Qu’attendons-nous pour renforcer notre compétitivité?
Depuis février, cinq rapports bien documentés et équilibrés, tous commandés par le gouvernement du Québec, sont venus proposer des réformes structurelles importantes dans des domaines clés de politique publique. Il y a eu le rapport Castonguay sur le financement du système de santé, le rapport Montmarquette sur la tarification des services publics, le rapport Fortin sur l’investissement des entreprises, le rapport Gagné sur les aides fiscales aux régions ressources et à la nouvelle économie et le rapport Pronovost sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois.
Ces rapports contiennent nombre de recommandations susceptibles d’insuffler un élan important de compétitivité à l’économie du Québec. Notamment, l’abolition rapide de la taxe sur le capital de toutes les entreprises pour dynamiser l’investissement, le décloisonnement entre le secteur privé et public dans notre système de santé, et l’introduction du concept utilisateur-payeur pour certains services publics comme l’eau.
Tandis que s’achève à l’Assemblée nationale une session sur le mode minceur, on constate que, pour aucun de ces rapports, le gouvernement ne s’est engagé à mettre en oeuvre l’essentiel des recommandations. On s’en tient à des amuse-gueules.
Une approche plus proactive aurait été souhaitable, car le temps presse. Le Québec risque d’être confiné au cours des prochaines années à une maigre création de richesse tandis qu’elle gardera toute sa vigueur dans les pays émergents et en développement. Contrairement à ces pays, nous avons fait bien peu ces dernières années pour améliorer la compétitivité de notre économie. Le Québec n’a pas encore su saisir l’occasion que lui a donnée une vigueur économique récente pour amorcer des réformes significatives pour stimuler sa compétitivité.
Un découplage de la croissance s’est intensifié à un rythme sans précédent entre les différentes zones de l’économie mondiale. La contribution des pays avancés à la croissance (54% du P.I.B. mondial) est en perte de vitesse derrière celle des pays émergents et en développement (déjà 46% du P.I.B. mondial). Selon le FMI, la croissance économique des pays avancés sera d’au plus 1% au cours des deux prochaines années, tandis que celle des pays émergents et en développement avoisinera les 7%.
Plusieurs pays avancés, dont nous faisons partie, sont devenus sclérosés à force de vouloir préserver de supposés acquis. Pendant ce temps, le dynamisme de la majorité des pays émergents et en développement va bien au-delà du simple rattrapage économique. Il repose en grande partie sur l’implantation de réformes structurelles majeures, et ce, en moins d’une décennie. Citons notamment une libéralisation commerciale et financière quasi complète, une baisse considérable des emprunts publics et une vague de privatisation réussie, lorsqu’accompagnée d’un renforcement vigoureux du cadre institutionnel et réglementaire. Ces réformes, sans prétendre qu’elles soient homogènes et parfaites pour l’ensemble de ces pays, ont permis un apport massif d’investissements directs étrangers, la réalisation de gains de productivité importants et dorénavant, un secteur des exportations à haute valeur ajoutée et ultra compétitif.
Pour 2008, le Canada devrait connaître une croissance avoisinant 1% et ce scénario comporte son lot de risques de révision à la baisse compte tenu de l’incertitude liée à la situation économique et financière des États-Unis. Nous ne faisons pas face à un dégonflement soudain et momentané des marchés boursiers, mais à une économie réelle confrontée à un ralentissement sérieux. Le Québec devrait connaître une croissance économique inférieure à 1% cette année et, même si elle s’accélère quelque peu l’an prochain, cette morosité économique ne pourra pas contenir les pressions énormes qui s’exerceront sur les finances publiques.
Espérons que la réalité économique actuelle ait raison du carcan politique. Tout comme il y a consensus sur la période de morosité économique que nous vivons, qu’on l’appelle récession ou ralentissement, il y a aussi lieu de bâtir un consensus sur l’urgence d’entreprendre des réformes structurelles nécessaires au dynamisme du Québec.
Dominique Vachon est économiste associée à l’Institut économique de Montréal. Elle a notamment été vice-présidente et économiste en chef de la Banque Nationale de 1996 à 2002.