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Textes d'opinion

Pas (d’éolienne) dans ma cour, à moins que…

Le gouvernement et Hydro-Québec ont annoncé la semaine dernière avoir retenu 15 projets de parcs éoliens au terme de l’appel d’offres pour 2000 MW de puissance éolienne. Hydro-Québec avait reçu 66 propositions pour un total de 7700 MW. Québec a insisté sur le fait que la réalisation des projets sera conditionnelle à leur acceptation par leur communauté d’accueil. Bien qu’Hydro-Québec ait déjà écarté des soumissions pour des projets controversés, on peut donc s’attendre à ce que d’autres soient abandonnés en cours de route.

Espérons que les parcs éoliens seront moins contestés que l’ont été les petites centrales hydroélectriques. En 2001, le gouvernement Landry avait publié une liste de 36 sites susceptibles d’en accueillir. À la suite d’un appel d’offres et de moultes contestations, seulement trois projets ont finalement été réalisés. Les petites centrales avaient pourtant reçu l’appui d’organismes voués développement économique régional et local, ainsi que des élus locaux. Mais des artistes et des groupes écologistes avaient réussi à récupérer les quelques propriétaires opposés aux projets, puis à virer l’opinion publique contre ce mode de production d’électricité.

Dans le cas des parcs éoliens, par contre, les groupes écologistes ont offert leur appui enthousiaste. L’opposition vient de propriétaires, comme à Saint-Jacques Le Mineur, qui redoutent notamment la détérioration des paysages. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est le degré de stridence des opposants qui détermine quel projet aboutiront.

On entend le fameux «Pas dans ma cour!» pour toutes sortes de projets: des sites d’enfouissement, des lignes de transport d’électricité, des sentiers de motoneige et des tronçons d’autoroutes. C’est la réaction courante à des projets qui sont souvent nécessaires ou rentables à l’échelle du Québec ou d’une région mais qui sont perçus comme nuisibles sur le plan local.

Devant des communautés d’accueil ou des propriétaires récalcitrants, le promoteur peut choisir entre trois solutions: 1) abandonner le projet; 2) obtenir du gouvernement qu’il passe outre aux objections par décret, comme dans le cas de ligne Hertel-Des Cantons; 3) négocier le consentement des parties prenantes. C’est la troisième solution qui est souhaitable. Mais pour qu’elle fonctionne, il faut amener les récalcitrants à révéler le véritable prix de leur consentement.

Car ce prix existe bel et bien. Les Cris se sont opposés pendant trente ans aux projets d’Hydro-Québec sur la rivière Eastmain – jusqu’à ce que Québec leur offre 3,5 milliards $ en redevances sur 50 ans. Tel était le prix de leur consentement. On a appelé cela la Paix des Braves.

Comment donc parvenir à de telles ententes qui permettent de débloquer des projets? Quand un projet peut être mis en place à divers endroits, des économistes ont proposé de mettre en concurrence les différentes communautés d’accueil ou les différents propriétaires touchés, dans le cadre d’une sorte d’enchère.

Par exemple, chaque partie prenante exprime le dédommagement qu’il exigerait pour accueillir un projet sur son territoire. Celui qui aurait l’exigence la plus basse accueille le projet et reçoit le dédommagement demandé. Celui-ci peut prendre la forme d’un nouvel équipement municipal ou d’un simple chèque.

De nos jours, on entend souvent déplorer l’immobilisme ambiant. Au nom d’une conception du bien commun, on fait la leçon aux parties prenantes récalcitrantes. Une voie plus porteuse serait de créer des mécanismes de marché pour dédommager raisonnablement les propriétaires touchés pour les réels inconvénients qu’ils assument à l’échelle locale, en contrepartie des bénéfices qu’un projet engendre pour la société.

Paul Daniel Muller est président de l’Institut économique de Montréal.

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