Électricité: verser les profits directement aux Québécois
Le potentiel énergétique du Québec est phénoménal, non seulement en termes de ressources naturelles, mais également en termes de compétences et surtout de marchés potentiels, le Québec étant limitrophe du plus important marché au monde, à savoir le nord-est de l’Amérique. Mais sa population subit littéralement la mainmise inconsciente d’une coalition mal informée d’élus, de gens d’affaires et de syndicalistes sur ses ressources énergétiques.
Le secteur de l’électricité est un bel exemple de manipulation de prix et de tarifs qui s’avère destructrice de bien-être collectif au profit de groupes d’intérêts bien organisés, appuyés par des groupes mal informés de défense des citoyens. D’un point de vue social, le maintien du prix de l’électricité à un prix inférieur à son coût d’opportunité ou coût de renonciation – son véritable coût économique – appauvrit le Québec.
Il s’ensuit un développement des ressources mal orienté, car reposant sur une manipulation des prix qui, en fin de compte, dilapide les bénéfices potentiels que pourrait générer une exploitation socialement optimale des ressources énergétiques.
La présente politique de bas prix se solde par un transfert régressif des plus pauvres vers les plus riches, par un surdéveloppement des secteurs économiques à forte consommation d’énergie et un sous-développement (destruction d’emplois) des autres secteurs, et par l’envoi de signaux défavorables au développement durable. Le pacte social sous-jacent sur l’électricité patrimoniale devrait aussi être revu, voire abandonné.
Si, par ailleurs, la bonne tarification de l’électricité affecte trop négativement les ménages à faibles revenus, alors le gouvernement doit utiliser les mécanismes appropriés dont il dispose déjà pour les protéger de manière incitative de cet impact.
Quatre changements importants s’imposent: délaisser l’omniprésente langue de bois en faveur d’analyses transparentes et indépendantes des véritables coûts et bénéfices de la politique énergétique du Québec; laisser le prix de l’électricité augmenter et refléter son vrai coût d’opportunité ou de renonciation; réaffirmer la propriété collective de l’hydroélectricité et distribuer les «profits» réalisés directement à la population (par exemple, sous la forme d’un dividende social de propriété collective) de manière à contrecarrer l’intérêt propre des politiciens de puiser continuellement dans la caisse commune des citoyens pour couvrir leur manque d’intellection et de courage à véritablement assainir les finances publiques; et permettre un développement énergétique (électricité, gaz naturel, pétrole) créateur de richesse collective dans le respect des règles normales de sécurité, de protection environnementale et de rentabilité.
L’actuel débat sur la hausse des tarifs d’électricité pour assainir les finances publiques, en renflouant les coffres et en comblant le déficit du gouvernement du Québec, est l’exemple parfait d’une bonne politique, mais utilisée à mauvais escient pour le mauvais objectif.
La hausse des prix de l’électricité doit être poursuivie à des fins d’enrichir le Québec et non pas à couvrir les inefficacités et les inefficiences du gouvernement et de l’appareil bureaucratique public. La politique courageuse serait de s’attaquer directement à ces inefficacités et inefficiences; la politique facile serait d’augmenter les tarifs d’électricité pour pouvoir cacher son incompétence et continuer à dilapider la richesse collective des Québécois tout en donnant l’impression d’être responsable. D’où le besoin de réaffirmer la propriété collective (des Québécois, pas des politiciens) de l’hydroélectricité et de distribuer les «profits» d’une hausse des tarifs directement à la population.
Cette politique de distribution directe à la population des profits provenant de la hausse des tarifs permettraient également d’éviter que la moitié des gains soient annulés par l’application des règles de péréquation.
Marcel Boyer est économiste principal à l’IEDM, professeur émérite de sciences économiques à Université de Montréal et fellow du CIRANO et du C.D. Howe Institute.