La hausse des droits de scolarité réduirait-elle l’accessibilité aux études universitaire?
«Ça a été une présentation extrêmement intéressante […] Ce n’était pas la première fois que nous entendions de vos propos, puisque plusieurs de ceux qui sont venus devant cette commission ont utilisé vos chiffres, vos données et votre recherche. Nous vous remercions pour votre contribution, soyez assurez que nous apprécions énormément.» -Maxime Arseneau, député des Îles-de-la-Madeleine et vice-président de la Commission de l’éducation de l’Assemblée nationale, 24 mars 2004.
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Les travaux parlementaires, 37e législature, 1ère session (début, le 4 juin 2003), Journal des débats, Commission de l’éducation de l’Assemblée nationale, 24 mars 2004, 16h00 (non révisé).
Présentation de Norma Kozhaya, économiste à l’IEDM, et Patrick Leblanc, directeur, événements et communications à l’IEDM
Le Président (M. Arseneau): Écoutez, je pense qu’on peut maintenant reprendre nos travaux et nous avons avec nous l’Institut économique de Montréal, Mme Norma Kozhaya et M. Patrick Leblanc. Madame, monsieur, bienvenue à l’Assemblée nationale du Québec, la commission vous remercie de votre participation à ses travaux. Et, selon ce qu’on a convenu, vous auriez donc une quinzaine de minutes pour faire votre présentation et, par la suite, nous pourrons échanger.
M. Leblanc (Patrick): Alors, bonjour à tous. J’aimerais d’abord remercier la commission de nous avoir invités à présenter notre mémoire.
Comme vous le savez, l’Institut économique de Montréal est un institut de recherche et d’éducation économique. Nous sommes une organisation indépendante non partisane et sans but lucratif. Nous existons depuis maintenant pratiquement cinq ans, et on intervient dans différents débats publics. Et vous nous connaissez, sans doute, sûrement, entre autres, grâce à notre bulletin annuel des écoles secondaires du Québec, une publication qui revient chaque année à la fin du mois d’octobre, au début du mois de novembre pour comparer la performance de toutes les écoles secondaires du Québec.
Alors, nous, avant même que la commission ait commencé ses travaux, donc dès le mois de janvier de cette année, on a publié un document dans notre série notes économiques, donc un document qui adressait justement la question du financement des universités et c’est un document qui a circulé largement. On l’a fait parvenir tous les députés de l’Assemblée nationale. On l’a fait parvenir à tous les recteurs des universités du Québec, aux associations étudiantes. Et ça a généré également beaucoup d’attention dans les médias, et il y a des commentateurs, des chroniqueurs qui y ont consacré des textes, entre autres, dans le journal Les Affaires en février, le président du Conseil du trésor du Québec M. Joseph Facal qui s’est inspiré des données et des conclusions de notre note pour écrire un texte. Et j’étais heureux de voir aussi, aujourd’hui, que l’organisation qui nous a précédés, la Jeune Chambre de commerce, s’est aussi inspirée de nos données et de certaines de nos conclusions dans son propre mémoire.
Et donc, le mémoire qu’on a déposé à la commission se base en grande partie sur la note économique qu’on a publiée en janvier et que vous aviez déjà reçue il y a quelques semaines. Et, si j’avais à le résumer ou à résumer l’objectif de notre intervention, ce qu’on voulait faire, c’est examiner un des mythes qui est coeur du débat dur le financement des universités au Québec et c’est le mythe selon lequel il y a un lien entre le niveau des droits de scolarité et l’accessibilité. Et ce qu’on conclut à la lumière des données qu’on a examinées, et Mme Kozhaya va vous expliquer ça en détail dans quelques instants, c’est qu’il n’y a pas de lien direct entre le niveau des droits de scolarité et le taux de participation aux études supérieures.
Alors, je vais laisser la parole à Mme Kozhaya qui va vous présenter les détails et qui pourra répondre à vos questions.
Mme Kozhaya (Norma): Bonjour, merci encore de nous avoir reçus. Donc, comme mon collègue l’a mentionné, l’objet de ma présentation aujourd’hui c’est essentiellement d’amener certains éléments d’information et d’observation au débat actuel sur le financement, l’accessibilité des études universitaires au Québec.
Donc, selon une perception, une meilleure accessibilité passe nécessairement par des droits de scolarité faibles ou voire même nuls de la part des étudiants. Or, il s’avère qu’il n’y a… donc, en regardant, par exemple, les données pour le Québec et les autres provinces canadiennes, il n’y a aucune relation directe entre droits de scolarité et taux de participation aux études universitaires. Donc, peu importe la mesure qu’on prend pour le taux de participation, c’est le cas, nous avons pris la mesure… la proportion des jeunes de 20 à 21 ans inscrits à plein temps dans une université pour tenir compte du fait que, mettons, dans les autres provinces, les années de scolarité sont moins alors qu’au Québec peut-être qu’il y a des jeunes de 19 ans qui sont encore au cégep donc pour tenir compte la particularité du Québec et ce qui était aussi le cas de l’Ontario. Donc, en prenant juste cette classe de jeunes, on espérait avoir vraiment une idée très claire de ce taux de participation aux études universitaires.
Donc, le Québec, malgré les droits de scolarité les plus faibles, a le taux de participation parmi les plus faibles avec 20% des jeunes inscrits à plein temps dans une université, alors qu’en Ontario, par exemple, où les droits de scolarité sont plus que le double, le taux de participation est plus élevé à 25%. En Nouvelle-Écosse, qui a les droits de scolarité les plus élevés, le taux de participation est également le plus élevé.
De plus, si on regarde seulement le Québec, pendant la période du dégel en 1991, il ne s’en est pas suivi une diminution du taux de participation. Vous avez donc un graphique dans le mémoire qui montre bien cette situation, et le gel de 1994 n’a pas non plus mené à une amélioration du taux de participation, il y a eu même une légère diminution.
En Ontario, les droits de scolarité ont plus que doublé au cours des 10 dernières années, ça a augmenté de 137%; les taux de participation ont continué d’augmenter. Donc, c’est clair que ça ne veut pas dire qu’il faut augmenter les droits de scolarité pour améliorer l’accessibilité, mais ça ne veut pas dire l’inverse non plus. Et, par ailleurs, donc, si l’augmentation des droits de scolarité sert à améliorer la qualité des universités, il peut s’en suivre une amélioration de l’accessibilité si un éventuel dégel, une éventuelle augmentation des droits de scolarité s’accompagne d’une amélioration adéquate de l’aide financière aux étudiants. Ça, je vais revenir aussi un peu plus tard.
Par ailleurs, les faibles droits de scolarité au Québec ne bénéficient pas nécessairement aux plus pauvres. Donc, on a des faibles droits de scolarité pour aider les plus pauvres pour améliorer l’accès à tout le monde, ceux qui n’ont pas les moyens, mais on ne les aide pas nécessairement en ayant des droits de scolarité très faibles. C’est un fait connu, la participation des jeunes issus de familles plus riches est, en général, plus élevée que la participation de jeunes issus de familles plus pauvres. Ça, c’est vrai au Québec, c’est vrai dans les autres provinces, dans les autres pays c’est pareil.
Malheureusement, l’explication n’a rien à voir avec des droits de scolarité ou des raisons financières, en général. C’est que les jeunes issus de familles plus pauvres sont, en général, moins enclins à poursuivre parce qu’ils sont peut-être moins préparés, parce que leur famille s’attend moins à ce qu’ils continuent leurs études universitaires, donc il y a des tonnes de raisons qui font que les jeunes issus de familles plus pauvres participent moins. Puis, en moyenne, il y a 40% des jeunes issus du quartier le plus riche de la population qui avaient soit un diplôme universitaire, soit été aux études universitaires, alors que ce chiffre est de 20% pour le quartier le plus pauvre de la population.
Une étude américaine en ce sens a estimé que, au maximum, 4% de jeunes Américains ne poursuivaient pas leurs études universitaires pour des raisons financières, alors que ce qui détermine plus l’éducation universitaire, c’est un ensemble de facteurs que cette étude-là a qualifié d’effet de famille à long terme, donc c’est les écoles secondaires dans lesquelles elles ont été, les attentes des parents, l’environnement global dans lequel ces étudiants ont évolué qui font que, lorsqu’ils atteignent le niveau de l’université, ils vont continuer comment? Donc, c’est un problème beaucoup plus complexe, vous le savez sûrement mieux que moi, que les raisons financières, c’est un aspect vraiment qui est minime, si on peut dire.
Par ailleurs, dans les enquêtes de Statistique Canada auprès des jeunes Canadiens qui n’ont pas poursuivi leurs études postsecondaires, donc y compris le cégep et l’université, donc il y a 26% des répondants qui ont mentionné les raisons financières comme principale raison pour laquelle ils n’ont pas continué leurs études postsecondaires; il y a 20% qui ont dit que c’était parce qu’ils voulaient prendre un certain temps d’arrêt des études, prendre un certain break; d’autres qui ont dit que c’était par manque d’intérêt, ça ne les intéresse simplement pas de poursuivre des études universitaires. Et puis, il y a des tas d’autres petites réponses qui comptent pour le reste des réponses, comme la volonté d’élever une famille, etc., mais c’est des réponses dans de plus faibles pourcentages.
Au Québec, il y avait 13% dans cette enquête-là qui avaient répondu que c’était pour des raisons financières seulement, alors que 20% avaient dit que c’était par manque d’intérêt, et un autre pourcentage, la volonté de prendre un certain temps d’arrêt. Et peut-être que le faible chiffre pour Québec provient en partie de ce qu’il a les cégeps au Québec et qu’il y en a beaucoup qui continuent au cégep mais qui ne continuent peut-être pas plus loin pour des études universitaires plus poussées.
Par ailleurs, l’écart donc que je viens de mentionner qu’il y a 40% des jeunes issus de familles plus riches qui vont en général aux universités, alors que c’est la moitié, 20%, dans les quartiers les plus pauvres, il y a 20 ans, c’était seulement 10% de jeunes issus de familles plus pauvres qui y allaient. Donc, l’écart dans la participation entre riches et pauvres s’est réduit. Il y a plus de pauvres qui vont aux universités qu’avant, et ça, c’est au niveau du Canada. Je n’ai pas de chiffres pour le Québec, et ce, malgré l’augmentation des droits de scolarité au Canada en général, si on exclut le Québec. Donc, c’est clair qu’il y a autre chose qui se passe, qu’on ne comprend malheureusement pas c’est quoi au juste.
Mais, par ailleurs, lorsqu’on dit «raisons financières», ça ne veut pas dire droits de scolarité parce que c’est le manque à gagner quand on étudie plutôt que de travailler. Donc, c’est le salaire qu’on perd en étudiant, parce qu’on a besoin, donc c’est des coûts de logement, de subsistance, etc., et les droits de scolarité, en soi, c’est encore un pourcentage plus faible des raisons financières.
Donc, sur un autre aspect un peu, donc la question du rendement à l’éducation qui a également été mentionné par M. Savoie auparavant, c’est connu que les diplômés universitaires ont, en moyenne, des revenus 60% plus élevés que les gens qui n’ont pas de diplôme, des taux de chômage beaucoup plus faibles. Et, donc, les études qui ont estimé les taux de rendement à l’éducation trouvent des chiffres qui vont de 12% à 20%, selon les disciplines, selon que c’est un homme ou une femme, etc. Donc, c’est des taux de rendement, j’aime juste mentionner que c’est net d’impôts, et ces taux de rendement là, donc, tiennent compte de l’ensemble des coûts encourus, c’est-à-dire, soit les droits de scolarité, mais aussi le manque à gagner, le revenu qu’on ne gagne pas parce qu’on étudie. Donc, tout ceci, même en sacrifiant tous ces revenus-là, en faisant des dépenses reliées aux études, on a un taux de rendement net d’impôts de 12% à 20%. Donc, c’est un investissement qui est effectivement très rentable. Des chiffres beaucoup plus élevés que ce qu’on a pu avoir sur des marchés boursiers, par exemple. Donc, c’est un peu normal que les gens qui vont bénéficier… C’est fini?
Le Président (M. Arseneau): Non. Vous avez encore trois minutes.
Mme Kozhaya (Norma): Trois minutes? Merci. Donc, qui vont bénéficier de ces rendements-là contribuent un peu plus à leur éducation. De plus, en contribuant un peu plus, les étudiants seraient plus conscients du vrai coût de leurs études. Ils pourraient peut-être faire de meilleurs choix, et les universités auraient plus de revenu.
Par ailleurs, notre proposition, c’est que, de plus, les universités aient le choix de facturer ou non des droits plus élevés. Donc, ce n’est pas que, automatiquement, toutes les universités vont charger plus, vont exiger des droits plus élevés. Une solution pourrait être que les universités aient un certain choix, une certaine flexibilité à facturer des droits plus ou moins élevés, selon le mandat qu’elles se sont fixées et selon leurs besoins, selon le type de clientèle auquel elles s’adressent. Donc, ce ne serait pas… Peut-être qu’il y a certaines universités en région qui décideraient de ne pas facturer des droits plus élevés; l’Université McGill, qui, peut-être, pourrait faire le choix de faire payer plus les étudiants.
Donc, si on assortit un éventuel dégel des droits de scolarité d’une amélioration de l’aide financière pour s’assurer qu’aucun étudiant qui a les qualifications académiques pour entrer à l’université ne soit empêché pour des raisons financières, je crois qu’on a une partie du problème. Par ailleurs, les universités elles-mêmes, lorsqu’elles vont avoir des revenus plus élevés, pourraient elles-mêmes donner de l’aide financière aux étudiants les plus qualifiés par des bourses. C’est ce qu’on observe d’ailleurs, même dans les universités américaines les plus chères, les universités privées, il y a un fort pourcentage d’étudiants issus de familles pauvres, mais, parce que ces étudiants ont les qualifications académiques nécessaires et qu’ils arrivent à obtenir des bourses et de l’aide financière pour poursuivre leurs études.
Donc, je crois que ça résume un peu notre intervention. J’espère que j’ai été correcte pour le temps. Donc, là, si vous avez des questions.
Le Président (M. Arseneau): Je vous remercie beaucoup. Ça a été une présentation extrêmement intéressante, et je ne peux résister à la tentation de demander un éclaircissement, parce que, il y a, à un moment donné, où vous avez, dans votre présentation, parlé que les plus pauvres, enfin, les gens issus de familles plus pauvres vont de plus en plus à l’université dans le Canada. Alors, le pourcentage augmente donc, mais vous n’avez pas de données pour le Québec. Parce que je pense que, dans les études que vous faites, moi, ce que je me disais, je disais: Ça prendrait une perspective historique, c’est-à-dire d’où le Québec est parti en regard des décisions et des moyens que, collectivement, on s’est donnés pour faciliter l’accessibilité aux études supérieures, pour comparer peut-être avec le reste de l’ensemble canadien qui est votre point de repère. Donc, vous n’avez pas de données pour le Québec – c’est ça que je comprends – où on aurait pu avoir cette perspective historique.
Mme Kozhaya (Norma): Oui, effectivement, malheureusement, ce n’est pas donné pour le Québec. Je ne sais pas si ça existe au fait mais, en général, les enquêtes de Statistique Canada, des fois, pour certaines questions, il y a des données pour toutes les provinces mais, sinon, c’est au niveau du Canada seulement qu’on a des données détaillées.
Le Président (M. Arseneau): Alors, merci beaucoup. Ceci étant dit, alors, donc, il nous resterait quatre blocs de sept, huit minutes. Je commencerais immédiatement avec le ministre de l’Éducation. M. le ministre.
M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter d’abord la bienvenue aux représentants de l’Institut économique de Montréal et aborder tout de suite une question que je… Enfin, je conclus peut-être trop vite mais il me semble, surtout si on se situe vers la fin de votre mémoire – on parle de la page ici 7 et 8, à la fin de la page 7 – dans la section sur la flexibilité d’adaptation aux conditions locales des universités, on dit, dans la quatrième ligne: «L’Université de Montréal, par exemple, reçoit beaucoup d’étudiants étrangers et est en compétition directe avec d’autres institutions partout en Amérique du Nord; elle n’a pas la même mission que l’Université du Québec à Trois-Rivières – donc, on sent une différenciation là – et elle devrait conséquemment pouvoir adopter ses droits de scolarité à des besoins financiers à son environnement compétitif.»
Ce que je vois ici, c’est que vous mettez… vous soulignez qu’il y a une différence entre l’université qui se trouve à Montréal, l’autre en région et vous dites que les droits de scolarité seraient une façon de respecter un peu l’environnement économique et, donc, dans ce cas-là, l’environnement compétitif. Je me dois de dire aussi que le gouvernement ne fait pas que laisser l’économie évidemment, il doit la réglementer et c’est ce qui se fait jusqu’à maintenant au Québec.
Vous semblez dire ici que, peut-être, il faudrait le faire différemment. Et je ne peux pas m’empêcher de mettre ça en relation avec la deuxième partie du premier paragraphe de la conclusion, dans la même page où on dit, à la quatrième ligne: «La vraie question devrait porter sur les moyens de bâtir et consolider un réseau universitaire répondant aux besoins de diverses clientèles – et là… – certaines universités répondant à des besoins spécifiques et régionalement localisées – d’une part là et, d’autre part – d’autres universités, donc, mettant l’accent sur un enseignement et une recherche de calibre national ou international.»
Ce que ça nous dit, parce qu’on a eu l’occasion de voir à la commission, un certain nombre de fois, ces discussions, on a posé la question. Ça nous dit que vous proposez… enfin, vous vous opposez de le régir dans un premier temps. Vous semblez opposer, ici, des universités qui se donnent une mission de calibre national et international et qui pourraient être situées plutôt à Montréal puisque les autres universités semblent répondre à des besoins plus spécifiques et régionalement localisés. On a l’impression que vous dites: À Montréal, les universités de calibre international et les autres, pour répondre à des besoins spécifiques en région.
Nous avons eu l’occasion de discuter un certain nombre de fois et de demander aux universités, en région notamment, et je ne parle pas uniquement de l’Université de Sherbrooke, par exemple. On a demandé à l’Université du Québec à Chicoutimi, un peu partout, l’Université du Québec à Trois-Rivières dont vous parlez, et toutes ces universités ont effectivement l’intention et offrent des formations qui sont reconnues mondialement comme de très haute qualité, des formations de deuxième cycle, troisième cycle également, et font déjà ou veulent continuer à être certaines d’exister sur la scène internationale en recherche, parce qu’il n’y a pas d’autres façons d’exister en recherche que sur la scène internationale puisqu’on n’invente pas, dans chaque pays, la même chose en parallèle. Dans ce sens-là, pouvez-vous, disons, essayer de concilier ou, alors, si votre position est très claire pour vous. Le Québec ne peut pas soutenir un système universitaire qui, partout, a ce calibre international et qui, à ce moment-là, on devrait faire ce que certaines personnes – on a entendu des syndicats en parler ce matin, le Syndicat des professeurs de l’UQAM – appellent la hiérarchisation des universités, c’est-à-dire des universités de première classe qui, elles, sont de niveau international et des universités de deuxième classe qui, elles, répondent à des besoins spécifiques, un peu comme aux universités… comme les collèges communautaires, par exemple, aux États-Unis. Est-ce que c’est ça, votre position ou si… et comment, là-dedans, insérez-vous la question des droits de scolarité différenciés par institution, autrement dit libéralisation des droits de scolarité?
Le Président (M. Arseneau): Mme Kozhaya ou M. Leblanc.
Mme Kozhaya (Norma): Oui. Donc, au fait, il n’est pas question de hiérarchisation mais je ne sais pas s’il est réaliste également d’envisager que toutes les universités au Québec fassent de la recherche de calibre international. Vous avez sûrement plus d’information que moi, mais, des fois, de facto, même avec des droits de scolarité qui sont uniformes partout, il y a certaines universités qui vont faire plus de recherche, d’autres qui vont se concentrer plus vers des disciplines plus appliquées ou dans les mêmes disciplines. Même à Montréal, mettons, il y a des universités qui préparent plus les étudiants juste pour un bac pour aller directement sur le marché du travail, d’autres au contraire qui ont des aspects plus théoriques, donc qui préparent plus les étudiants à poursuivre des études de deuxième cycle et de troisième cycle.
Donc, je ne sais pas, il y aurait de la place pour tout le monde et puis les universités pourraient, selon leur position géographique, selon leur type de clientèle, selon les professeurs, etc., vouloir se spécialiser dans certaines disciplines peut-être plutôt que dans d’autres. Même les universités en région pourraient continuer à faire de la recherche si elles ont un créneau dans lequel elles ont peut-être un avantage comparatif. Et peut-être en choisissant de facturer moins cher, elles pourraient retenir plus d’étudiants qui viennent de sa région plutôt que tout le monde aille à Montréal. Donc, je ne sais pas si ça va mener à des universités de première classe, de deuxième classe, mais je veux dire, de facto, il y a des universités qui font plus de recherche, qui ont plus une renommée internationale, d’autres qui sont plus peut-être orientées vers plus préparer les étudiants juste pour aller directement sur le marché du travail, moins de recherche, plus des aspects un peu plus appliqués. Donc, si on donne plus de flexibilité, c’est clair que ce n’est pas toutes les universités qui ont besoin de faire tous la même chose et de compétitionner dans les mêmes disciplines. Peut-être que ça peut amener un peu plus de concurrence, un peu plus de spécialisation dans certaines, ce qui peut être bénéfique, et également les étudiants aussi auront plus de choix de s’orienter vers des universités qui font plus la recherche ou qui font plus des disciplines plutôt appliquées. Donc, j’imagine que, en ce sens, de façon générale, si on a plus de flexibilité, plus de compétition, c’est mieux pour le consommateur qui est, dans ce cas, l’étudiant, et la société dans son ensemble également.
M. Reid: D’accord. Parce que c’est important, M. le Président, les décisions d’ordre public, les décisions qu’un gouvernement doit prendre et quand il réglemente un marché, si on parle marché, on parle d’économie avec vous. Vous l’avez abordé sur l’aspect environnement compétitif des universités à l’interne et à l’externe. On peut réglementer de façon extraordinairement libérale auquel cas dans n’importe quel marché économique, il y a des entreprises qui vont manger, gruger, survivre, parce qu’il y a un avantage compétitif et d’autres qui vont mourir. Même sur le plan économique, on a… en fait, au Canada et au Québec, on n’a pas cette attitude-là en général et, sur le plan des universités, il y a un parallèle qui pourrait se ressembler, et ce n’est non plus ce que nous avons recherché jusqu’à maintenant au Québec dans ce sens que, bon, il y a la poule et l’oeuf, c’est-à-dire que, s’il y a les ressources, la recherche peut se développer, le niveau international peut se développer partout où on met les ressources nécessaires dans les régions et dans les universités données. Par contre, si on libéralise trop et que les ressources viennent uniquement du marché, il est possible qu’il y ait, à ce moment-là, une destruction du système en valorisant certaines universités et en détruisant peut-être ce que d’autres universités peuvent faire.
Et ce que je comprends, puis ce que vous dites dans le fond, c’est ou enfin – vous ne vous êtes pas prononcés – mais est-ce que vous… disons, en tenant compte de ce que vous avez dit, à savoir, il est peut-être mieux d’avoir une plus grande variété, un meilleur service à tout le monde, est-ce que le gouvernement devrait poursuivre dans la voie – globalement, j’entends là – dans la voie qu’il s’est donnée et les gouvernements successifs au Québec depuis 30 ans, à savoir de s’assurer que ce marché n’est pas trop libéralisé au sens où les universités qui ont accès à un plus grand marché ou à plus de fonds, les droits de scolarité, par exemple, pourraient en arriver à bouffer – excusez-moi l’expression – tout ce qui existe comme marché universitaire et tout se situerait à Montréal et à Québec, par exemple, et aux dépens des régions du Québec. Est-ce que c’est dans ce sens-là, quitte à ce que… il faut libéraliser, je comprends un petit peu plus, mais pas de façon exagérée. Est-ce que c’est ce que je comprends?
Mme Kozhaya (Norma): Oui. C’est-à-dire, il faut libéraliser un peu plus, peut-être bien sûr dans un certain cadre. Ce n’est la libéralisation complète évidemment. Il peut y avoir certaines… je veux dire, dans une certaine limite, dans un certain cadre, mais donner un peu plus de marge de manoeuvre aux universités que ce qu’est le cas actuellement. Ce serait une possibilité de solution, parce que vous avez sûrement entendu parler beaucoup de la menace à la qualité de l’enseignement et de la recherche à cause du sous-financement etc. Donc, une solution c’est peut-être de donner un peu plus de flexibilité aux universités, dans la recherche de fonds, elles-mêmes.
Le Président (M. Arseneau): Alors, tel que convenu, je vais maintenant passer la parole à la députée de Taillon et critique de l’opposition officielle en matière d’éducation.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter, à mon tour, la bienvenue à notre commission au nom de ma formation politique.
Bon. Je n’ai pas l’habitude de faire ça depuis le début de la commission, mais je l’ai fait à plusieurs reprises mais pas beaucoup, je ne suis pas tout à fait en accord pour ne pas dire je suis même en désaccord avec certaines des affirmations que vous faites et j’aimerais quand même en débattre avec vous. D’abord, je vous dirais que, d’entrée de jeu, pour moi, je mets la formation sur le même titre que la réponse aux besoins essentiels, se nourrir, se loger, s’habiller et se former. Moi, je suis persuadée qu’on doit, dans nos sociétés démocratiques, dans nos sociétés riches aussi, parce que nous sommes une société riche, là, on peut mettre toutes les nuances qu’on veut. Pour moi, l’éducation c’est un bien public et on doit collectivement contribuer à ce que tous les citoyen et citoyennes qui en ont les talents et la volonté puissent avoir accès à une formation la plus large, la plus complète possible et la plus poussée possible. Évidemment, chacun a ses talents, on s’entend, et il n’y a pas de sots métiers et ça pour moi aussi c’est bien important, mais il faut que, comme collectivité, comme société, on mette à la disposition les ressources… à la disposition des citoyens et des citoyennes, les ressources nécessaires pour leur permettre d’aller au bout de leur talent.
Bon, ça c’est la première chose. Et donc, en ce sens-là, c’est sûr que plus les coûts pour avoir accès à l’enseignement supérieur vont être bas, plus on facilite l’accessibilité, et c’est un principe qui va de soi, hein. Bon, vous dites oui, mais on pourrait les augmenter les frais de scolarité et l’impact sur les taux de participation ne sont pas si élevés que cela ou même ne le sont pas. Par contre, quand je regarde dans votre document, à la page 6, le dernier paragraphe de la page 6. Vous dites, bon: À noter que les droits de scolarité ne sont qu’une composante des raisons financières, celles-ci comprenant également les coûts de subsistance, logement, nourriture, etc. Et, on est d’accord, bon. Pour le Québec, 13% des répondants ont choisi les raisons financières comme principale raison pour ne pas poursuivre leurs études tandis que 18% ont voulu prendre un temps d’arrêt, 17% ont signalé leur manque d’intérêt. Pour l’Ontario, ces chiffres sont de 23% pour les raisons financières comme principale raison pour ne pas poursuivre leurs études. Après ça, c’est 19% et 7%, là, pour les deux autres causes expliquant l’arrêt des études.
Si on prenait ces chiffres-là, et simplement… et on voulait tirer une conclusion, on pourrait dire: Parce que les frais de scolarité sont plus bas au Québec, bien dans les faits, autant au cégep qu’à l’université, parce qu’au cégep évidemment il n’y a que les frais afférents, là, on pourrait conclure qu’au contraire justement il n’y a que 13% dans ce cas-là qui a évoqué une raison financière parce que les frais étant bas, ils ont plus facilement accès, en plus ajoutez à ça qu’il y a un régime d’aide financière aux études qui est pas mal plus généreux ici qu’il ne l’est dans le reste du Canada, nous le savons, et donc en Ontario où au contraire ils ont libéralisé les frais, on parle de 23%.
Alors, je comprends qu’on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres, là, mais en même temps, ici, on pourrait faire dire ce que j’interprète… ce que je fais comme interprétation aux chiffres qui sont là. J’aimerais ça vous entendre sur ça. Puis, je vais revenir sur la question de la libéralisation, là, des frais de scolarité.
Le Président (M. Arseneau): Mme Kozhaya.
Mme Kozhaya (Norma): D’accord. Donc, la question qui se pose, c’est pourquoi on n’a pas des taux de participation peut-être plus élevés au Québec, malgré le fait qu’on a un gel. Il y a eu le dégel en 1991, mais le gel c’est depuis 40 ans pratiquement que ça dure, à part la courte période où il y a eu le dégel.
Donc… et est-ce que… il est incontestable qu’une meilleure éducation universitaire c’est mieux pour tout le monde, pour les individus, pour la société, ça, on est tous d’accord je crois. Il n’y a personne qui va contester ça, mais encore une fois, le chemin pour y arriver, ça c’est moins clair et si, comme vous le… on a des ressources limitées malheureusement, et donc si on veut donner… combien serait-on prêt à donner plus aux universités plutôt qu’à la santé ou plutôt qu’à d’autres domaines, c’est ça la question. Si le gouvernement a le moyen de financer plus, tant mieux sauf que si le gel des droits de scolarité se fait un peu du dépend de la qualité, donc si on continue que les universités ont besoin de plus parce que le corps professoral vieillit, parce que la clientèle augmente, parce que pour différentes raisons technologiques, on a besoin de plus de fonds et que le gouvernement n’arrive pas à combler la différence, qu’est-ce qu’on fait? On se retrouve avec des universités de moins bonne qualité qu’ailleurs? C’est un peu ça la question. Dans des pays européens, comme encore mentionné en France, en Allemagne, on a choisi la gratuité et puis on se retrouve dans des amphithéâtres de 400 personnes, des gens qui vont là parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire, donc le choix… ils changent de programme en programme. Ils restent 10 ans dans une université sans avoir de bac en bout de ligne.
Donc, c’est un peu ça l’arbitrage qui se fait.
Donc, la question, c’est: Est-ce qu’en ayant des droits de scolarité plus bas on va nécessairement encourager l’accessibilité aux étudiants les plus qualifiés ou est-ce qu’on donne l’impression qu’on a une plus grande accessibilité mais que dans la réalité le résultat n’est pas ce qu’on espérait ou ce à quoi on s’attendrait?
Mme Marois: C’est sûr qu’il y a d’autres facteurs que les frais de scolarité qui peut expliquer le fait qu’on aille ou on n’aille pas à l’université. On convient de ça, je pense que c’est évident. Il y a les facteurs culturels, il y a les facteurs de milieu d’origine, bon, etc. Mais je veux reprendre un peu l’expression… c’est-à-dire le commentaire de mon collègue le président de la commission, qui disait: Il faut aussi faire un peu notre histoire, hein? Et le Québec part de très loin. On n’allait pas à l’école jusqu’aux années soixante. Ce n’est pas compliqué, hein, on n’allait pas… on ne finissait pas un cours primaire. Alors donc, on a un rattrapage considérable à faire.
Non, mais, c’est vrai, c’est avec la Révolution tranquille qu’on a commencé à aller à l’école en masse, en masse. Les élites y allaient bien sûr, voyons donc, mais en masse, ce n’était pas le cas. Remontons à ce moment-là puis regardons les données, là. Si quelqu’un veut me faire une démonstration inverse, je suis prête à la recevoir, et ça me fera plaisir. Donc, on avait un rattrapage à faire. C’est, quoi? c’est deux générations, ce n’est pas un long moment… Ce n’est pas un long temps qu’on a pris pour arriver là où on est. Alors, il y a aussi ce facteur-là qui joue dans le cas du Québec.
Bon. Je veux revenir sur un autre aspect: le débat que vous… la discussion que vous venez d’avoir avec le ministre sur les frais différenciés dans les universités et sur le fait qu’il y a une certaine forme de hiérarchisation possible dans les universités. Moi, sur ça, je crois que les… je crois qu’on peut être une université de calibre international avec une reconnaissance internationale même quand on est une toute petite université. Et je donne l’exemple à cet égard de l’Université du Québec à Rimouski, qui, dans le domaine maritime, là, dans le domaine… dans son domaine spécifique est reconnue comme une institution majeure, dans l’océanographie, etc. Alors donc, une petite université peut avoir un rayonnement tout aussi important que McGill ou l’Université de Montréal ou l’Université Laval ou l’Université du Québec à Montréal. Bon. Ça, c’est la première chose.
La seconde, sur les frais différenciés, moi, je crois qu’à ce moment-là on donne les moyens à certaines universités qui ont une capacité d’attirer une clientèle internationale ou une clientèle plus fortunée, on lui donne la capacité d’avoir encore plus de moyens pour augmenter sa qualité au détriment de d’autres universités qui se retrouvent en région et/ou qui desservent des populations qui ont des moyens beaucoup plus réduits, qui ne peuvent pas demander cette contribution. À ce moment-là, le système actuel à mon point de vue permet une équité entre les institutions. Je suis d’accord cependant avec vous qu’il faut augmenter les ressources disponibles aux universités, parce que, sans ça, on risque d’avoir un effet sur la qualité.
Je ne sais pas si vous avez le goût de commenter, là, mais, moi, c’est ce que j’avais le goût de partager avec vous comme commentaires.
Mme Kozhaya (Norma): … effectivement, et puis je pense qu’on n’est pas complètement en désaccord, sauf peut-être sur la question qu’il y ait plus… parce que, effectivement, donc si certaines universités se spécialisent dans certains créneaux ou dans certaines disciplines, ça ne les empêche pas d’être de calibre international quand même, même si ce sont des petites universités. Donc, au contraire, je veux dire, c’est juste que, mettons… De toute façon, même l’Université McGill ou l’Université de Montréal ne peut pas se spécialiser dans tous les créneaux. Donc, ça n’empêche pas… ça n’exclut pas d’autres universités plus petites.
Le Président (M. Arseneau): Merci beaucoup de votre coopération. Alors, avec l’alternance, nous irions du côté gouvernemental avec la députée de Chauveau.
Mme Perreault: Merci beaucoup, M. le Président. J’aimerais revenir sur les commentaires de ma collègue la députée de Taillon relativement au taux d’universitaires qu’on a ici, au Québec, là, qui est moins élevé qu’ailleurs. De ce que je comprends de votre mémoire, puis vous n’êtes pas les seuls à nous avoir dit ça ici, ça coûte moins cher, on a un système de prêts et bourses qui est plus généreux qu’ailleurs, et je ne partage pas l’idée de ma collègue de Taillon. Je comprends qu’au Québec on a eu un retard par rapport à la scolarisation, etc., mais, moi, en tout cas, moi, dans mon esprit à moi, en 2004, je m’explique difficilement qu’au Québec on forme moins d’universitaires qu’ailleurs. Et j’irais même plus loin, je dirais que je ne l’accepte pas. Je trouve qu’il y a quelque chose, à quelque part, qu’on ne fait pas, ou qu’on n’a pas réussi à faire, et je trouve ça facile d’expliquer ça par un retard historique.
Moi, mes enfants ont accès à Internet, aujourd’hui, ils vivent sur la planète Terre, ils vivent dans le monde. Et je m’explique mal qu’on forme moins d’universitaires, ici, au Québec, pour les raisons qu’on a énoncées: ça coûte moins cher, on a des systèmes de prêts et bourses. Je le répète, mais c’est important parce que je pense que c’est ça, les questions qu’il faut se poser.
Et je vous pose la question, à vous: Quelles seraient, selon vous, les pistes de solution, ou les avenues? Est-ce qu’on doit… Je ne sais pas, je pose la question parce que ça ne me revient pas dans la tête. Je vous le dis sincèrement, je trouve ça facile, d’expliquer ça par ça. Alors, je vous pose la question.
Mme Kozhaya (Norma): C’est ça. Malheureusement, je n’ai pas de réponse miracle, comme vous vous attendez, sauf que… Et sans pour autant porter, peut-être, du jugement de nature plutôt culturelle ou sociale, c’est peut-être… Peut-être qu’il faut pousser les gens à valoriser plus… D’ailleurs, c’est un autre sujet. Mais hier, je lisais que – vous l’avez lu, aussi, sans doute – admettons, au Québec, pratiquement, seulement 50% des garçons finissent leurs études secondaires en cinq ans, à part ceux qui décrochent, alors que, bon, c’est plus élevé pour les filles. Moi, je trouvais ça catastrophique, effectivement. Donc, c’est choquant. Ça veut dire qu’il y a quelque chose qui va mal, dans le système, je crois. Ça ne peut pas être… Ce n’est pas la faute de ces étudiants-là, de ces élèves-là, si 50% ne finissent pas leurs études en cinq ans.
Donc, peut-être que le système ne s’est pas adapté aux changements au niveau scolaire, et que peut-être… Également, il y avait le débat, aussi, sur les cégeps, les universités. En discutant un peu avec les gens, ils disent: Peut-être parce que les gens se suffisent du cégep, ne poursuivent pas aux universités. Donc, c’est un débat beaucoup plus large, sur lequel, malheureusement, je n’ai pas beaucoup de compétence. Mais je sais que c’est complexe et qu’il faut s’attaquer au problème beaucoup plus loin qu’au niveau de l’université et au niveau de droits de scolarité. Donc, au niveau de la préparation aux études secondaires, au niveau de la valorisation de l’enseignement, la perception de l’enseignement et la perception de la valeur future, non seulement… Bon, d’un côté, en termes de revenus, c’est clair, tout le monde veut améliorer son potentiel de faire plus de revenus, d’améliorer sa situation et l’ambiance de travail, mais aussi la valeur éducative, peut-être, de poursuivre plus des études universitaires.
Et encore une fois, je le répète, je ne suis pas sûre que le chemin pour y arriver, c’est des droits de scolarité qui sont bas. C’est beaucoup plus complexe que ça, à mon humble avis.
Mme Perreault: Je veux simplement ajouter, peut-être, un petit commentaire.
Le Président (M. Arseneau): Oui. Il reste trois minutes, au complet pour…
Mme Perreault: Oui.
Le Président (M. Arseneau): D’accord.
Mme Perreault: Je trouve que votre exemple des garçons est un exemple qui est flagrant, à ce niveau-là, compte tenu du fait qu’on justifie ça par un retard historique. Cet exemple-là est très probant parce que ce n’est pas un retard historique qui fait que les garçons, aujourd’hui, sont moins scolarisés qu’ils l’étaient il y a 20 ans. Il y a des raisons qui sont autres que ça, puis je le soulève, comme ça. Je pense qu’il faut avoir le courage de se poser les bonnes questions puis d’aller voir à trouver des solutions qui sont peut-être différentes de ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. C’est un commentaire. Merci.
Le Président (M. Arseneau): O.K. Alors, sur ce commentaire, je vais maintenant passer la parole au député de Portneuf.
M. Soucy: Alors, merci, M. le Président. Évidemment, je partage une partie des propos qui ont été avancés par ma collègue de Chauveau, là. En fait, si nos jeunes sont, par exemple… S’il y a une masse de jeunes Québécois qui ne sont pas capables d’atteindre l’université… Ils ne sont même pas capables de finir leur secondaire, donc, on comprend qu’on n’est pas rendus là, encore. Mais par contre, des intervenants qui sont venus dans les jours… dans les semaines précédentes, venaient nous dire qu’il y aurait peut-être lieu de réorganiser le système d’enseignement, ajouter une sixième année au secondaire, faire du cégep des collèges où, vraiment, on focusserait sur les aspects techniques. Enfin, il y a des modifications à apporter au système de l’éducation. Les preuves sont criantes: à chaque jour, on parle de décrochage scolaire, particulièrement chez les garçons. Donc, les frais de scolarité, d’après moi, n’ont rien à voir avec le fait d’aller à l’université ou pas, là.
Maintenant, je voudrais relever… C’est que vous êtes les seuls à avoir fait un parallèle au niveau de l’équité sociale, dans votre mémoire, au niveau des frais de scolarité, puis moi, ça, ça m’interpelle au plus au point. Puis vous faites une espèce de démonstration où, finalement, les gens les plus riches font étudier leurs élèves sur le dos des gens plus pauvres qui, eux, finalement, valorisent moins l’éducation. Alors, j’aimerais ça, que vous m’expliquiez davantage ce point de vue là, là, qui m’apparaît tout à fait intéressant et nouveau.
Le Président (M. Arseneau): Je vous donne une minute.
Mme Kozhaya (Norma): Merci.
Le Président (M. Arseneau): Je suis désolé, mais c’est comme ça.
Mme Kozhaya (Norma): Oui, c’est ça. Donc, c’est un fait que… Merci de l’avoir soulevé. C’est que comme je l’ai dit, vu qu’en général, ce sont des jeunes issus de familles plus riches qui vont, le plus souvent, à l’université, et qu’aussi, les gens qui vont à l’université espèrent des revenus plus élevés, donc le contribuable moyen, qui est déjà le plus taxé en Amérique du Nord, est en partie en train de financer les plus riches qui vont à l’université et les gens qui vont gagner des salaires beaucoup plus élevés dans le futur, alors que lui va rester à son point de départ. Donc, c’est un peu une forme de taxation régressive que d’avoir des droits de scolarité plus bas, que le contribuable moyen finance finalement des gens qui seront beaucoup plus riches, qui sont des fois en partant plus riches.
Donc, si on veut aider les plus pauvres à avoir accès à l’université, ce n’est pas en subventionnant tout le monde, tout le monde. On peut cibler ceux qui ont besoin par des prêts et bourses par de l’aide spécifique, mais ceux qui peuvent, qui ont les moyens, qu’ils paient plus.
Le Président (M. Arseneau): Oui. Alors donc, pour quatre minutes, je vais me tourner du côté de l’opposition officielle.
Mme Marois: Oui. Bon. Moi, je veux revenir là sur les propos que l’on tient de part et d’autre de cette table, M. le Président. Je vais inviter mes collègues du gouvernement à lire les documents qu’ils ont eux-mêmes publiés là, le document de consultation et où on dit que l’accès aux études à cet égard est effectivement beaucoup plus significatif au cours des derniers 40 ans. Ça commence comme ça là, le texte. Et, par rapport aux pays de l’OCDE, le taux d’obtention d’un diplôme est non seulement comparable, est supérieur au Québec. Ça fait que ça ne doit pas être si mal que ça quand même. Ça, c’est la première chose.
Si on se souvient, les universités du Québec, les constituantes de l’Université du Québec en région et leurs représentants qui sont venus ici, dans presque tous les cas, nous ont dit: 70% de nos jeunes ou de nos jeunes adultes qui viennent à l’université sont les premiers de leur génération à avoir accès à l’université. Alors, quand on sait qu’un des facteurs… C’est sûr que ce n’est pas seulement le facteur financier, mais qu’un des facteurs, c’est le fait que des parents qui ont eux-mêmes été à l’université sont particulièrement intéressés, vont stimuler un jeune à y aller. Ça ne veut pas dire que celui qui n’est pas allé ne le fera pas là. J’ai connu, moi, un milieu familial qui était très modeste et pourtant où les cinq enfants sont allés à l’université.
Mais il faut quand même constater ça. Et les universités du Québec en région, elles se sont implantées depuis les années soixante-dix. Avant qu’elles aient une masse critique suffisamment importante, bien ça donne ce qu’on connaît maintenant comme résultat. Puis n’oublions pas que le Québec, par rapport à d’autres régions d’Amérique du Nord, a un territoire immense qu’il occupe, qu’il occupe, mais avec des petites populations où il n’y avait pas d’institution supérieure.
L’arrivée des cégeps et des universités du Québec en région ont implanté ces outils-là. Alors, c’est normal que, occupant le territoire, n’ayant pas des gens qui avaient déjà un diplôme universitaire et en plus l’institution n’existant pas, qu’on ait un rattrapage à faire. Et qui est venu nous dire ici, soit dit en passant, qu’il ne fallait pas toucher aux frais universitaires et les geler en dehors des étudiants et d’un certain nombre d’organismes intéressés à l’éducation? L’Université du Québec. Les constituantes, les représentants des constituantes de l’Université du Québec.
Pourquoi? Parce qu’ils voient bien qui sont les gens qui fréquentent leur université. Alors, tu sais, ce n’est pas un débat facile, on en convient. Puis, même si je ne partage pas votre point de vue, je le respecte. Mais ce n’est pas un débat facile puis je crois que le Québec a encore un certain rattrapage à faire. On en convient ensemble. Ce n’est peut-être pas le seul facteur, mais c’est un facteur qui est… qui est quand même important dans certains milieux. Je pense que ma collègue a peut-être encore deux minutes.
Le Président (M. Arseneau): Votre collègue, Mme la députée de Taillon, elle a une minute pour poser sa question et pour avoir obtenu une réponse. Alors…
Mme Champagne: C’est devenu une habitude, une minute. Je fais faire un constat, je vais faire un constat. C’est que je viens du monde de l’enseignement, et il s’est dit des vérités depuis le début des rencontres en commission. C’est que les enfants, il faut les partir du départ. Et, quand on parlait de primaire, j’y crois de plus en plus puis aujourd’hui plus que jamais après vous avoir entendu.
Moi aussi, il y a des choses que je partage peut-être moins du fait que, bon, si on augmente les frais pour les étudiants, on va peut-être attaquer une clientèle sans le vouloir. Faut moduler le tout – je pense que tout le monde le dit – quitte à faire des différences. Par contre, j’ai des ingénieurs – vous avez vu les mêmes personnes ici – qui sont venus dire qu’il fallait peut-être qu’on apprenne chez nous tout petits que c’est intéressant d’être ingénieur avec des exemples concrets.
Alors, je pense qu’il faut revoir le modèle au complet. Et on a parlé de cégeps tout à l’heure avec M. le ministre, on a parlé également de l’importance que les passerelles soient correctement faites parce que, si, au niveau du cégep, tu as déjà là perdu de l’intérêt, tu vas arriver au niveau universitaire et tu n’y arriveras pas non plus. Alors, partons nos jeunes, même de niveau maternelle et peut-être même avant, et là on arrivera à faire une société qui aura le goût d’aller de l’avant du côté universitaire. C’était un commentaire qui a valu une minute.
Le Président (M. Arseneau): Mme la députée de Champlain a fait un long commentaire. Est-ce qu’on peut quand même, de consentement, avoir une réaction d’au moins 30 secondes, une minute? Mme Kozhaya.
M. Kozhaya (Norma): Merci beaucoup. Donc, effectivement, bon, on est d’accord apparemment sur plusieurs points et c’est beaucoup plus complexe. Je veux juste peut-être rajouter que même à Montréal… bon, vous avez dit effectivement en régions, peut-être ils sont partis défavorisés, mais même à Montréal le taux d’obtention des diplômes est plus faible. Il y a une étude qui compare les plus grandes villes nord-américaines et qui trouve que Montréal ne se classe pas très bien à cet égard, donc malheureusement… Donc, encore là, la question se pose si c’est vraiment des frais de scolarité… qu’est-ce qu’ils ont à faire dedans?
Le Président (M. Arseneau): Mme Kozhaya, M. Leblanc, je veux vous assurer que la commission, tous les membres de la commission ont apprécié beaucoup, énormément les échanges que nous avons eus cet après-midi. Soyez assurés aussi que ce n’était pas la première fois que nous entendions de vos propos, puisque plusieurs de ceux qui sont venus devant cette commission ont utilisé vos chiffres, vos données et votre recherche. Nous vous remercions pour votre contribution, soyez assurez que nous apprécions énormément.
Alors sur ce, je vais suspendre nos travaux quelques instants et demander au Regroupement des étudiantes et étudiants de maîtrise, de diplôme, de doctorat de l’Université de Sherbrooke de bien vouloir se présenter.
(Suspension de la séance à 17 h 16)