ce que je dis dans mon mémoire. Et la meilleure façon d’aider les ménages les plus démunis, ce n’est pas de faire de nouveaux programmes avec de nouveaux critères et tout ça, c’est d’augmenter les allocations au logement, leur donner plus d’argent pour qu’eux-mêmes se logent sur le marché privé.

Mme Houda-Pepin: D’accord. Très bien. Ça, j’ai bien compris. L’allocation au logement qu’on appelle supplément au loyer pour les personnes démunies, pour les aider à payer 25 % de leurs revenus au loyer, je suis d’accord avec cette mesure-là. Mais le problème que ça pose, c’est que cette mesure ne peut fonctionner que là où il y a des disponibilités de logement, hein?

M. Desrochers (Pierre): C’est ça.

Mme Houda-Pepin: Parce que, pour pouvoir bénéficier du supplément au loyer, il faut avoir un appartement quelque part de disponible dans lequel on peut loger.

M. Desrochers (Pierre): Exactement.

Mme Houda-Pepin: Le problème, c’est que, dans une région comme Montréal où nous avons des taux d’inoccupation qui frisent les 0%, il n’y a pratiquement pas de loyers. Donc, il faut construire de nouvelles unités de logement pour répondre à ces besoins-là.

Au Saguenay, ma collègue de Jonquière, elle, habite dans une région où il y a des loyers disponibles et ce qui fonctionnerait là-bas, c’est précisément le supplément au loyer. Donc, à chaque besoin correspond une solution. On ne peut pas faire du mur à mur; si c’était tellement simple, on serait cave d’être assis ici et de ne pas l’avoir deviné, hein? C’est que la situation est plus complexe que ça.

Vous nous ramenez à Tokyo. J’ai vécu à Tokyo. Même que j’ai eu le privilège de vivre pendant trois mois dans une famille japonaise, ce qui est rare comme vous le savez. et je peux vous dire qu’il n’y a aucune comparaison à faire au niveau du logement entre ce que nous vivons et notre contexte québécois nord-américain, etc., et la réalité à Tokyo. À Tokyo, quand vous entrez, c’est des cages; les gens vivent dans des cages. J’ai été visiter…

M. Desrochers (Pierre): Ma femme les appelle des clapiers, en fait.

Mme Houda-Pepin: Bon, eh bien, alors, moi, je vous dis que j’espère plus que ça et mieux que ça pour les Québécois. Même les gens qui ont des faibles revenus, ils ont le droit de vivre décemment.

Un des arguments sur lequel vous revenez souvent, souvent, souvent, c’est de dire: Le privé n’investit pas dans le logement locatif parce que ce n’est pas rentable. Et c’est un élément important dans votre mémoire. J’ai ici un communiqué de presse, issu d’un document qui est publié par la Société d’habitation et le gouvernement fédéral Les logements privés au Québec. Et je vous lis le texte parce que je ne veux pas interpréter: «En ce qui a trait aux perceptions à l’égard du marché locatif dans son ensemble, les perspectives pour les cinq prochaines années sont jugées favorables dans 59% des cas et 75% des propriétaires considèrent qu’il y a amélioration ou stabilité de la rentabilité de l’immeuble.»

Alors, moi, je considère que… et le texte continue: «Si le secteur locatif connaît des difficultés, la majorité des propriétaires se montrent donc optimistes face à l’évolution de la situation.» Il y a de l’optimisme. Donc, là encore il faudrait prendre ça, ces arguments que vous nous proposez, avec des pincettes. Et, moi, je suis de ceux et celles qui croient que l’État peut intervenir, mais il faut circonscrire son intervention. L’État ne peut pas intervenir dans tout, il n’a pas les moyens d’intervenir partout.

Par contre, parce que les besoins sont diversifiés, les solutions doivent être en conséquence et les partenaires aussi doivent être au rendez-vous. Que ce soit les municipalités, que ça soit le milieu, que ça soit les gouvernements, c’est tout le monde qui va tirer dans la même direction pour pouvoir régler ce problème de crise avant qu’il ne devienne, comme nous a dit le maire de Laval tantôt, permanent.

Alors, je pense que oui, mais l’analyse que vous faites par rapport à la rentabilité, il faut la prendre avec des pincettes. Est-ce que vous êtes d’accord avec moi?

M. Vaillancourt (Gilles): Bien écoutez, je présume que vous allez avoir des groupes de propriétaires aussi qui vont venir plus tard. Ils vont parleront de leur situation.

Mme Houda-Pepin: Je les attend avec intérêt.

M. Vaillancourt (Gilles): Voilà! Écoutez, moi, ce que je vous dis, c’est: C’est sûr que la SHQ et la SCHL ne vont pas dire que leur politique de réglementation des loyers crée un problème. Ils ont aussi leur intérêt à défendre là-dedans.

Ce que je vous dirais, c’est que, pour avoir vécu ailleurs dans d’autres marchés en Amérique du Nord, Montréal est assez unique dans la mesure où c’est vraiment le seul marché que j’ai connu où les gens vraiment se retirent massivement du logement locatif. Pourquoi? Et c’est là que je veux revenir au point que vous faisiez entre Montréal et… Enfin, il faut dire Saguenay maintenant. J’allais dire Chicoutimi.

Ce qu’on observe au Québec, c’est que les villes qui vont bien, autrement dit, Montréal, Gatineau et Québec, c’est là qu’on vit une crise du logement. Pourquoi? Parce que justement la demande augmente. Il y a plus de gens qui arrivent sur le marché. Et des villes comme Saguenay puis comme Trois-Rivières perdent de la population depuis des années. Et c’est ça, selon moi, le critère qui fait la différence.

Ce n’est pas que les facteurs sont différents, c’est que l’économie varie beaucoup au Québec d’une ville à l’autre. Dans les villes où l’économie va bien, les mesures qu’on a mises en place en termes de réglementation des loyers découragent les gens d’investir dans le logement. C’est la même chose à Chicoutimi puis à… À Chicoutimi, pardon, à Saguenay et à Trois-Rivières. Les gens n’investissent pas plus là-bas, mais, vu que la population diminue, c’est sûr qu’ils ne vivent pas une crise.

À Montréal, à Gatineau, à Québec, l’économie va bien, la demande augmente. Les gens n’investissent pas plus dans le logement, on a une crise qui est localisée. Et ce que je vous dirais là-dessus, les causes et les conséquences sont les mêmes. La différence entre Saguenay et Montréal, c’est le taux de croissance économique et la population qui vient avec. À Montréal et dans les autres villes où l’économie va bien, comme je vous dis, la demande est là et donc on a un problème. Les villes qui sont en déclin, c’est sûr qu’on n’a pas de problèmes de logement, mais ils ont un problème qui est beaucoup plus grave qui est leur déclin économique et l’effet que la population s’en va.

Donc, je maintiens mon analyse et je vous dirais là-dessus que les découragements, les mesures qui découragent l’investissement dans le logement sont ce qui provoque la crise au Québec.

Mme Houda-Pepin: Je suis d’accord avec vous qu’on puisse analyser qu’est-ce qui entrave ou qui décourage l’investissement. C’est une préoccupation que nous avons parce que l’habitation, ce n’est pas juste social. C’est aussi économique. Et on a cette préoccupation-là. Mais de là jusqu’à dire qu’il n’y a qu’une seule solution puis elle s’applique mur à mur, je ne suis pas d’accord avec vous dans cette analyse.

Hier, nous avons écouté la Fédération québécoise des municipalités qui sont venus nous signaler les besoins qu’il y a dans les régions qui sont différents par rapport aux grands centres urbains, mais les besoins sont là aussi. Et ils ont des solutions très novatrices pour les régler. Mais justement, la crise est dans les grands centres urbains parce que vous avez parlé qu’il y a des emplois qui se créent, mais c’est aussi… il y a une concentration de pauvreté dans ces centres urbains.

C’est parce que les gens viennent de partout. Ce n’est pas tout le monde qui trouve de l’emploi, ce n’est pas tout le monde qui trouve du logement et donc il y a une corrélation, que vous le vouliez ou pas, entre la pauvreté et le logement. Ceci étant, ce qui me préoccupe, moi, par-dessus tout ça, c’est que, parce que la crise du logement est en train de devenir récurrente puis le 1er juillet, ce n’est que le sommet de l’iceberg, le problème qui est en train de se dessiner, c’est que la classe moyenne est affectée par cette crise, la crise moyenne est en train de s’appauvrir. Il y a 42% des gens au Québec qui ne paient pas d’impôt et par conséquent ils vivent aussi cette crise-là.

Mais je veux revenir à vos recommandations, à la page 17, là. Évidemment, lorsque vous dites: «Les causes de la crise sont autres», et puis là vous nous amenez sur votre terrain, c’est évident que les mêmes causes ne produisent pas nécessairement les mêmes effets. Donc, on n’arrive pas à vous joindre sur les solutions que vous proposez. Alors, vous suggérez le contrôle du loyer, hein, c’est ça? Ça veut dire quoi, ça? On abolit la Régie du logement?

M. Desrochers (Pierre): Ça veut dire qu’on abolit le contrôle des loyers. La Régie a d’autres rôles à jouer. La Régie peut avoir un rôle d’arbitre pour s’assurer que l’entente qui est convenue entre le propriétaire et le locataire est respectée. Mais, ce que je vous dis, écoutez, le contrôle des loyers, comme le disait l’économiste… Il y avait un économiste suédois, lui, qui était, il y a quelques années, le président du comité Nobel, c’est-à-dire que c’est lui qui choisissait les prix Nobel. Son nom est Assar Lindbeck. Et il a eu la métaphore heureuse de dire que, après les bombes incendiaires, la meilleure façon de détruire une ville, c’est le contrôle des loyers. Pourquoi? Parce que ça met en branle la dynamique que j’ai expliquée.

Dans le fond, là où je suis en désaccord avec vous, respectueusement, la classe moyenne ne s’appauvrit pas au Québec, elle a de la difficulté à se loger. Ce n’est pas la même chose. Et pourquoi? Ce n’est pas parce qu’elle est plus pauvre qu’avant, c’est parce que le marché locatif ne répond pas. Et pourquoi est-ce qu’il ne répond pas? Comme je vous dis, c’est en bonne partie à cause de la réglementation des loyers.

Mme Houda-Pepin: Merci. Donc, la Régie du logement, vous voulez qu’elle se maintienne mais qu’elle ne touche plus au contrôle du loyer.

Deuxième recommandation, vous dites: «Certaines dispositions de la législation québécoise qui posent plusieurs obstacles à la sélection des locataires et à l’exclusion des plus mauvais locataires…» Vous faites d’ailleurs une distinction entre les bons locataires et les mauvais locataires. Déjà, dans les qualificatifs, on pourrait argumenter, mais il y a des gens qui sont mauvais payeurs parce qu’ils ne paient pas mais ils ne sont pas mauvais locataires pour autant.

M. Desrochers (Pierre): Ou il y a des gens, comme vous le savez… Bien, écoutez, comme vous le savez, Montréal a la particularité d’être un marché où le petit propriétaire est encore très important, donc quelqu’un qui a un duplex, un triplex, un quadruplex, contrairement à d’autres villes. Et ces gens-là, bon, souvent c’est leur petit pécule, c’est leur retraite. Si vous avez un locataire qui peut-être paie son loyer mais vandalise l’appartement ou, en tout cas, on lui installe un plancher de bois franc et il arrive avec deux chiens, disons, je sors un exemple comme ça, ce n’est pas nécessairement un mauvais payeur. C’est quelqu’un qui peut faire des milliers de dollars de dommages que le propriétaire devra assumer par la suite.

Si on n’a pas de mesures qui incitent les gens à dire: Écoutez, dans le fond, c’est mon logement, je vous demanderais de lui faire un peu plus attention, si, dans le fond, on les empêche de prendre soin de leurs biens, ce qu’on dit aux gens, c’est: N’investissez pas dans les duplex, dans les triplex ou dans les quadruplex. Ce qu’on dit, il y a un équilibre à trouver et on a l’impression que, depuis quelques années, au Québec, la balance penche toujours du même côté, et pas nécessairement pour les bonnes raisons.

Ce n’est pas, encore une fois, seulement un problème de pauvreté, c’est un problème de gens qui ne respectent pas nécessairement la propriété d’autrui. C’est tout.

Le Président (M. Vallières): Merci. On pourra avoir d’autres interventions. On va terminer tantôt avec la députée d’Anjou. Nous passerons au député de Duplessis.

M. Duguay: Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. Desrochers, bonjour. Bon. C’est sûr que, moi également, quand j’ai lu votre mémoire, la première réaction que j’ai, je vais me permettre de vous la livrer. Vous me faites penser à un soldat qui est dans l’armée, qui n’a pas le pas, puis là vous dites: Tous les autres n’ont pas le pas. Et pourquoi vous dites ça? En tout cas, moi, de la façon que je le perçois, c’est que, à l’intérieur du mémoire, vous parlez de mythes, vous parlez également, à la page 7, d’activistes qui attribuent la crise non pas aux coupures fédérales… Et pourtant hier il y a eu quand même des intervenants pour dire qu’une partie des problèmes provenait effectivement des transferts fédéraux. Et il y a aussi eu hier beaucoup d’intervenants qui ont fait la démonstration que la situation est différente qu’on soit dans les grandes villes ou dans des petites régions, et la députée de La Pinière tout à l’heure en a fait référence. Il faut quand même se placer dans un contexte, au Québec, où la situation que l’on vit versus les logements, versus la qualité de vie, elle est totalement différente que sur l’ensemble des autres communautés, même à l’intérieur du Canada.

Sans trop de questions sur le mémoire, il y en a une, entre autres, sur laquelle vous avez intervenu tout à l’heure en disant que ça prenait de l’aide à la personne. Et vous vous êtes prononcé également un peu contre les interventions qui seraient proposées à l’intérieur. Alors, déjà, c’est quand même une intervention ciblée. Alors, comment vous percevez ça, là? Pour l’expliquer un petit peu plus à fond, là.

M. Desrochers (Pierre): Bien, enfin, ce que je vous dis, dans le fond, c’est que souvent les solutions les plus simples sont les meilleures. Et, nous, ce qu’on dit, c’est vrai qu’il y a des gens au Québec qui ont des problèmes à se loger dans un marché où le prix du logement est finalement… va rejoindre le prix réel du marché.

Nous, ce qu’on dit, bon, il y a deux façons de régler ça. On peut faire ce qu’on a fait dans le passé. Je ne sais pas si vous êtes familiers avec… bien, enfin, sauf votre respect, j’étais un peu jeune à l’époque pour réaliser ces choses-là, mais, par exemple, à Montréal, au début des années soixante-dix, on a démoli beaucoup de logements autour du pont Jacques-Cartier pour construire Radio-Canada et tout ça, on a créé une pénurie de logements. Et la réponse, à l’époque, ça a été d’avoir des mesures fiscales, de créer Corvée-Habitation, de créer d’autres choses, de créer beaucoup de programmes, de pomper beaucoup de subventions pour favoriser la construction soit de propriétés qui libéraient des logements, soit de nouveaux logements locatifs.

Et le résultat, c’est qu’une fois que ces programmes-là ont été mis en branle et que l’air d’aller est parti, on n’a pas su s’arrêter. On en est arrivé au début des années quatre-vingt-dix avec un taux d’inoccupation de 8% qui a fait mal financièrement à beaucoup de petits propriétaires. Et je le précise, encore à Montréal, c’est surtout un marché de petits propriétaires encore, en bonne partie. Et donc ces gens-là, on prenait l’argent de leurs taxes pour leur tirer dans le pied. Et ce que l’on craint, nous, c’est que si on adopte la même approche, on va encore avoir le même problème. Donc on va prendre l’argent des petits propriétaires pour leur tirer dans le pied, soit en leur enlevant leurs meilleurs locataires pour qu’ils accèdent à la propriété, alors que ces gens-là pourraient peut-être le faire d’eux-mêmes dans quelques années, soit en investissant dans des mesures de logement social qui, encore une fois, vont rendre le marché plus dépressif.

Nous, ce qu’on dit, la meilleure façon d’intervenir pour aider les gens les plus démunis, en aidant le plus de monde et puis, en même temps, en nuisant au plus petit nombre de personnes, c’est d’aider les gens directement à se loger sur le marché privé. C’est un programme qui est beaucoup plus simple, vous n’avez pas de critères compliqués, vous ne devez pas attendre que la politique ait été définie, vous ne devez pas faire intervenir un paquet de monde. Vous augmentez simplement les subventions, c’est-à-dire, les allocations logement aux personnes qui vraiment sont inaptes au travail, qui ne peuvent pas se loger d’elles-mêmes – ce sont les personnes qui ont vraiment besoin d’aide – et une fois que ces gens-là ont plus d’argent, si on déréglemente le marché, si on incite les gens à investir et qu’on laisse les loyers augmenter, mais qu’en même temps on aide financièrement ces gens-là à assumer cette augmentation-là, nous, ce qu’on dit, ça va être la façon la plus rapide, la plus efficace et la moins coûteuse pour régler le problème.

Et ce qu’on vous dit, dans le fond: Vous avez un rôle à jouer, mais essayons d’en faire le plus et le mieux pour le moins d’argent possible. Et ça nous semble être l’approche la plus souhaitable, plutôt que de faire encore une fois des programmes, des critères, des mesures puis des choses du genre.

Le Président (M. Vallières): Bien. M. le député, juste auparavant Mme la députée d’Anjou, suivie du député de Saint-Maurice.

Mme Thériault: Oui. M. Desrochers, je suis un petit peu surprise de ne pas voir dans votre document que vous parlez de la démographie; pourtant, le portrait du Québec a été considérablement changé, si on fait juste reculer de 30 ans où lorsque les enfants quittaient la maison, quittaient pour se mettre en couple, ils se mariaient, ils avaient des enfants. On sait très bien qu’aujourd’hui, les jeunes qui quittent ne quittent pas nécessairement pour aller demeurer avec quelqu’un d’autre, l’éclatement des familles qui fait qu’il y a des enfants qui sont à garde partagée les familles monoparentales, le fait que les gens vivent plus vieux et en santé plus longtemps, très souvent en veufs, parce qu’il y a quand même des décès qui se font, à mon avis, il y a quand même un impact sur la façon de consommer au niveau du logement au Québec qu’on vit présentement qu’on ne voyait pas voilà 30 ans.

M. Desrochers (Pierre): Et le marché répond très bien à ça. Si vous regardez les résidences pour personnes âgées, elles sont le secteur qui est le plus en expansion depuis quelques années. Le marché privé répond très bien à ça et il n’y a aucune raison de croire que… c’est vrai qu’on vit des changements démographiques au Québec, mais il n’y a aucune raison de croire que le marché privé ne répondrait pas.

Regardez ce qu’on fait depuis des décennies en fait. Vous avez plusieurs logements dans les centres urbains qui étaient très petits à l’époque. On avait des plus grandes familles mais des petits logements. Les gens sont devenus plus prospères, souvent on a agrandi les logements, on a, disons, abattu une cloison, on a transformé un duplex en une maison unique, ou etc., il n’y a pas de raison de croire que le marché privé ne s’adapterait pas à ces changements-là. Je veux dire, les gens qui investissent dans le logement puis le propriétaires ne sont pas nonos, je veux dire, s’ils sont dans cette business-là depuis des années, c’est qu’ils sont capables de s’adapter. Et, selon moi, il n’y a pas de raison de croire que le marché ne répondrait pas. Comme je vous le dis, il répond déjà en construisant beaucoup de logements pour personnes plus âgées mais, en même temps, il ne faut pas oublier non plus que la population augmente.

Avant moi, ce matin, M. Vaillancourt, le maire de Laval, parlait des vieux quartiers où les gens quittent après 40 ou
50 ans et, moi, je peux vous dire, je connais beaucoup de gens de mon âge qui se portent acquéreurs de ces maisons-là justement parce que le coût d’infrastructure a déjà été payé, ils sont bien situés, ils sont près des transports et puis tout ça. Je ne crois pas qu’on ait besoin de subventions pour dire aux gens: Regardez, c’est un endroit intéressant pour vous pour vivre, ils le réalisent eux-mêmes.

Mme Thériault: Oui, bien, ça, c’est l’étape après, quand on achète une maison. Sauf que lorsque l’on quitte la famille, les parents, on n’a pas nécessairement les moyens d’acheter une maison, donc on doit louer des logements.

M. Desrochers (Pierre): Bien sûr. Exactement.

Mme Thériault: Il y a beaucoup de personnes âgées aussi qui n’ont pas nécessairement les moyens de s’acheter une maison.

M. Desrochers (Pierre): Non, non. Bien sûr.

Mme Thériault: Donc il est évident qu’il y a une conséquence sur le marché du logement direct à Montréal…

M. Desrochers (Pierre): C’est ce que je vous dirais là-dessus.

Mme Thériault: … et que ça demande beaucoup plus de logements que ça demandait à l’époque évidemment, parce qu’on ne vit pas de la même façon. une famille qui est éclatée lorsqu’un père ou une mère doit payer une pension monumentale, il lui reste beaucoup moins d’argent dans ses poches pour se payer une résidence, donc nécessairement, souvent, il va y avoir deux logements qui vont être occupés par la même cellule familiale qui, à l’époque, il y a 20 ans, 30 ans, aurait occupé seulement qu’un loyer. Donc, c’est évident qu’il y a une différence au niveau de la consommation, mais vous ne semblez pas faire état dans votre document de constat vis-à-vis ça. Et je trouve ça déplorable un peu.

M. Desrochers (Pierre): D’accord, bien, écoutez, j’aurais pu, mais je vous dirais en même temps qu’il y a moins de jeunes aujourd’hui qu’il y en a il y a 30 ans en fait. Comme vous le savez, les familles sont moins nombreuses, donc, vous pouvez dire que vous avez proportionnellement une proportion de jeunes qui est beaucoup moins importante qui a besoin de logement. Donc est-ce que l’effet est si important? Ce n’est pas clair. Enfin, c’est une raison pour laquelle je n’en ai pas parlé. Ce que je vous dirais là-dessus, c’est…

Mme Thériault: … les jeunes à l’époque quittaient pour rester en couple et qu’ils ne poursuivaient pas leurs études plus longtemps. Aujourd’hui, on vit une situation qui est totalement inverse où les jeunes occupent un marché locatif, alors qu’à l’époque ils auraient acheté une maison beaucoup plus tôt dans leur vie. Donc, c’est évident qu’on a changé la façon de consommer notre logement et notre loyer au Québec entre il y a 30 ans, 20 ans et aujourd’hui.

M. Desrochers (Pierre): Bien, ça dépend, je vous dirais: Écoutez, mes parents…

Le Président (M. Vallières): En terminant sur cette question, je vais passer à un autre intervenant. M. Desrochers.

M. Desrochers (Pierre): Oui, bien, enfin, non, ce que je voulais dire là-dessus, oui, c’est vrai qu’il y a des changements, mais il n’y a pas de raison de croire que le marché privé ne pourrait pas y répondre. Moi, mes parents aussi viennent de familles nombreuses et même s’ils… après qu’ils se soient mariés il y a une quarantaine d’années, ils ont occupé un logement pendant quelques années, ils n’avaient pas les moyens de s’acheter une maison. Donc, oui, on mentionne aujourd’hui beaucoup de facteurs conjoncturels. Un, je ne suis pas sûr qu’ils sont aussi radicaux qu’on le dit par rapport au passé, et, de toute façon, ce que je dis, c’est que oui, il y a une demande de logement locatif qui est plus importante, on la voit aujourd’hui, mais le problème, c’est qu’on a enlevé tous les incitatifs du secteur privé à investir dans le logement locatif. S’il n’y avait pas ces barrières-là, il s’en construirait davantage, et les familles qui sont divisées, les familles reconstituées, tout ça, pourraient occuper ces logements-là. Enfin, c’est une problématique très complexe.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Moi, c’est concernant la Régie du logement, c’est une institution qui a été créée ça fait déjà plusieurs décennies, et c’est une institution qui permet actuellement une réglementation au niveau de la hausse, notamment au niveau de la hausse des loyers. Que ce soit une hausse normale des loyers qui est contrôlée par la Régie ou encore que ce soit une hausse normale due à un investissement ou à des modifications importantes qui sont effectuées par le propriétaire et qui fait en sorte de donner une plus-value à l’immeuble pendant un certain nombre d’années.

Cette fixation du loyer par la Régie du logement a permis à date à notre parc immobilier et surtout à une classe de gens peut-être plus démunis de pouvoir avoir accès à un logement abordable. Mais, aussi, ne trouvez-vous pas que le fait d’avoir un contrôle sur le logement permet aussi à des gens qui sont par exemple soit dans du logement ordinaire ou encore dans des HLM ou HPR, personnes retraitées, d’avoir un certain contrôle et qui fait en sorte que ces gens-là peuvent avoir un niveau de vie très, très acceptable dû au fait que le pourcentage de leurs revenus qui est approximativement de 25%, ces revenus-là, c’est pour le logement, et il demeure un 75% qu’ils peuvent se permettre d’investir dans des biens de consommation ou dans une amélioration de leur qualité de vie?

M. Desrochers (Pierre): O.K. Bien, ce que je vous dirais là-dessus, une expérience qui pourrait être instructive, ce serait d’aller voir ce qui se passe à New York. New York a la réglementation, la fixation des loyers la plus sévère aux États-Unis depuis une cinquantaine d’années. Or, ce qu’on observe, c’est que, effectivement, il y a des gens, comme vous le dites, qui bénéficient beaucoup de ça, règle générale des couples qui ont occupé le logement à partir du début des années cinquante, qui ont eu leurs enfants, les enfants sont partis, maintenant ils ont un 6½, un 7½ où ils payent effectivement un loyer ridicule.

Par contre, le problème, à New York, c’est qu’il n’y a plus personne qui investit dans le logement locatif depuis des décennies, et le drame, ce sont les jeunes couples qui entrent sur le marché du logement locatif, eux, vraiment sont confrontés à des pénuries, sont condamnés à aller vivre au New Jersey, ou se mettent à deux couples pour payer un logement de luxe parce que c’est la seule catégorie de logement qui n’est pas réglementée.

La fixation des loyers, c’est vrai que ça bénéficie à une catégorie de gens, ceux qui sont établis depuis longtemps. Le drame, c’est ceux qui entrent sur le marché. Ce que vous leur faites, vous découragez tellement l’investissement que les jeunes couples qui arrivent sur le marché sont condamnés à s’exiler en banlieue ou à se mettre souvent à deux couples pour se louer un petit 4½ à New York dans un logement de luxe.

Donc, ce que je vous dis, oui, il y a des gens qui bénéficient, mais il y a aussi beaucoup de victimes. Et ce que vous faites en défendant ça, c’est que vous dites à des couples qui n’ont pas besoin d’un 5½ ou d’un 6½, qui sont peut-être un peu plus âgés qui pourraient se contenter de plus petit: Continuez de bénéficier de vos privilèges aux dépens de la jeune clientèle. Et moi, enfin, je peux vous dire, j’ai des amis de mon âge à New York, et c’est un drame pour eux, je veux dire, un garde-robe à New York coûte 1 200 $ par mois, dans le même immeuble, vous avez des gens d’un certain âge qui payent une portion ridicule de leur loyer pour un logement beaucoup plus grand et qui auraient les moyens de payer plus. Et souvent les gens qui payent moins sur leur logement à New York sont des gens qui vont aller s’acheter un chalet en Floride ou ailleurs. Donc, ce que je vous dis, il faut voir. Oui, il y a des gens qui bénéficient, mais il y a aussi des victimes, puis ça crée des injustices également.

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, ceci met fin à nos échanges avec l’Institut économique de Montréal. On vous remercie, M. Desrochers, de votre présentation. Je demanderais maintenant à l’Association des groupes des ressources techniques de bien vouloir prendre place.

Back to top